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La compagnie 1er Temps au Kunsten : le corps dans tout ses états.

Le KunstenFestivaldesArts à Bruxelles, c’est aussi la découverte de troupes aux moyens dérisoires issues de cultures lointaines, à 100 000 lieux de nos standards occidentaux. Ce fut le cas cet après-midi avec « Pression / Impro-visé_2 », du chorégraphe congolais Andréya Ouamba. Nous nous installons au Théâtre 140 pour un huis clos avec des danseurs sénégalais, sur quelques notes de musiques, deux caissons de bois, du papier journal, un abri modeste. On est loin du faste de Meg Stuart ou Bock&Vicenzi.
Ici, le corps se donne en spectacle. Une femme et un homme s’éveillent tout doucement, certains mouvements s’improvisent quand d’autres s’enchaînent à la faveur d’un rayon de lumière ou d’une note de musique. Une danseuse pour un homme, puis, plus tard, ils sont trois. La Sénégalaise, si frêle pourtant, assure brillamment cette heure trente de chorégraphie. Eux jouent de leurs muscles, elle, nous emporte par la puissance, tout en simplicité, de ses enchaînements.
La compagnie 1er temps nous a offert une métaphore de ce qui se joue sans doute dans le quotidien Africain. Étrangers que nous sommes, à défaut d’en déceler le sens ultime, nous nous contenterons d’apprécier la poésie de corps qui se donnent à voir sans artifice, parfois même avec dérision.

Peggy Corlin – Bruxelles.

Photo: © Hilde De Windt – Academie Anderlecht

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« Here as if… » de Bock&Vicenzi au Kunsten : une bombe à retardement.

Mais que vous a-t-on fait ? Deux heures de spectacle et seulement dix minutes dansées, dix minutes d’un même enchaînement repris inlassablement – cette transe, ce tremblement compulsif que vous affectionnez tant.
Que vous a-t-on fait pour que vous nous imposiez tant de frustration? Tout y est, tout est près pour deux heures de magie : les danseurs, la jambe galbée, le muscle saillant ; une superbe scénographie, un ensemble à l’esthétique maîtrisé. Mais non, c’est la frustration encore et toujours, je m’impatiente, mon voisin ne sait plus où mettre ses jambes, où poser son coude, ma voisine se mange les doigts, je bouillonne, coincée au milieu de cette rangée…et quand bien même, si j’avais pu sortir, l’aurais-je fait ? Que dire également de ce dernier tableau poignant, impressionnant? Je n’avais jamais rien vu de tel. Et pourtant, une erreur magistrale d’enchaînement aura même eu raison de ces ultimes instants. Non, ce soir vous ne semblez pas avoir d’excuse Monsieur le chorégraphe. Et en y repensant, me voici à nouveau le ventre noué de cette étrange angoisse que vous nous avez imposé avec « Here, as if …. ».
« Here, as if they hadn’t been, as if they are not. An épilogue. The invisible dances. » Je veux revoir ce spectacle. Je ne comprends tout simplement pas ce qui s’est passé. Il y avait quelque chose d’aliénant et d’insupportable et aujourd’hui me voici en train d’écrire « je veux revoir ce spectacle », ou au moins les cinq dernières minutes où vous avez consenti à nous accorder un peu de répit.
Tout d’abord, un bourdonnement derrière le rideau, le bruit d’une tension électrique assez éloignée. Le rideau se lève. Bock&Vincenzi présentent une création dans laquelle interviennent voyants et non-voyants. La présence d’aveugles sur scène apporte une part de mystère, un silence.
Un homme, donc, se plie, se tord dans tout les sens. Soudain, l’ampoule qui pend à quelques mètres, tombe et s’explose. Noir. Une dizaine de personnes nous apparaissent alors occupant la scène, statique. Tableau magistral. L’ambiance est électrique, les couleurs métalliques hormis ce grand drap rouge pendu quasi au milieu. Trois êtres, tels des mannequins évadés d’un grand magasin, traversent la scène dans un pas mécanique, rapide, fou. Une femme, tout devant, drapée dans une toge noire, marmonne dans un micro. Bock&Vincenzi ont tout prévu pour nous rendre le tout insupportable : madame marmonne dans son micro suffisamment fort pour que l’on soit tenté d’écouter, pas assez pour que l’on puisse comprendre ; dans la sono toujours la même tension ponctuée d’explosions électriques qui traversent l’espace faisant bondir mes voisins et moi-même par intervalles réguliers ; il y a un problème avec la sono, ou peut-être ce sont les amplis …mais bon sang pourquoi ne pas partir ? Se casser tout simplement ?
Parce que les derniers instants de « Here, as if… » sont excellents. A ce jour c’est la seule réponse que j’ai pu trouver. Deux heures insupportables où je parviens toutefois à m’échapper par la pensée, pour tuer le temps, puisque je vous le rappelle ils ne dansent pas, ou très peu. Toujours les mêmes qui traversent la scène dans leur tremblement habituel ; un travesti – à la jambe qui ne demande qu’à danser – se morfond les genoux repliés, daignant tout juste sortir de cet état second. Ce manège prend fin une heure trente plus tard.
L’homme du premier tableau est adossé à un mur, une lumière verte, lueur fluorescente, lumière éblouissante qui l’enveloppe, s’empare de lui, et lui d’elle. Il baisse la tête, son torse plie et le rond de lumière diminue jusqu’à prendre la taille de son ventre. L’homme s’étire à nouveau, la lumière l’enveloppe à nouveau. Tout cela est impressionnant. J’en veux encore, j’en veux plus.
Un spectacle peut agir sur votre être comme une « bombe à retardement » pour reprendre l’expression du Tadorne. « Here, as if…. » est une « bombe à retardement ».

