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Maguy Marin, «may be» not.

La chorégraphe Maguy Marin est en tournée dans toute la France jusqu’en juin. La critique est unanime sur «Salves», spectacle jugé majeur. J’ai rediffusé dernièrement l’article élogieux que j’avais publié en septembre 2010 lors de la Biennale de Lyon. Depuis quelques jours, des amis m’envoient des retours plus mesurés.  Francis Braun, contributeur pour le Tadorne, m’a transmis son regard. À la lecture de son article, je m’interroge. Serions-nous saturés de propos dénonciateurs ? Peut-on aujourd’hui penser une nouvelle société à partir de nos décombres ? N’avons-nous pas besoin d’un bordel poétique pour reconstruire sur d’autres bases (d’où le récent succès de Vincent Macaigne avec «  Au moins j’aurai laissé un beau cadavre »)?

Pascal Bély

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RECOLLER LES MORCEAUX et REMETTRE LE COUVERT?…Par Francis Braun

 On va courir, couvrir, se transformer, se travestir, se dénuder, s’illuminer, s’éteindre, s’asperger, se ridiculiser….À force de tout expliquer, on va se faire chier….et ceci dès les premières quinze minutes. On nous mâche le travail avec ces images convenues et évidentes. Si bien qu’on n’imagine plus. On est à l’école, et à force de nous démontrer, on ne rêve plus. On va finir par s’ennuyer avec ces répétitions qui n’en finissent plus de se répéter. On ne va pas danser, non, on va seulement bouger, courir, sauter, faire du mouvement, gesticuler…On va écouter des bandes-sons hachées….On va regarder à la condition absolue de pas nommer le nom de danse, ni de celui de longue performance.

La description sera facile, mais Maguy Marin nous ment: on tend un fil de part en part de la salle. On fait semblant de choisir des gens au hasard pour le dérouler.

Premier mensonge : ce ne sont pas des anonymes que l’on sélectionne,  mais des danseurs.

Deuxième mensonge: ce sera un fil (est-il imaginaire ?) qu’ils vont se repasser.

À ce moment-là, on réalise la supercherie :….ce fil sera le fil de l’histoire que l’on va dérouler sous vos yeux !

Ouah!!! En voilà une belle prouesse métaphorique (au point où nous en sommes, imaginons une danseuse déguisée en Araignée!)

Maintenant que le spectacle a commencé, sachez  qu’il fait a moitié nuit dans le Pavillon Noir d’Aix-en-Provence…un noir parfois éclairé, éteint à nouveau…ré allumé puis ré éteint…ce n’est pas involontaire, c’est voulu…ce sont des clairs-obscurs, des contrastes….des épisodes, des instants , des impromptus…Mon oeil a du mal à s’habituer à cette lumière séquentielle, utile, mais pas indispensable, surtout fatigante pour ne pas dire lassante.

Aix-en-Provence transformée en “Sons et Lumières” par Maguy Marin.

Maintenant, examinons le contenu…plutôt le contenant…Il va falloir “recoller les morceaux” et “remettre le couvert”…puis entre-temps, faire défiler les strates de la Mémoire.

Tout y passe…tout y trépasse. La Religion, les Papes, les Curés, les Artistes, la Peinture, la Sculpture, les Monuments, la Statue de la Liberté, la Venus de Milo, le Vase de Soissons…

Les évènements tragiques et populaires se succèdent,  le racisme bien sûr, la parodie peut-être, le cynisme certainement…Tout s’éclate, se brise et se sépare. Le désarroi gicle sur les murs; la catastrophe nous tombe dessus.

Elvis se multiplie, Marco Ferreri s’annonce, Fellini s’approche…C’est alors qu’un tout petit Christ rédempteur arrive après la bataille…J’aurais aimé entendre Bashung et son saut à l’élastique…imaginer la figurine se fracasser sur la Table dressée,…

Un effet terrible sur  tragico-burlesque banquet ridicule.

Tragédie ou Comédie? Ce simulacre pseudo fellinien….Nature morte grotesque déguisée….À force de trop dire, on perd toute la poésie. À force d’expliquer, on dilue le contenu.

Avec un peu d’humour et beaucoup de dérision…voilà l’amertume et le regret de ma détestation.

Que j’ai aimé Maguy Marin et son “May B“. Universel.

Je ne digère pas ma déception.

Francis Braun – Le Tadorne

“Salves” de Maguy Marin au Pavillon Noir d’Aix en Provence du 11 au 13 janvier 2012.

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OEUVRES MAJEURES

Fracassante Maguy Marin.

« Salves» de Maguy Marin fut l’événement de la Biennale de la Danse de Lyon en 2010. Dès janvier 2012, sa compagnie part en tournée dans toute la France. Je publie à nouveau l’article que j’avais écrit en 2010 et les dates de ce long voyage qu’entreprennent Maguy Marin et ses danseurs. Ils vont passer près de chez vous.

Sonné. Immobilisé. Traumatisé. Elle ne nous a pas lâchés un instant. Même pas une seconde. Car ce n’est plus le moment de se divertir à partir des ficelles du marketing spectaculaire et faire semblant. Il est temps de recoller les morceaux d’une époque fracassante qui, à force de tordre le sens de l’Histoire, fait de nous des êtres «décivilisés», capables parfois de se laisser séduire par des visions réductrices au mépris de tous ceux qui ont oeuvré pour notre émancipation. La chorégraphe Maguy Marin n’a donc plus rien à perdre. Avec “Salves” sa dernière création présentée à la Biennale de la danse de Lyon, elle trace, car il faut l’énergie du chaos pour continuer sa quête de sens au coeur d’une société où poser LA question vous catalogue rapidement dans le clan des intransigeants. Maguy Marin ne transige pas. Elle occupe le terrain en préférant une scène en travaux aux plateaux dorés qui ensommeillent.

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Dès les premiers instants, les interprètes viennent délicatement nous chercher, comme si nous étions terrés, apeurés, ayant perdu le fil de l’Histoire. Cinq minutes d’une poésie à vous couper le souffle. Avec un fil transparent, ils nous relient et permettent à Maguy Marin de poser son paradigme (une bonne fois pour toute ?): tout est lié, l’art est total et il est grand temps de résister contre celles et ceux qui séparent au nom d’une rationalité abrutissante qui fait mal à l’humanité. Sur le fil, elle provoque le chaos le plus sublime qu’il m’ait été donné de voir afin de (tout) remettre à plat, en hauteur, en diagonale. En nous? Pour cela, elle transforme la scène en territoire pour chorégraphier le théâtre, nous inclure dans la danse, réveiller notre sens de l’Histoire qu’elle projette, comme une cinéaste d’une Nouvelle Vague, sur la toile de nos parois  cérébrales devenues soudainement amovibles! Aux traumatismes provoqués par la folie du monde, Maguy Marin répond en créant un langage «traumatique artistique» qui se passe des mots pour susciter un choc « psychologique ». Pour cela, le son s’approche du vacarme entêtant d’un « cauchemar de folie » ; pour cela, la lumière n’éclaire plus, elle projette.

Les danseurs arpentent donc, torche à la main, ce que nous avons fait là…C’est pire que ce que nous pensions. Mais ne croyez pas à une dénonciation, une de plus, auxquelles nous sommes habitués sur bien des plateaux. Ici, Maguy Marin inclut le spectateur dans la folie du monde. Par touches successives, elle réveille nos peurs enfouies qui font qu’aujourd’hui nous laissons faire, parce qu’enfant, nous avons découvert ce qu’il ne fallait pas voir. Elle va chercher ce qui fait Histoire dans notre histoire. Inutile de préciser que c’est saisissant. Elle interpelle notre lien à la culture qui, censé nous «civiliser», nous assujetti aux modes et fait de nous des consommateurs clonés qui empilent les oeuvres d’art comme nous rangeons la vaisselle dans le placard.

La force de « Salves» est bien là : elle métamorphose notre lien à la scène, seul ressort qu’elle peut actionner pour changer notre rapport au monde et nous montrer ce que notre société du spectacle, plongée dans le consumérisme le plus abject, nous empêche de voir. L’époque est folle parce que nous ne sommes reliés à rien. Même pas à l’art dont nous baladons les symboles, détournons les oeuvres à des fins marchandes où la vitesse de consommation des biens culturels prime au-delà du sens qu’ils incarnent. Pendant ce temps, les corps souffrent, les victimes disparaissent de notre champ de vision. Pendant ce temps, l’événementiel chasse l’Histoire et nous voilà immergés dans le groupe anonyme prêt à nous foutre sur la gueule en attendant qu’un dieu suprême vienne nous sortir de ce merdier.

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Alors Maguy Marin repart au combat et nous enrôle en repassant la bande-son et les images d’un vieux film, connues de tous, celui de la Résistance ; celui de ces petits gestes intimes du quotidien dont la portée politique est immense. N’attendez pas un bouquet final heureux. On n’est pas au spectacle ici ! Bombez le torse, accueillez ces salves. Elles vont vous transpercer et vous donner la force de tendre le fil qui vous relie à l’Histoire et «civiliser»votre regard posé sur le corps.

Car le corps est politique. Il est notre statue de la liberté.

La torche vivante de la fraternité.

Pascal Bély – Le Tadorne.

“Salves” de Maguy Marin à Biennale de la Danse de Lyon du 13 au 19 septembre 2010.

Crédit photo: Christian Ganet.

 

Les dates de la tournée:  

6 janvier 2012 au Théâtre la Passerelle – Gap
10 janvier 2012 au Théâtre de l’Archipel – Perpignan
12, 13 et 14 janvier 2012 au CCN de Aix-en-Provence / Ballet Preljocaj – Aix-en-Provence
17 janvier 2012 au Cratère, scène nationale – Alès
20 et 21 jan
vier 2012 au Merlan scène nationale – Marseille

24 janvier 2012 à La scène nationale de Cavaillon – Cavaillon
31 janvier 2012 au Théâtres en Dracénie – Draguignan

3 et 4 février 2012 au CNCDC de Châteauvallon – Ollioules 

7 février 2012 au Centre Culturel Agora – Boulazac
9, 10 et 11 février 2012 au Théâtre de l’Union – Limoges
14 février 2012 au Théâtre Le Liburnia – Libourne
17 et 18 février 2012 au Manège de Reims, scène nationale – Reims
21 et 22 février 2012 au Théâtre d’Orléans, scène nationale – Orléans
24 février 2012 à La Faïencerie, scène conventionnée – Creil

2 mars 2012 à La Passerelle, scène nationale – Saint Brieuc
6, 7 et 8 mars 2012 au Lieu unique, scène nationale – Nantes
14 mars 2012 à L’Arsenal – Metz
16 et 17 mars 2012 au Maillon / Théâtre de Strasbourg,scène européenne – Strasbourg

21, 22 et 23 mars 2012 au Théâtre National de Bretagne – Rennes
27 mars 2012 à l’Hippodrome, scène nationale – Douai
30-31 mars et 1er avril 2012 à l’Opéra de Lille – Lille

3, 4 et 5 avril 2012 Le Toboggan en partenariat avec la Maison de la danse de Lyon – Décines
10 avril 2012 à L’apostrophe scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise – Cergy
13 et 14 avril 2012 au Théâtre Auditorium de Poitiers, dans le cadre du Festival [à corps] – Poitiers
17 et 18 avril 2012 à la Scène nationale Petit-Quevilly/Mont-Saint-Aignan – Le Petit-Quevilly
20 avril 2012 à Dieppe, scène nationale – Dieppe
24, 25 et 26 avril 2012 à La Comédie de Valence, centre dramatique national Drôme-Ardèche – Valence
30 avril 2012 à L’estive, scène nationale de Foix et de l’Ariège – Foix

6, 7, 8 et 9 juin 2012 au Théâtre Garonne – Toulouse