C’est le dernier spectacle de l’année. Cela ne vous aura pas échappé : après le 22 décembre, tous les théâtres mettent la clef sous la porte, comme si l’art s’éclipsait pour laisser sa place aux fêtes du marché. Incompréhensible. C’est donc en Arles où je termine mes migrations avec «Gênes 01» de Fausto Paravidino, mise en scène par Stanislas Nordey. Au cours de la représentation, je fais quelques liens avec l’année écoulée. Fatal.
En 2007, j’ai rencontré avec bonheur le chorégraphe japonais Toshiki Okada au KunstenFestivaldesArts de Bruxelles avec « Five days in march ». En mai dernier, j’écrivais : « Ils sont sept jeunes Japonais à nous raconter leur manifestation contre la guerre en Irak en mars 2003, prétexte pour nous immerger dans leur vie sexuelle et affective. À chaque mot, à chaque phrase correspondent un signe, une posture, un mouvement du bras, un sautillement du pied. Avec Toshiki Okada, le corps parle et c’est loin d’être un jeu de mots ».
Dernièrement, au Théâtre d’Arles, un groupe de jeunes Flamands de la Compagnie C de la B avec « Import / Export » chorégraphiait le cauchemar de la mondialisation avec justesse, énergie et beauté.
Ce soir, comment ne pas penser à ces deux spectacles tant ce qui m’est proposé est si contrasté? Six jeunes comédiens issus de la cinquième promotion de l’école du Théâtre National de Bretagne interprètent le texte de Fausto Paravidino écrit à la suite de la mort d’un jeune manifestant, lors du G8 à Gênes en 2001. C’est un « récit témoignage », une enquête à charge contre le pouvoir italien. À chaque phrase, les acteurs bougent leur corps comme des marionnettes tandis qu’un d’entre eux fait toujours les mêmes grimaces avec les mots. Le texte mitraille sans aucune respiration. Le décor est dépouillé, seule une rampe éclaire les comédiens de chaque côté. Les corps ne transpirent pas, ne se touchent pas. Ils ne communiquent jamais entre eux. Sommes-nous au théâtre ou dans un cours d’art dramatique dont nous serions les juges ? Où veut en venir Stanislas Nordey avec cette gestuelle ? Mes affects ne répondent pas. Totalement en dehors. La jeunesse, sur scène, est donc sous contrôle : gestes millimétrés, mouvements en diagonale comme dans un jeu d’échecs, parole verticale. La mise en scène de Nordey est une mécanique répressive contre la vie, la créativité, l’avenir.
Le public d’Arles applaudit : il a ce qu’il est venu chercher. D’autres, interloqués, se demandent en descendant l’escalier, si le théâtre français peut encore inventer.
Question classique, mais inopportune.
Nous n’en avons pas d’autres.
Rideau.
Pascal Bély
www.festivalier.net
« Gênes 01 » par Stanislas Nordey a été joué au Théâtre d’Arles le 14 décembre 2007.