Bock&Vicenzi, en écrivant ces lignes je comprends à quel point votre spectacle m’a pris aux tripes. L’artiste, démiurge en son palais, tire les ficelles de nos êtres. Vous travaillez au-delà du contemporain…au-delà de la danse. C’est à croire que cette section va un jour disparaître au programme du Kunsten.

Peggy Corlin – Bruxelles.

Photo: © Michèle Rossignol

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Alice Bel s’explose au Kusten.


Certes, ce n’est pas la pièce du siècle. Elle n’a pas fait l’évènement du KustenFestivaldesArts de Bruxelles. Malgré tout, « Alice Bell » de la compagnie britannique « Lone Twin Theatre » a correctement rempli son rôle. En effet, j’attends d’un festival qu’il me surprenne, qu’il bouge les frontières, qu’il m’aide pour appréhender la compléxité de ce monde,
même avec légèreté. Pari réussi pour ce quintet britannique. Et pour couronner le tout, « Alice Bell » réussie pour la première fois à diviser Le Tadorne et Saisons, le blog scènes de Fluctuat.net !

L’espace pour accueillir le public est petit ; le dispositif est bifrontal. Le cadre est posé pour qu’acteurs et spectateurs se lient facilement. Au milieu, cinq comédiens (trois femmes, deux hommes) au look très british. Ils tiennent tous un ukulélé, objet transitionnel à l’image du doudou de notre enfance ! Mais ne nous y trompons pas, derrière ces apparences et un prénom « merveilleux », le destin d’« Alice Bell » est tragique. Victime d’un attentat terroriste par l’homme qui vient de la sauver, elle doit changer d’identité pour continuer à l’aimer. Le stratagème découvert, un autre homme la tue en la faisant exploser avec une bombe. Au cœur de cette histoire, le conflit de loyauté croise la violence du terrorisme pour briser une vie que tout destinait à devenir linéaire. La mise en scène accompagne le spectateur à suivre cette histoire où passé, présent et futur s’entrechoquent. Parce qu’il s’agit de sortir de la linéarité pour entendre les ressentis tumultueux d’Alice, les comédiens sont toujours sur scène (il n’y a pas de coulisses) et adoptent tour à tour des positionnements d’observateurs ou d’acteurs, comme si Alice observait et jouait en même temps sa propre vie. Le jeu des comédiens et la mise en scène quelque peu enfantine (on croirait parfois qu’ils jouent à la marelle) s’apparentent plus au conte qu’à la tragédie et me permettent d’entrer dans la vie d’Alice à partir de mon imagination. Derrières les anecdotes dont est truffée l’histoire, le sens vient toujours du collectif qui soutient Alice à coup de chansons et de danses. Car à travers l’histoire d’Alice, c’est toute une communauté qui est touchée (de la famille à la société). La force de la mise en scène est à chercher dans cette volonté de nous raconter la trajectoire d’une femme, mais aussi celle d’un groupe dont nous pourrions faire partie. Le tout avec doigté et créativité.

