« Cet enfant » de Joël Pommerat ne facilite pas l’écriture. Depuis mardi dernier, je remets au jour suivant ce que d’habitude j’honore le lendemain du spectacle. Depuis, l’?uvre s’éloigne peu à peu. Ma créativité est bloquée et la mise en scène de Joël Pommerat me rend mutique.
Je revois encore cet orchestre rock, derrière un rideau flouté, composé des comédiens (ce dont j’ignore tout au long de la représentation !). Cet écran de fumée, métaphore d’un f?tus, d’où jaillit une musique maladroite entre différents tableaux (souvent pas plus de dix minutes), où sont mises en scène et en lumière les réflexions d’habitants d’un quartier. Comme Ariane Mnouchkine dans « Les éphémères », Joël Pommerat fait résonner la parole de ceux que l’on n’entend jamais. Ici, ils nous parlent de filiation, ce lien si complexe. Cette ?uvre est un « accouchement » de mots, de plaintes et de colères. Par le texte et les mouvements des acteurs, il souligne l’urgence d’écouter ces femmes et ces hommes qui souffrent dans leur fonction parentale. Il nous donne à voir cette France où tout semble décalé (des parents qui positionnent leur progéniture en adulte, un intergénarionnel bousculé par la crise économique).
Nous sommes propulsés à la frontière de l’intime et du social, de l’individuel et du collectif. Joël Pommerat joue avec cette confusion, accentuée par cet orchestre qui n’est ni dedans, ni dehors, à l’image d’un pays qui feint d’ignorer la crise que traverse les familles tout en ne cessant d’en promouvoir les valeurs de solidarité à longueur de discours médiatiques et politiques.
Quelque que soit son âge, « L’enfant » par Joël Pommerat, , ne sait plus où il doit aller. Les valeurs censées le guider sont un recyclage usé de principes judéo-chrétiens. J’observe la scène de loin comme si j’étais aussi derrière un rideau. C’est beau et lourd à la fois, comme à la fin d’une séance chez le thérapeute.
Aujourd’hui, je ne suis l’enfant de personne. Je n’ai plus envie d’en parler.
Pascal Bély.
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Joël Pommerat sur le Tadorne: “Les marchands“ Ariane Mnouchkine et “ Les éphémères“. |