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Au Festival Actoral, l’acte anal d’Yves-Noël Genod.

Deux festivals (Dansem, Actoral), une association (Marseille Objectif Danse), un lieu rassembleur (La Friche Belle de Mai), un public de fidèles, mais clairsemé: tels sont les acteurs de ce mois d'octobre marseillais. Pendant que les institutions locales ouvrent leur saison sans fracas (c'est le moins que l'on puisse dire), la Friche Belle de Mai tente de faire entendre une voix différente alors que tout semble consensuel et mou ailleurs. Premier arrêt sur un ovni salutaire.
Actoral, le festival international des arts et des écritures contemporaines acceuille le chorégraphe Yves-Noël Genod avec ?Monsieur Villovitch?. Dans un des hangars de la friche, le décor est éclairé par la lumière du soleil. Elle traverse une longue bâche de plastique transparente: la scène se prolonge au-delà du plateau. Les six premières rangées du gradin sont réservées aux comédiens. Et comme si cela ne suffisait pas, l'extérieur de la salle fait office de caisse de résonance. Cet élargissement est à la mesure des intentions de cette ?uvre inclassable: pousser les frontières tel un réflexe vital pour lutter contre l'enfermement d'une société repliée. Ce spectacle nous est directement adressé si bien que notre place assise n'est qu'une illusion: Genot sème le désordre sur scène et dans notre vision jusqu'à nous rendre acteur de ce qui se joue. Ce samedi après-midi, nous sommes au théâtre, à Marseille, ville rongée par le racisme?
yng1.jpgIl marche, avec sa valise et s'arrête pour se déshabiller et se transformer en femme blonde péruquée genre Marylin en cagole. Elle va arpenter la scène en chantant tel un haute-contre, des mélodies pop des vingt dernières années. Un vieil homme arrive, planche de surf à la main. Il tente quelques postures, mais derrière la bâche, une infirmière le ramène. Entre folie, travestissement et réalité, Genot crée un nouvel espace, aux contours incertains, mais propices pour nous immerger dans cette communauté humaine dont nous faisons partie. Un danseur quitte les gradins, monte sur scène et enlève-lui aussi ses vêtements. Nu, il se plaque au sol, puis contre la bâche. Le contre-jour sculpte son corps entre blancheur et noirceur. Sublime transformation où le corps restitue nos paradoxes. Un troisième homme avance, à la démarche lourde. Il se déshabille pour traîner avec lui une chaîne et une bassine. Métaphore de l'esclavage moderne, il urine et défèque: le corps déborde, comme un trop-plein. Remous dans les gradins, Genod vient de franchir la limite, hors de la bâche transparente, hors de tout. Au-delà du corps. L'homme vocifère ses insultes racistes, homophobes, machistes clamées dans le hall de la friche et qui finissent pas résonner au dehors. D'autres personnages élargissent le groupe, des extraits de chansons populaires envahissent peu à peu l'espace comme un juke-box en roue libre, mais chacun est seul, en perte de valeurs, replié dans son environnement qui le propulse vers le bas. La France est là: raciste, dépressive, rongée par la rhétorique médiatique (délicieux passage où la blonde présente la météo et interview ensuite Hubert Colas, metteur en scène marseillais). Une femme descend bien des gradins pour oser une belle figure chorégraphique, mais rien n'y fait: entre chien et loup, la lumière du jour s'affaiblit et la petite lampe posée sur la table illumine ces comédiens fabuleux, mais leur corps ne parlent plus, vidés de sens.
?Monsieur Villovitch? est un beau cauchemar, un espace entièrement dédié au corps, entre quatre murs d'une ancienne usine. On ressent une sensation d'étouffement à l'heure où la France plonge dans le racisme institutionnalisé, où la danse s'efface progressivement des programmations des théâtres de Provence.
La décadence sarkosienne nous propulse dans le noir et Genod n'a qu'une toute petite lampe. Mais c'est celle d'un phare.


Pascal Bély
www.festivalier.net

???????Monsieur Villovitch? de Yves-Noël Genod été joué le 6 octovre 2007 à La Friche Belle de Mai dans le cadre du Festival ActOral.