Photo: © Michèle Rossignol

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“Erection” de Pierre Rigal: promesse tenue.

Elle : « Mais comment fais-tu pour voir tous ces spectacles ? » 
Moi: « Pendant que tu regardes la télé, je vais au théâtre! »
Elle: « Ah ! Vu sous cet angle… »
Dimanche, pendant que vous regardiez peut-être la télé ( !), je m’apprêtais à partir au Théâtre d’Arles pour voir la chorégraphie de Pierre Rigal, « Erection ».
Programmé dans le cadre de la manifestation « Duos et soli », ce spectacle était l’événement.
Flash back.
Il est 17h30. Je cherche mon billet. Où est-il ? Là ? Non. Ici ? Non plus. Dessous. Dessus. A l’endroit ? A l’envers ? Je vide mon sac. A cet instant, la pièce commence à ressembler à "un paysage après la bataille". Couché à terre, je scrute le plateau de verre de mon bureau. Même sous cet angle, je ne vois toujours pas le précieux sésame. L’excitation monte. J’ai la tête qui tourne. Toujours à terre, je cherche tel un chat. Je commence à me sentir ridicule dans cette position. La colère monte. Je me relève, essoufflé. Je cours dans l’appartement au risque de me prendre cet aspirateur qui gît là, attendant peut-être que je veuille bien me consacrer aux taches bassement matérielles…J’ouvre le frigidaire. Je vois pas le rapport. Que se passe-t-il ? Que m’arrive-t-il ? Je me sens triste. Pierre Rigal ne commencera pas sans moi, pas sans le Tadorne! Je perds mes ailes. Il est 18h15. Trop tard. Le billet a eu ma peau.
Je m’asseois dans le fauteuil. J’allume la télé. France 5. « Ripostes » de Serge Moati a commencé. Je préfère ne pas répondre. Comme pour lire la posologie d’un médicament, je prend désabusé la plaquette du spectacle :« L’homme est né dans une lumière bleue. L’homme étendu au sol raconte la longue histoire de son passage de la position couchée à la position debout. S’ériger, c’est par extension de langage, s’opposer, se révolter, combattre. Dans un dispositif épuré, accompagné d’effets sons et vidéos créés en direct, Pierre Rigal dans à la fois l’homme – animal, l’homme – individu et l’homme – social, trois versions d’une même tentative d’érection. Une performance. Celle de Pierre Rigal, mais aussi la nôtre ».
Après mon « Erection », la télé peut bien faire effraction chez moi.
Rien n’est jamais perdu.

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Meg Stuart au Kunsten avec « Replacement »: l’expérience mise en abyme.


Devrais-je seulement retenir de « Replacement » le jugement sans appel de ma voisine : « des installations vidéo, ce décor impressionnant, huit paires de Stilettos?tout ça pour si peu de danse ?! Meg Stuart est présomptueuse, elle nous prend pour des cons ».
Les applaudissements étaient peu nourris ce soir-là, et pourtant j'y ai contribué, incapable de tout jugement tant je me trouvais en terres inconnues. Au lendemain de « Walking Oscar », je découvrais la non-danse à travers un spectacle mieux maîtrisé et porteur d'interrogations. Le Kunsten nous plonge à nouveau dans l'univers de la folie.
Une scène dans la scène avec cette pièce, meublée de façon sommaire et emboîtée dans une gigantesque installation hexagonale qui en assure la rotation. C'est le centre névralgique du spectacle. Des installations vidéo pour filmer en gros plan l'aliénation, mise en scène dans la roue, et pour marquer la démarche expérimentale, thématique centrale de « Replacement ». Sept, huit danseurs se prêtent à une expérience dont ils se retrouvent dépassés. Ils sont épiés, leurs mouvements sont dictés, leurs visages transformés, tuméfiés pour revêtir les traits de la laideur. On aura beaucoup attendu, pourtant ils ont dansé. Notamment plusieurs scènes de transe, où les corps tremblent et se désarticulent. La scène pivote à 360 degrés, tous s'accrochent aux parois, aux meubles, aux encadrements de porte, leurs corps glissent ou tombent. Mais « Replacement » comporte également son lot de longueurs et de clichés. La vidéo finit par mettre à mal le résultat d'ensemble. Un ultime monologue brise dans le dernier quart d'heure toutes les nuances de l'?uvre pour la replacer  maladroitement dans son contexte. Meg Stuart aurait-elle eu peur ?

Ouvrir la danse aux autres disciplines ? la chanson, la vidéo, le théâtre ? est une démarche exigeante. Le danseur, s'il y parvient, est artiste, au sens le plus générique du terme. On requiert de lui le jeu d'un comédien, les cordes du chanteur et d'autres attributs qui ne sont pas nécessairement les siens. Mais le public est-il capable d'indulgence ? Il attend du solide, un spectacle cohérent dont toutes les composantes seraient abouties. Meg Stuart ne m'a pas encore converti. A ce stade, inachevé, la non-danse est réservée à un public d'initié, à même de complaisance. « Replacement » est une expérience dans l'expérience.

Peggy – Bruxelles.

 

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Au Kunsten, De mal en peor de Ricardo Bartis se ruine à nous faire comprendre…

 
 

Le KustenFestivaldesArts de Bruxelles nous invite en ce dimanche printanier à la Maison Pelgrims (on dirait l'adresse d'un château hanté !) dans le joli quartier de Saint Gilles. Cette maison, transformée en théâtre, n'accueille que cinquante-cinq spectateurs installés dans le salon. Nous sommes invités à visiter préalablement le musée de cette grande famille argentine dans une petite pièce attenante au salon. Celle-ci va se donner en spectacle sous la houlette du metteur en scène et auteur Ricardo Bartis du Sportivo Théâtral. Il vaut mieux lire la plaquette du Kusten pour savoir où nous mettons les pieds:

« An 1910. Deux familles déchues : les Mendez Uriburus et les Rocatagionis vivent ensemble dans une vaste demeure à Buenos Aires. Elles partagent un projet économique : la Coopérative Cuenca del Salado et tentent depuis des années de s'acquitter d'une dette exorbitante. Manifestations ouvrières, répressions policières et remous des groupes nationalistes connectés au pouvoir politique forment la toile de fond de leurs péripéties à la veille du centième anniversaire de la Révolution de Mai, au cours de laquelle la suprématie des Espagnols fut abolie et l'Indépendance des « Provines unies du Rio de la Plata » proclamée (ndlr). La demeure patricienne abrite également le Musée Mery Helen Hutton. Miss Hutton était une institutrice américaine, arrivée en Argentine en 1858, avec le groupe de pédagogues progressistes que Sarmiento avait sollicité pour favoriser l'alphabétisation de son peuple. En 1860, elle est enlevée par des Indiens. Sa captivité dure 26 ans. Après sa libération en 1886, elle reçoit une indemnisation en bons d'Etat. En 1902, elle est placée sous la protection des Mendez Uriburus qui se sont engagés à fonder un musée pour raconter l'histoire de sa vie. Dans « De mal en peor » (De mal en pire), Mery Helen Hutton a presque 90 ans. En dépit de fouilles minutieuses, ses bons d'Etat n'ont jamais été retrouvés par sa famille d'accueil. Les deux problèmes s'imbriquent inextricablement pour donner forme à cette tragédie argentine ».

