Ce texte fut écrit dans les années soixante-dix par un auteur blanc et deux auteurs noirs dans le contexte de l'apartheid en Afrique du Sud. Peter Brook le met en scène avec deux acteurs magnifiques : Habib Dembélé et Pitcho Womba Konga. Cette pièce fait écho avec la situation française actuelle française. C'est une histoire de photos, de cartons, d’un papier.
Nous sommes à l'École de la Trillade, dans l'un des quartiers pauvres d'Avignon, traversé par une grande avenue. Je m'étonne qu'un bâtiment aussi laid et dégradé soit une école primaire?
Nous sommes à l'École de la Trillade, dans l'un des quartiers pauvres d'Avignon, traversé par une grande avenue. Je m'étonne qu'un bâtiment aussi laid et dégradé soit une école primaire?
C’est dans ce cadre qu'un théâtre a été installé. Sur scène, des cartons et des matériaux de récupération font office de décor. Nous sommes dans un théâtre de rue, un soir d'orage dans ce quartier d'Avignon.
Habib Dembélé, alias Styles, arrive sur scène. Il travaille à l'Usine Ford et nous décrit par les moindres faits et gestes comment le contremaître le traite, lui et ses collègues « singes noirs », le jour où le « grand patron américain » vient inspecter les lieux. Les mots font mouche et Habib Dembélé semble danser en même temps qu'il dénonce avec humour ces pratiques d'un autre temps. Mais Styles rêve d'autre chose. Il s'installe alors comme photographe pour tirer le portrait. Il décrit avec drôlerie comment une famille de trente-sept personnes veut s'immortaliser?quelques jours avant la mort du grand-père. Steves évoque celle de son père et sort la photo de sa poche. L'émotion traverse la cour de l'école. Tout semble suspendu. Progressivement, les photos, les cartons ont une âme. Le papier bouge?
Habib Dembélé, alias Styles, arrive sur scène. Il travaille à l'Usine Ford et nous décrit par les moindres faits et gestes comment le contremaître le traite, lui et ses collègues « singes noirs », le jour où le « grand patron américain » vient inspecter les lieux. Les mots font mouche et Habib Dembélé semble danser en même temps qu'il dénonce avec humour ces pratiques d'un autre temps. Mais Styles rêve d'autre chose. Il s'installe alors comme photographe pour tirer le portrait. Il décrit avec drôlerie comment une famille de trente-sept personnes veut s'immortaliser?quelques jours avant la mort du grand-père. Steves évoque celle de son père et sort la photo de sa poche. L'émotion traverse la cour de l'école. Tout semble suspendu. Progressivement, les photos, les cartons ont une âme. Le papier bouge?
Sizwe Banzi frappe à la porte de la boutique. Il veut une photo pour envoyer à sa femme restée au pays. Il est travailleur étranger et son « pass » est périmé. Il est sous le coup d'une expulsion. Il n'est plus rien. Styles le fait jouer pour lui faire la photo (« tu es le grand patron de l'usine?souris ! Clic ? clac »). Par ce petit jeu de rôles, Style donne plus qu'une photo d'identité ; il le rend humain. Mais il faut trouver un stratagème pour avoir un « pass ». C'est alors que Styles découvre un homme mort avec un « pass » en règle. Sizwe Banzi devient alors Robert Zuellima. Survient ce qui sera sans doute le plus beau moment de théâtre de cette 60e édition : Sizwe (Pitcho Womba Konga, exceptionnel) se dirige vers le premier rang du public (cf. photo) et clame : « Qu'est-ce qui se passe dans ce foutu monde ? Qui veut de moi ? ?QU'EST – CE QUI NE VA PAS AVEC MOI ? ». Les sans-papiers en lutte aujourd'hui en France semblent crier avec lui. La cour résonne. Les murs d'Avignon et de l'Elysée tremblent. Je n'ose plus bouger. Les photos s'animent, les cartons se soulèvent. Le papier vit?
Peter Brook signe une mise en scène magnifique avec trois bouts de cartons et une planche en bois. Dénué de tout, l'homme est toujours capable de créativité. Peter Brook nous invite à retrouver notre conscience des Droits de l'Homme sans quoi le « pass » devient la procédure qui masque l'émergence d'un nouvel apartheid. En plaçant des spectateurs sur les deux côtés de la scène, il signifie que nous sommes aussi « acteurs » de ce qui se joue avec les « sans papiers » pris au piège en Europe. Cette mise en scène humaniste, loin d'être culpabilisante, nous aide à ressentir la complexité de cette situation en replaçant l'individu (Sizwe) au centre. C'est une façon de positionner les sans-papiers comme sujet au moment où nous les considérions comme objet, comme variable d'ajustement.
Sans que l’on y prenne garde, les photos jaunissent, les cartons brûlent.
« AVEC VOUS , ÇA VA » semble répondre le public.
Pascal Bély
www.festivalier.net
Peter Brook signe une mise en scène magnifique avec trois bouts de cartons et une planche en bois. Dénué de tout, l'homme est toujours capable de créativité. Peter Brook nous invite à retrouver notre conscience des Droits de l'Homme sans quoi le « pass » devient la procédure qui masque l'émergence d'un nouvel apartheid. En plaçant des spectateurs sur les deux côtés de la scène, il signifie que nous sommes aussi « acteurs » de ce qui se joue avec les « sans papiers » pris au piège en Europe. Cette mise en scène humaniste, loin d'être culpabilisante, nous aide à ressentir la complexité de cette situation en replaçant l'individu (Sizwe) au centre. C'est une façon de positionner les sans-papiers comme sujet au moment où nous les considérions comme objet, comme variable d'ajustement.
Sans que l’on y prenne garde, les photos jaunissent, les cartons brûlent.
« AVEC VOUS , ÇA VA » semble répondre le public.
Pascal Bély
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Crédit photo: Christophe Raynaud de Lage