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Actoral sur le Tadorne:
A ACTORAL , les mots cognent.

Au Festival ActOral, ?Mon képi blanc?, le beau monologue du pénis d’Hubert Colas.

Au Festival Actoral, Martine Pisani liquéfie les mots.

 

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L’Argentine à Toulouse et au Festival d’Automne de Paris: Ricardo Bartis dans la mêlée.

Programmé au KustenFestivaldesArts de Bruxelles en mai 2006, le metteur en scène argentin Ricardo Bartis du Sportivo Théâtral revient avec ?De mal en peor? au Théâtre Garonne de Toulouse (du 4 au 12 octobre)  puis au Festival d'Automne à Paris (du 16 au 21 octobre à la MC 93).
C'est un événement à plus d'un titre comme en témoigne mon compte-rendu bruxellois publié le 13 mai 2006. A lire aussi l'article de Jean-Pierre Thibaudat dans Rue89 sur le renouveau du théâtre argentin.
Ouvrons les frontières!

 

Le KustenFestivaldesArts de Bruxelles nous invite en ce dimanche printanier à la Maison Pelgrims (on dirait l'adresse d'un château hanté !) dans le joli quartier de Saint Gilles. Cette maison, transformée en théâtre, n'accueille que cinquante-cinq spectateurs installés dans le salon. Au préalable, comme dans un musée, nous sommes invités dans une pièce attenante à visiter les objets d'une grande famille argentine. Dans un lit, une vieille femme dort, pas pour très longtemps. Elle va se donner en spectacle sous la direction du metteur en scène et auteur Ricardo Bartis du Sportivo Théâtral. La lecture de la présentation du Kusten nous permet de savoir où nous mettons les pieds?
demalenpeor.jpg« An 1910. Deux familles déchues : les Mendez Uriburus et les Rocatagionis vivent ensemble dans une vaste demeure à Buenos Aires. Elles partagent un projet économique : la Coopérative Cuenca del Salado et tentent depuis des années de s'acquitter d'une dette exorbitante. Manifestations ouvrières, répressions policières et remous des groupes nationalistes connectés au pouvoir politique forment la toile de fond de leurs péripéties à la veille du centième anniversaire de la Révolution de Mai, au cours de laquelle la suprématie des Espagnols fut abolie et l'Indépendance des « Provines unies du Rio de la Plata » proclamée (ndlr). La demeure patricienne abrite également le Musée Mery Helen Hutton. Miss Hutton était une institutrice américaine, arrivée en Argentine en 1858, avec le groupe de pédagogues progressistes que Sarmiento avait sollicité pour favoriser l'alphabétisation de son peuple. En 1860, elle est enlevée par des Indiens. Sa captivité dure 26 ans. Après sa libération en 1886, elle reçoit une indemnisation en bons d'Etat. En 1902, elle est placée sous la protection des Mendez Uriburus qui se sont engagés à fonder un musée pour raconter l'histoire de sa vie. Dans « De mal en peor » (De mal en pire), Mery Helen Hutton a presque 90 ans. En dépit de fouilles minutieuses, ses bons d'Etat n'ont jamais été retrouvés par sa famille d'accueil. Les deux problèmes s'imbriquent inextricablement pour donner forme à cette tragédie argentine ».
En une heure quinze, j'assiste aux pires stratégies qu'un système familial élargi puisse élaborer en temps de crise. Les comédiens se déplacent de long en large alors que les sous-titres se plaquent contre le mur comme autant de gifles. Je ne sais plus où pencher ma tête (sic) tant la mise en scène de Ricardo Bartis ne laisse aucun temps mort. En positionnant les spectateurs au c?ur de la demeure (ces comédiens tous fabuleux ne sont qu'à un mètre de distance), je me sens projeté dans l'aliénation d'un monde qui perd tous ses repères. Suis-je seulement un spectateur ? Je suis aussi acteur car Bartis ne cesse de nous impliquer dans cette histoire de fous. Avec un tel dispositif, le « Théâtre réalité » n'est pas loin. Que deviendrait-il dans un lieu plus classique ?
Cette mise en scène « diabolique » s'exprime dans le visage des protagonistes. Pleurs, rictus vicieux, gestes sadiques, ponctuent toutes leurs apartés. Aucun ne montre d’élan de générosité et d'amour sauf pour manipuler et servir ses propres intérêts. J'ai le sentiment d'être noyé dans un océan de machinations. Je n'ai même pas le temps de m'attacher à un membre de cette famille. Tout va trop vite. Tout s'emporte. Tout m'emporte. Pour Ricardo Bartis, il semble n'y avoir aucun doute : la crise plonge ses familles dans le chaos. La seule échappatoire tombe comme un couperet quand ces Argentins désargentés trouvent enfin les bons d'Etat de la « vieille » !
En sortant de la Maison Pelgrims, je me sens assommé, pas très vaillant. Mais comment résisteraient nos familles si une crise du type de 1929 éclatait ? Comment finiraient-elles dans un système économique basé sur le profit alors qu'elles en sont des actrices essentielles? Je n'ose imaginer ce que notre société deviendrait.
Mais la famille UMP doit avoir une idée sur la question.

Pascal Bély

www.festivalier.net

?????? ?De mal en peor? de Ricardo Bartis a été joué len mai 2006 au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.
Prochaines dates: 
Théâtre Garonne de Toulouse (du 4 au 12 octobre)  puis au Festival d'Automne à Paris (du 16 au 21 octobre à la MC 93)

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Thomas Ostermeier éblouit: l’avenir est décidément allemand.

Il fut le brillant artiste associé du Festival d’Avignon en 2004. Je me souviens de ce metteur en scène arpentant les rues d’Avignon à la rencontre des auteurs et du public. Ce soir, au moment où nous faisons un triomphe à sa troupe pour “Hedda Gabler” à la Criée de Marseille, il monte timidement sur le plateau pour recevoir un tonnerre d’applaudissements. Nous sommes plusieurs à être manifestement heureux de retrouver l’immense talent de cet artiste berlinois. Thomas Ostermeier signe là l’un de ses chefs d’oeuvre.
Hedda (troublante Katharina Scüttler) vient d’épouser un historien rassurant et méticuleux alors qu’elle se destinait par amour à rejoindre un écrivain loufoque et talentueux. Au retour du voyage de noces, tous les protagonistes de sa vie s’égarent dans un huit-clos étouffant et tragique où chacun, pris dans des jeux de domination – soumission, finit par s’écrouler tel un château de cartes minutieusement élaboré par cette caste bourgeoise. Au départ, la pièce s’étire doucement et la lourdeur s’installe: tout est sous contrôle et l’on s’accroche à la fragilité des mots et des corps pour se rassurer face au chaos émergeant où tout peut basculer à chaque instant.
hedda-gabler-ostermeier-1178481673.jpg heddag-1.jpg

C’est ainsi que l’exceptionnelle scénographie joue un rôle capital: loft au design dépouillé (comme si la forme primait sur le fond); grande baie vitrée où la pluie dégouline (tel un chagrin qui n’en finit pas), larges miroirs en hauteur où les spectateurs voient les coulisses tout en lisant la traduction (magnifique trouvaille!), où la scène tournante transforme l’appartement en grand écran vidéo pour l’ouvrir vers la ville et leurs vies cachées. Il finit par tourner sur lui-même comme une bourgeoisie qui ne cesse de s’auto-enfermer. La scénographie campe les interactions entre les acteurs; elle est d’une minutie extraordinaire à l’image du mari enseignant – chercheur qui colle par terre des bouts de texte pour faire sa recherche macabre. Elle fluidifie les relations telles les portes coulissantes des baies vitrées qui tantôt isolent, ouvrent les cases et autorisent les simulations. Les mouvements des corps sont tout aussi sublimes, à la frontière d’une chorégraphie: ils s’articulent entre eux comme des automates telle une culture qui répète plus qu’elle ne crée. “Hedda Gabler” écrit dans les années 1870 par le norvégien Henrik Isben devient alors une tragédie moderne où la concurrence entre les acteurs trouve une résonance dans notre société où le culte du chacun-pour-soi est exacerbé en valeurs de la République.
Il convient donc de saluer l’immense talent de ce metteur en scène qui part d’un puzzle pour lui donner corps, où le public est inclus dans des allers-retours permanents entre rire et drame, comme si ce paradoxe alimentait le processus dramatique. Car loin de nous rendre observateurs, Thomas Ostermeier cherche à nous immerger dans cet espace tournant et retournant et crée la voie qui mène du voyeurisme à l’émotion partagée. Il a compris qu’il y a une part d'”Hedda Gabler” en chacun de nous.
Triomphe.

Pascal Bély
www.festivalier.net
“Hedda Gabler” a été joué le 27 septembre 2007 à La Criée de Marseille.
 

 

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Le Festival ?Seconde Nature? offre des places aux abonnés du Tadorne!

Après le Parc de la Villette de Paris, le Festival des “cultures électroniques et des arts multimédia” d'Aix en Provence invite les abonnés du Tadorne pour quatre soirées à la Fondation Vasarely (1 invitation par soirée et par personne).
C'est une occasion pour (peut-être) faire connaissance avec ce festival qui affiche une belle ambition artistique:

 

MERCREDI 19 SEPTEMBRE
CINÉMA POUR L'OREILLE .
20H/21H30 :
Concerts spatialisés par Denis Dufour, Denis Cabacho, Lionel Kasparian, Samuel Lartisien.
21H30/23H30 : Sub / Under Construction / Prototype / Synken .

 
 

JEUDI 20 SEPTEMBRE
CINÉMA POUR L'OREILLE. 20H/21H : Concerts spatialisés par Denis Cabacho, Lionel Kasparian, Samuel Lartisien.
SCÈNES ÉMERGENTES. 20H/00H : Charbel / 4ms Latency / K-Led / Jade

VENDREDI 21 SEPTEMBRE.CONCERTS .
20H/2H : 
JIMI TENOR & KABU KABU . LIVE . FINLANDE
MOCKY . LIVE . CANADA
ALVA NOTO . LIVE AUDIOVISUEL . ALLEMAGNE
FRED BERTHET & DENNIS DEZENN . LIVE & VJ . FRANCE

SAMEDI 22 SEPTEMBRE. CONCERTS .
20H/2H
BOOM BIP . LIVE . USA
LAWRENCE . LIVE . ALLEMAGNE
MURCOF & FRANCESCO TRISTANO . LIVE . MEXIQUE/LUXEMBOURG
DANTON EEPROM . LIVE AUDIOVISUEL . FRANCE

 

Pour cela, envoyez un mail à contact@secondenature.org en précisant ?abonné blog Tadorne? et la soirée choisie.

 

À bientôt.

 

Pascal Bély.

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La pataugeoire d’Ivani Santana au Pavillon Noir d’Aix en Provence.

Le Pavillon Noir des Ballets Preljocaj sait promouvoir ses productions et créer des partenariats pour être le lieu ?incontournable? de la danse. C'est ainsi que la chorégraphe brésilienne Ivani Santana a bénéficié d'une résidence à Aix en Provence et le privilège de s'immiscer dans la programmation du festival des cultures électroniques, ?Seconde Nature?. Avec un tel déploiement de moyens, nous attendions une création originale, ?multi ? dimensionnelle ? qui unit ?danse et nouveaux médias? comme le proclame la plaquette. Au final, c'est un spectacle zapping, sans fil conducteur, qui finit par procurer une migraine tenace à force de prendre le spectateur pour un sujet passif, docile, dépendant de l'image, du son et des formes sans sens. Car ?le moi, le cristal et l'eau? est avant tout un espace d'expérimentation pour la chorégraphe, où les danseurs ne sont que des faire-valoir, où le public, même présent sur scène, n'est qu'un élément du décor, quand il n'est pas filmé par des caméras de surveillance ou de télé réalité.
Ivani Santana ne sait plus ce qu'elle veut nous dire, trébuche dans les fils de ces connexions sans but, tourne en rond avec ses jouets téléguidés qui se cognent de partout, cherche LA scène et réussit par se perdre dans ce Pavillon Noir inadapté à la complication de son propos. Rien n'est creusé, tout est survolé. On change de territoires comme de chemises qui finissent toutes par s'étendre sur une corde à linge, au fond des gradins (sic). On délimite des petits espaces de danse pour systématiquement en brouiller la visée en provoquant une curiosité à l'autre bout de la scène.
Ivani Santana confond le multi ? dimensionnel avec la multiplication des cases. Le résultat est désolant et confirme ce que nous pressentions déjà: la saison 2007 ? 2008 du Pavillon Noir prend l'eau et le reste de la programmation ne la sauvera pas du naufrage. Tout au plus, le répertoire des Ballets Preljocaj suffira à remettre à flot un navire unidimensionnel.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? «le moi, le cristal et l'eaud’Ivani Santana a été joué le 15 septembre 2007 au Pavillon Noir dans le cadre du Festival “Seconde Nature”.

 

Ps: Puisque le Pavillon Noir est incontournable dans l'articulation danse ? culture électronique, on évitera de se perdre une fois de plus dans un puits sans fond lors d'?Eldorado?, dernière création des Ballets Preljocaj, présenté le 21 septembre. Le compte-rendu est ici.

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A Aix en Provence, les pas de côté du festival ?Seconde Nature”.

C'est une ambiance un peu étrange qu'inaugure le Festival des musiques électroniques d'Aix en Provence, ?Seconde nature?, en se produisant dans le Théâtre à l'italienne du ?Jeu de Paume?. Il accueille un public peu habitué aux salles dorées pour ce style de performance. Doit-on y voir une reconnaissance ?institutionnelle? pour ce Festival qui vient d'opérer sa révolution en fusionnant deux anciennes manifestations aixoises, ?Arborescence? et ?Territoires électroniques?? C'est donc sagement assis que nous écoutons deux univers musicaux, propices au regard décalé, pour se décentrer d'une semaine pour le moins agitée.
koudlam-2.JPG
Koudllam est le premier à se risquer pour faire trembler les murs de ce vénérable théâtre. Debout, en contre-jour, il chante le monde tel que le montrent les vidéos de l'artiste Cyprien Gaillard. Elles furent projetées lors de l'exposition ?Enlarge Your Practice? à la Friche Belle de Mai de Marseille durant tout l'été. La musique m'avait à l'époque troublée. Le hasard des programmations fait le lien, à moins que ce ne soit les acteurs culturels qui tissent entre Aix et Marseille ce que la ligne de chemin de fer entre elles est bien incapable d'opérer! L'alchimie entre les deux univers fonctionne même si l'on peut regretter la faiblesse d'un volume qui semble ne pas vouloir écraser le regard panoramique de Cyprien Gaillard. On est pris de frayeur à voir deux bandes rivales s'affronter dans le parc public d'un ensemble d'immeubles. La silhouette de Koudlam et sa voix plonge dans la ?danse? des groupes et nous propulse telle au c?ur de l'agressivité et du mouvement chaotique engendré par la dialogique exclusion – inclusion. Il se dégage de l'articulation entre musique et vidéo, un charme, une beauté déconcertante. Le processus artistique serait-il une réponse aux violences des cités? Doit-on reconsidérer notre regard comme nous y invite Cyprien Gaillard lorsqu’il survole en hélicoptère ces barres d'immeubles, pour leur conférer un statut d’?uvre d'art? Troublant. Le public applaudit à peine tandis que Koudlam s'éclipse. Malaise ou sidération? Les deux.
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L'entracte permet de changer totalement d'univers même si le monde infiniment complexe des cités pouvait trouver avec Pierre Bastien un prolongement poétique. Installé à gauche de la scène comme un enfant qui joue dans sa chambre pour ne déranger personne, il produit une musique déconstruite et mélodique à partir de jouets automates (un tourne-disque, un petit tambourin, des lamelles de papier,..). Avec une trompette filtrée, il mélange blues et bruits mécaniques tandis qu'une vidéo aux accents ?Lynchiens? capte notre regard pour définitivement nous engloutir dans une sphère où la déconstruction est la règle. À l'instar de Michel Laubu avec ses marionnettes, ou du metteur en scène Suisse Stefan Kaegi avec son théâtre en miniature, la réduction amplifie le lien, le sens comme si les artifices n'y avaient pas leur place, où l'imaginaire prend le pas sur le rationalisme de nos sociétés uniformisées. La performance est d'autant plus exceptionnelle que la musique de Pierre Bastien se fond dans la vidéo de Régis Cotentin et finit par opérer un lâcher-prise salvateur. Les frontières tombent, le regard cesse les allers-retour entre lui et l'écran. Il  se crée alors un nouvel espace que seul notre inconscient construit pour nous aider à ressentir ce moment unique, car inimitable.

Pascal Bély
www.festivalier.net
La vidéo de Cyprien Gaillard sur une musique de Koudlam,:

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=TgVVQlFrN-U&w=425&h=355]


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Le Parc de la Villette offre des places pour les abonnés du Tadorne!


Ne manquez pas le spectacle déshabillé
de la rentrée?

NIGHTSHADE
strip-tease chorégraphié

18 sept / 13 oct
Grande Halle de la Villette


6 invitations sur la représentation du 19 septembre pour les plus rapides d’entres vous !

Pour faire partie des invités, inscrivez-vous par mail à a.coutouzis@villette.com en indiquant, comme objet : TADORNE
Vous recevrez un mail de confirmation si vous faites partie des 6 premiers ! (chaque invitation est valable pour une personne)

Après avoir vu le spectacle, nous attendons vos impressions sur le BLOG TADORNE !

Chorégraphies :
Eric De Volder / Vera Mantero / Claudia Triozzi / Alain Platel / Caterina Sagna / Johanne Saunier / Wim Vandekeybus…

* Photos :
1>Eric De Volver 2>Wim Vandekeybus 3>Vera Mantero 4>Alain Platel 5>Johanne Saunier
__________________________________________
NIGHTSHADE…
… 7 chorégraphes contemporains nous ouvrent les portes de leur jardin secret en dirigeant 7 strip-teaseurs professionnels pour 7 versions du fantasme et de l'objet du désir !

Une manière de faire se rejoindre deux univers a priori opposés : le cabaret érotique et la création contemporaine.
7 solos, ou le nu commercial se mue en nu artistique, comme autant de variations sur un même exercice…

Plus d’infos >>>
Extrait vidéo sur MYSPACE >>>

Billetterie en ligne >>>
Plan d’accès >>>
Tarifs : Plein Tarif : 18 ? / Tarif réduit : 14,50 ? / Carte Villette : 9 ?
Venez en bande (à partir de 5 pers) et bénéficiez du Tarif Réduit
Horaires : Du mardi au samedi à 20h30

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Au Festival de Biarritz, prenons “le temps d’aimer” la Compagnie Androphyne.

Au Festival de danse de Biarritz, “le temps d’aimer”, la Compagnie Androphyne présente « le spectacle dont vous êtes le héros » joué à Paris en Février dernier lors de “Faits d’hiver”. Ce fut l’occasion d’expérimenter une écriture transversale à partir du ressenti des spectateurs sur une oeuvre chorégragraphique étonante.
Rendez-vous le 12 septembre, à Biarritz. A ne pas manquer!