En à peine une heure quinze, j'assiste aux pires stratégies qu'un système familial élargi puisse mettre en place en temps de crise. Je suis de long en large les déplacements des comédiens tout en suivant les sous-titres plaqués contre le mur (le torticolis ne tarde pas à arriver à moins que ce ne soit tout autre chose?). Je ne sais plus où donner de la tête tant la mise en scène de Ricardo Bartis ne laisse aucun temps mort. En positionnant les spectateurs au c?ur de la demeure (ces comédiens fabuleux ne sont qu'à un mètre de distance), je me sens projeté dans la folie, l'aliénation d'un système qui perd tous ses repères. Suis-je seulement un spectateur ? J'ai comme le sentiment d'être un voyeur comme si Bartis nous impliquait dans cette histoire de fous (que cherche-t-il ? Qu'expérimente-t-il au Kusten ?). Avec un tel dispositif, le « Théâtre réalité » n'est pas bien loin. Mais que deviendrait-il dans un lieu plus classique ?
Cette mise en scène « diabolique » s'exprime dans le visage des protagonistes. Pleurs, rictus vicieux, gestes sadiques, ponctuent toutes leurs apartés. Aucun ne montre d’élan de générosité et d'amour sauf pour manipuler et servir ses propres intérêts. J'ai le sentiment d'être noyé dans un océan de machinations. Je n'ai même pas le temps de m'attacher à un membre de cette famille. Tout va trop vite. Tout s'emporte. Tout m'emporte. Pour Ricardo Bartis, il semble n'y avoir aucun doute : la crise plonge ses familles dans le chaos. La seule échappatoire tombe comme un couperet quand ces Argentins désargentés trouvent enfin les bons d'Etat de la « vieille » !
En sortant de la Maison Pelgrims, je me sens assommé, pas très vaillant. Mais comment résisteraient nos familles si une crise du type de 1929 éclatait ? Comment finiraient-elles dans un système économique basé sur le profit alors qu'elles en sont des actrices essentielles? Je n'ose imaginer ce que notre société deviendrait.

Il n'y a qu'à voir la famille UMP pour s'en convaincre?

Photos : © Michèle Rossignol

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Avec « VSPRS », Alain Platel est le transe-frontalier du Kunsten.

Le KustenFestivaldesArts nous invite à l'heure des Vêpres, un dimanche, au Théâtre National de Bruxelles, pour « VSPRS », la nouvelle chorégraphie d'Alain Platel. Celle-ci sera présentée au Festival D’Avignon en juillet 2006. Après Bach (« Lets op Bach »), Mozart (« Wolf »), Platel intègre Monteverdi revisitée par Fabrizio Cassol, compositeur et musicien « éclectique » de la scène musicale bruxelloise. Imaginez?Monteverdi joué par un orchestre de jazz, accompagné par une soprano, entourée de onze danseurs, dans un décor où des lambeaux de tissus forment une montagne que l'on peut escalader et traverser. Ajoutez à ce bouillon créatif, une chorégraphie s'inspirant des films du neurologue Arthur Van Gehuchten sur l'hystérie et ceux de Jean Rouche sur les transes africaines, et vous avez une ?uvre magistrale, transdisciplinaire, euphorisante. Elle atteint votre inconscient, comme un rêve éveillé. La danse flamande et belge bouleverse profondément les repères du spectacle vivant. Ainsi, pour évoquer « VSPRS » de Platel, je dois passer par mon histoire (le blog devient le cadre idéal). Rarement le théâtre m'amène vers ce cheminement.
Très jeune, le dimanche vers 17h, ma mère m'emmenait de force aux vêpres. Je vivais ce moment-là comme un supplice, mais j'étais fasciné par le cérémonial, l'odeur, la lumière. J'observais cela comme un spectacle même si j'étais obligé de chanter des paroles dont je ne comprenais pas le sens. À dix ans, je me questionnais déjà : pourquoi ? Vers quoi ? Quel sens a le religieux ? Je me sentais bien seul avec ces interrogations ; mon environnement familial ne se posait pas toutes ces questions, trop occupé à maintenir ses liens de dépendance avec l'Église.
La neuropsychiatrie est également apparue par la famille. Adolescent, je ne savais pas comment communiquer avec ce père « mutique ». J'ai du supporter l'approche « médicamenteuse » de la maladie mentale. Rien ne se libérait par la parole. Un pacte était scellé entre mes parents et la psychiatrie pour que rien ne change. J'ai su qu'un jour, ma parole se libérerait. J'ignorais que la psychanalyse existait et qu'elle changerait le cours de mon existence.
Il y a quinze ans, j'ai découvert le jazz, loin de ma famille, par hasard, par amour. Je l'ai progressivement apprivoisé pour en ressentir toute sa complexité. Aujourd'hui, le jazz guide mon écoute de toutes les musiques.  Il met en transe les musiciens (il suffit d'observer les visages et le corps des artistes pour s'en convaincre !) et provoque intérieurement un beau chaos. Il m'arrive de quitter un concert de jazz totalement contorsionné !
Avec “VSPRS“, Alain Platel recolle les morceaux de mon histoire ! Cet artiste travaille le conflit. Il remet du lien là où vous êtes fragmenté. En reliant le jazz, la folie, le religieux, Platel vous guide pour redonner du sens à votre histoire. Vous quittez « VSPRS » différent et vous attendez, comme après une séance d'analyse, qu'un « travail » se fasse !
Pour en arriver là, Platel s'appuie sur le collectif. C'est sa matière comme  un sculpteur avec  l'argile. Sous nos yeux, un groupe de femmes et d'hommes « en transe » se forme, se sculpte. Comme dans la cour d'un hôpital psychiatrique, ils se parlent, se relient avec leur corps qu'ils plient, contorsionnent. Quand un membre bouge, change de place, de rôle, l'ensemble se modifie. La solidarité fait le groupe, le cimente. À mesure que le processus de création du groupe se joue, les danseurs se transforment. Cette métamorphose est accompagnée par le jazz qui change de « forme » pour devenir requiem. La cantatrice quitte sa place, s'approche du groupe pour devenir « folle » à son tour. Les musiciens intègrent le groupe, le batteur échange sa caisse contre une chaise tendue par une danseuse. Le lien solidaire entre danseurs et musiciens provoque le sentiment religieux. Le groupe solidaire se substitue à Dieu. Il permet à chacun de se dépasser, d'escalader cette montagne (qu'il y a-t-il derrière elle ?), voire de la traverser. Avec « VSPRS », Platel désacralise les rites religieux pour les replacer au c?ur du groupe, de l'humain. J'en perds tous mes repères. A mesure que le spectacle avance, cette perte provoque l'émotion, me met en « transe ». Grâce à Platel, je vois ce que je ne peux plus approcher par mon passé. «VSPRS» devient alors une ?uvre sublime, à l'image d'une peinture de Michel-Ange à Florence.
Alain Platel m’aide à sculpter mon histoire autrement. En me replaçant au c?ur de ces hommes et femmes que tout pourrait éloigner, Platel me donne la force d’aimer au moment où j’en doutais…
Pascal Bély
www.festivalier.net

A lire le bel article du Blog “Images de danse” , de “Clochettes” sur  “VSPRS” et la consécration de Platel au Festival d’Avignon.

Vous avez vu ce spectacle? Nous vous invitons à participer au palmarès du blog Scènes 2.0 en votant ici!


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« sx.rx.Rx » de Patricia Allio : une oeuvre rare du KunstenFestivaldesArts.

 
J’appréhendais de voir cette pièce. La lecture du dossier de presse ne me rassurait pas : « Dramaturge et philosophe, Patricia Allio découvre les écrits de Samuel Daiber ? juif au canton de Neuchâtel- fugueur dès l'adolescence, interné à partir de 1948 jusqu'à sa mort pour cause de résistance aux conventions, déchu de tout. Elle porte son choix sur les extraits de lettres manuscrites, en particulier, celles de 1954. Elle se passionne pour l'art brut à la manière de Dubuffet : comme l'expression d'une insurrection. Elle porte son choix sur une lettre manuscrite que Daiber adresse à son médecin en 1954. « Sa langue re-rythmée nous parle de notre propre enfermement dans le langage. » Une écriture comme étrangère et pourtant familière, (dés)articulée de pulsions graphiques, de déformations phonétiques, de néologismes, « une écriture vocale qui attendait un corps. » Un acteur, un espace, la lumière? ». Patricia Allio n'a manifestement peur de rien. Sa création coproduite par le Théâtre National de Bretagne et jouée à Bruxelles va faire l'effet d'une bombe dans mon cerveau de spectateur. Dans ma vie.
Doucement, sur l'écran, se dessinent en continu les contours du décor puis, le trait fait place aux images. La vue se brouille car la vidéo projette ce que je suis en train de voir?Un homme arrive avec son costume aux couleurs décalées.
Il parle et son langage est incompréhensible. L'enchaînement « sx.rx.Rx » (entraînez-vous à le dire !) ponctue ses phrases déconstruites, comme un point final. Les mots s'entrechoquent, s'inversent, se relient, se cloisonnent. J'ai peur de ne pas comprendre. Comment m'échapper du sens des mots ? Comment éviter de passer à côté de cette pièce ?
Il marche devant la vidéo, puis derrière. Parfois, il est devant et derrière, entre conscience et inconscience. Le dispositif scénique est saisissant de beauté car il dessine un nouveau cadre pour appréhender la complexité. Je me sens sortir de mon conditionnement linguistique (vouloir à tout prix comprendre le sens des mots !).  C'est l'articulation entre lui, ses mots et la vidéo qui fait le langage ! Je lâche? 1 + 1 ne fait pas 2 mais 3 ! La réalité n'existe pas. Elle est une construction que nous opérons. Patricia Allio nous aide à élaborer cette réalité pour entrer en relation avec Samuel Daiber, joué par Didier Galas, acteur magnifique. Par sa puissance sur scène, il nous guide à entrer dans son univers, à nous réapproprier ses mots. Sa réalité pourrait devenir la mienne. Je me surprends à l'aimer. Le moment où il évoque la Suisse, métaphore de l'enfermement par ses frontières (qui se dessinent sur l'écran vidéo), provoque l'hilarité ! Jamais on m'avait parlé avec autant de justesse de la Suisse ! Je jubile?Quand il passe de la vidéo à la scène, quand il monte sur la rambarde du théâtre en m'obligeant à la suivre des yeux jusqu'à le perdre, je construis mon propre cheminement. De vertical, je me sens transversal. Et toujours ses mots qui me percutent, me bousculent. Leur sens n'a plus d'importance. Le sens vient de mon ressenti.
La force créatrice de cette ?uvre réside également dans le profond respect de Patricia Allio pour les écrits de Samuel Daiber. Elle nous les offre pour que nous baissions la garde. Elle fait de la scène un cadre capable de nous faire voyager aux limites de notre inconscient comme le ferait un patient sur le divan lorsqu'il évoque son dernier rêve.
« Le théâtre doit maintenir ou créer des espaces ? temps communs d'incertitude qui fissurent les représentations sédimentées de nous-mêmes et du monde ». Patricia Allio.

« sx.rx.RX » est un chef d'?uvre à voir d’urgence du 13 au 30 mai 2008 au Théâtre de la Bastille à Paris.

Pascal Bély
www.festivalier.net


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Photo: Miclèle Rossignol.

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“Walking Oscar” au Kunsten ou comment tuer le concept par trop de concepts !

Le chorégraphe suisse Thomas Hauert reprend ce soir l'?uvre littéraire d'Oscar Van Den Boogaard pour un spectacle qui s'intitule « Walking Oscar ». La tache est d'autant plus ambitieuse que le travail de l'écrivain est tout sauf linéaire. Oscar Van den Boogaard est du genre à écrire « Je me souviens des difficultés que j éprouvais en tant qu'enfant à rendre la couleur de l'être humain. J'employais du jaune, du rose et du brun, je mélangeais les couleurs, mais jamais je n'arrivais à la couleur de la chair humaine?. ». En gros, il était si frustré qu'il ne coloriait plus la peau et laissait la couleur du papier! Thomas Hauert s'est donc donné pour défi de redonner un peu de sens à cette ?uvre. Le résultat est mitigé.
En y réfléchissant, tout cela est bien dommage, car le spectacle est plein de bonnes idées.

