C'est la jolie surprise du début du Festival ! À la Chapelle de Pénitents Blancs, Éléonore Weber, cinéaste, auteure et metteuse en scène, nous propose « Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine ». Ils sont quatre, la trentaine, filmés par un vidéaste, invités à se mettre à nu, entre confidences intimistes et chroniques sociales. Je les imagine facilement se retrouver en fin de journée ou un samedi matin au café du coin dissertant sur leur questionnement du moment, centré sur le « moi je » à la recherche d'un « nous » porteur de sens.
Ils sont perdus : cela se voit, se ressens. Ils cherchent leur identité (sexuelle, mais aussi politique) en phase avec une époque où l'incertitude construit le chemin (c'est peut-être pour cette raison qu'ils se révèlent profondément attachants). Ils sont drôles dans leurs recherches, touchants dans leur fragilité, beaux quand ils s'effleurent avec l'air de ne pas y toucher. Au delà des mots et des gestes, Éléonore Weber évoque cette génération sacrifiée sur l'autel de l'idéologie prônée par le Medef (l'amour selon Laurence Parisot est répété comme un slogan publicitaire) pour assurer la pérennité du capital des « baby-boomers ».
Certes, ce n'est pas un cri de révolte, mais juste un regard posé avec délicatesse et fermeté sur des femmes et des hommes fermés dehors mais ouverts dedans (à moins que cela ne soit l'inverse). La vidéo apporte (enfin) une belle touche artistique : elle accentue leur fragilité, leurs corps presque lisses, leurs regards fuyant le groupe tout en s'appuyant sur un détail du corps de l'autre. Sur scène, ils cherchent la communication, tombent ou mettent le masque, jouent leurs désillusions et leur soif d'amour qui les maintient debout. On pourrait s'étonner de la vacuité de leur propos, mais je suis touché par cette mise en espace des sentiments individuels et collectifs. Éléonore Weber révèle ses comédiens (tous exceptionnels avec une mention toute particulière pour Joano Preiss, magnifique) par un jeu de déplacements subtils où le pas de l'un entraîne celui de l'autre, où s'habiller pour se déshabiller est un geste chorégraphique. La dernière scène où chacun tente de s'en sortir quand tout est en concurrence, est le point d'orgue de cette pièce étonnante telle une performance, fragile comme une danse.
On quitte ce quatuor avec regret (comment oublier Mathieu Montanier, grand corps presque malade), soulagé d'avoir fait une belle rencontre dans ce festival, curieux sur leur avenir, intéressé sur les prochaines propositions d'Éléonore Weber.
Ce n'est pas vain d'aimer les artistes.
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?????? « Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine » d’Eléonore Weber a été joué le 9 juillet 2007 dans le cadre du Festival d’Avignon.
Le bilan du 61ème Festival d'Avignon, 1ère partie : Edgar Morin, l’artiste associé.
Le bilan du 61ème Festival d'Avignon, 2ème partie : le poids des mots.
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Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon