Dimanche 2 juillet ; Marseille; 22h…J’ai rendez-vous avec Anne Teresa de Keersmaeker. Cela se voit…D’un pas décidé, j’arpente le parc Henri Fabre, heureux de commencer mon périple festivalier et de retrouver l’univers complexe de cette chorégraphe. Elle a toujours eu le talent de relier avec humour ce qui s’oppose. J’ai besoin de relliance au moment où la France s’enferme dans les oppositions, où tout semble se cliver si vite.
Soudain, sur le chemin qui me menait vers l’entrée, je rencontre A. (une connaissance professionnelle) et son amie. Elles souhaitent vendre leur place au regard de leur immense déception après la prestation du "Nederlands Dans Theater" . La danse doit être dansée et les passerelles vers la vidéo ont visiblement perturbées mes interlocutrices ! Je décide donc de les dissuader et de faire connaissance avec Anne Teresa de Keersmaeker, au langage chorégraphique si particulier! Cet aparté avant le spectacle me met dans un drôle d’état d’esprit…Quel est le public de ce festival ? Que vient-il chercher ? Soudain me revient la pièce de Jérôme Bel (« The show must go on ») jouée au théâtre des Salins à Martigues l’hiver dernier. Il avait interrogé, avec brutalité, ce rapport entre le public et les artistes. Mais je m’égare…quoique…
Installé, je me retrouve entouré de personnes qui manifestement se connaissent professionnellement J’apprends, au détour d’une conversation, que leur entreprise est mécène du festival…Je crains le pire….Mais pourquoi viennent-ils voir Anne… ??
« Raga for the Rainy Season » commence. Sur une musique d’un raga indien, me voilà hypnotisé pendant 60 minutes, où 9 danseurs (dont un homme) accompagnent cette musique si étrangère à nos oreilles d’occidentaux. Les mouvements sont chaotiques, désordonnés et en même temps construits. Tout nous invite à relier, à avoir l’œil sur cette immense scène, à suivre avec enchantement le jeu des danseurs avec leur jupe blanche. Je m’étonne de me laisser aller à ce point même si je ne ressens paradoxalement que peu d’émotions. Anne Teresa de Keermaeker a créée une œuvre beaucoup plus hermétique, moins légère car elle interroge notre aptitude à nous laisser porter par le chaos.
D’Inde, nous sommes projeté dans l’univers du Jazz de John Coltrane pour le deuxième spectacle (« A love supreme »). 4 danseurs toujours en blanc; deux hommes, deux femmes. Un homme, grand et svelte, illumine ce spectacle par sa force et la complexité de ses mouvements…Il est le Jazz ! Les 3 autres ne ressentent pas la puissance de cette musique et cela se voit. J’assiste à un quartet en perte progressive de vitesse où chacun fait sa performance, comme dans un spectacle de hip hop.
Le public applaudit mollement, déboussolé par ces deux univers si éloignés. J’ai le sentiment qu’au lieu de se compléter, ces deux spectacles s’annulent ou s’opposent (les réactions du public à la sortie étaient éloquentes : « lequel des deux as-tu préféré ? »).
Mais le contexte a joué. Ces deux pièces étaient – elles adaptées au festival de Marseille et à son public ? Que vient-il chercher alors que mes voisins ont fait preuve tout au long du spectacle de leur mauvaise humeur…et de leur irrespect envers une œuvre artistique.
Que vient chercher ce public ?
Je ne revois pas A. et son amie. Satisfaites ou remboursées ?