Le rideau s'ouvre sur un piano qui joue installé au fond de la scène, dans un mince faisceau de lumière. L'image est parfaite. Et puis le show commence pour se dérouler exclusivement derrière un écran sur lequel sont projetés les textes d'Oscar Van Den Boogaard. Les effets visuels produits par cette installation sont par moment étonnants, notamment grâce aux jeux de lumière et au rythme des danseurs (acteurs ? chanteurs ?) qui évoluent derrière. Premier reproche : quid des spectateurs installés aux premiers rangs ? Le nez collé à cet écran où sont projetés des textes sur plus de quatre mètres de hauteur, vous n'échapperez pas à un bon torticolis au lendemain de « Walking Oscar ».
Quoiqu'il en soit le spectateur qui ne parviendra pas à lire ce qu'il y a à l’écran pourra  toujours se concentrer sur ce qu'on lui joue sur scène. La forme est celle de la comédie musicale. Les tableaux se multiplient sans grande cohérence, mais cela semble être le but puisque l'une des dernières scènes est consacrée au vide et au rien qui se passe. Hélas la curiosité des premiers instants cède progressivement le pas a l'ennui, voire à l'agacement tant la dernière demi-heure est longue.

Peggy C. – Bruxelles.

Photo: © Filip Vanzieleghe

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Bruxelles à Paris…On nous écrit à propos de “La chambre d’Isabella”

En juillet 2005, lors du Festival de Marseille, je vous donnais quelques nouvelles d’Isabella, l’héroïne de la pièce de Jan Lauwers, succès du Festival d’Avignon en 2004. C’est une femme âgée et presque aveugle, incarnée par la sublime Viviane de Muynck, qui nous conte sa vie entourée d’objets posés à l’image des pièces d’un musée. Cette histoire, jouée par la troupe de Jan Lauwers (la Needcompany basée à Bruxelles) a marquée tout autant les critiques que les spectateurs. Je m’étonnais pourtant du comportement quelque peu cavalier du public de Marseille. Presque un an après, nous avons des nouvelles d’Isabella, vue au Théâtre de la Ville à Paris, grâce à Elsa, fidèle lectrice du Tadorne.

"Il y a un an, je me déplaçais sur les conseils du Tadorne au Théâtre de l’Agora d’Evry pour assister à "La Chambre d’Isabella", la « comédie musicale tragique » de Jan Lauwers. Les refrains de la NeedCompany encore en tête, j’ai décidé, il y a quelques jours, de renouveler l’expérience au Théâtre de la Ville de Paris. La salle était comble, au vu de la difficulté pour obtenir des places, je n’en doutais pas… Ce que j’imaginais moins, c’est qu’un spectacle d’une telle qualité puisse attirer un public aussi rustre. Raclements de gorges durant les 2 heures, mouchages musicaux, et surtout, départs en cours de spectacle. La salle était peuplée d’une bande de mufles, confondant zapping et spectacle vivant. Et pourtant! Isabella – Viviane de Muynck – est bien vivante. Et surtout, libre!  J’ai mieux compris que la collection ethnographique d’Isabella est le reflet de souffrances et d’oppressions. J’ai vraiment réalisé que malgré une histoire familiale chaotique, la traversée d’un siècle de barbarie, Isabella continue de considérer le côté plein du verre. Elle aime l’indépendance, le plaisir, s’amuser de la vie et refuse de se complaire dans la tragédie. Aussi, la Needcompany nous transporte dans une réalité presque sublimée. L’épilogue est à cet égard significatif : âgée et entourée de son amant devenu fou et des fantômes de ses parents, Isabella n’a plus les moyens de se chauffer et de se nourrir. Elle hésite à se séparer de quelques-uns des objets ethnographiques légués par son père et qui font tellement partie d’elle. Et puis, finalement, décide de tout vendre sur Internet pour s’en sortir. Isabella, si libre qu’elle refuse de se laisser définir par des objets et de verser dans les regrets et la nostalgie. Elle poursuit son chemin, car, comme dit la NeedCompany : « and we go on, and on, and on. Le Tadorne a raison, « La chambre d’Isabella », ça aide à vivre."

Elsa – Paris.

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