Nous revenons au studio « Le regard du cygne » dans le 20ème pour « le spectacle dont vous êtes le héros » par la Compagnie Androphyne. J'interviewe quelques spectateurs avant la représentation. Personne ne semble faire le lien avec le titre de la pièce comme si plus rien ne pouvait surprendre ce public de connaisseurs ! Par contre, la présence du bloggeur étonne, fait sourire, interroge, intéresse. Les rendez-vous sont pris avec quelques uns. Seront-ils les héros de la soirée ?
Le dispositif scénique frappe par son inventivité : télévisions à terre et au mur, musiciens à droite, grande toile à gauche et divers objets tombants du plafond. Il y en a pour tous les goûts, tous les regards et j'imagine déjà une danse?pluridisciplinaire ! Très vite, nous voilà projetés dans l'univers de « Big Brother ».  Un homme à l'écran explique les règles du statut de l'intermittence à un ami qui semble ne rien y comprendre. Le spectacle débute avec ce héros des temps modernes et se terminera une heure après par un verre de vin offert au public sur la scène ! Entre ces deux moments, un groupe de huit artistes tente le tout pour le tout pour créer une ?uvre déconstruite, où tout ne tient qu'à un fil avec des références appuyées à notre société médiatique en perte de sens. C'est un tourbillon de mots, de corps jetés à terre, de provocations, de souffrances et de solitudes, de paris fous gagnés et perdus, de tentatives réussies et d'échecs retentissants. En une heure, notre société est sur scène pendant que les artistes, toujours plus précaires, nous aident à rechercher le sens. Face à ce déluge, le public ne peut rester passif. Trois spectateurs (volontaires) sont tirés au sort pour venir sur scène. Après une sélection sans pitié aux critères aléatoires, un seul survit ! Il est tour à tour manipulé, laissé de côté, intégré dans la troupe puis menacé d'exclusion. On le métamorphose en «big brother » et semble y prendre plaisir, comme pris à son propre piège. On ne sait plus où donner de la tête. Notre monde est devenu complètement fou et notre « héros »  de la soirée s'en sort tant bien que mal. Les acteurs finissent éreintés, maculés de sang, mais l'art est toujours là, à travers cette fresque dessinée à partir des corps d’un artiste et du spectateur – héros!
Ce groupe de chanteurs ? musiciens ? plasticiens – danseurs est à l'image de sa musique (enivrante), de sa danse (« sculpturale ») et de ses décors (en mouvement permanent). La Compagnie Androphyne ne manque décidément pas d'idées et de talents dans cette société polluée par le temps  médiatique et obsédée par le contrôle.
Les spectateurs, une fois sur scène, un verre à la main, se laissent volontiers interviewer par le bloggeur, comme si l'exercice était cohérent avec le spectacle. Tommy, très inspiré, évoque un « existentialisme galvaudé, mais présent », une ?uvre où «je retrouve les codes de mon imaginaire, de mon quotidien d'artiste. C'est une pièce qui va évoluer dans ses articulations ».  Cette évolution est d'autant plus évidente que le lien avec le public est ouvert : « On s'interroge,  on ne subit pas ; le parcours n'est pas fléché, il y a des parcours multiples. » affirme Christine. Ce sentiment est relayé par Yasmina qui note «une liberté corporelle très forte », là où Hélène voit « des lignes qui se croisent et se décroisent ». Cette pièce a des allures de conte moderne avec ses personnages étranges, telle cette meneuse de revue qui a fortement impressionné Evelyne par « sa distance extraordinaire à mener le jeu dans un espace aussi petit ». Nathalie y voit presque « une comédie  musicale » tant le jeu est ouvert. Mais qu'en dit le héros de la soirée ? Cyril est discret, étonné par mes questions. Il aurait aimé voir le spectacle !  À l'intérieur, il a tenté de ne  « pas être que spectateur. Il fallait que je fasse le maximum pour faire partie de l'ensemble » même « s'ils ont tout fait pour m'intégrer ». Véronique a pu réaliser le rêve de Cyril : être l'héroïne la veille, et spectatrice le lendemain. Elle répond avec gourmandise à toutes mes questions et finit par me lâcher :   « suite à cette expérience, mon regard a changé à la fois sur le détail et l'unité d'ensemble ». À les écouter, leurs actes n'ont rien d'héroïque. Je suis presque déçu.
Sofie me confie plus tard qu'elle n'a pas «eu de déclic » et qu'elle ne sait « jamais investi psychologiquement ». Au final, la fonction du héros semble perdre de sa superbe comme si tout se déverticalisait ! Il est donc temps de passer à autre chose, à d'autres représentations théâtrales, où l'artiste ne serait plus au centre de tout, mais en lien avec le tout.
On attend avec impatience le prochain spectacle de la Compagnie Androphyne pour redynamiser tous ces héros qui sont déjà fatigués !


Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.
?????? “Le
spectacle dont vous êtes le héros” de Pierre – Johan Suc et Magali Pobel a été joué les 1er et 2 février au “Regard du Cygne” à Paris dans le cadre du Festival “Faits d’Hiver” et à Biarritz le 12 septembre 2007.

 

 

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«NIGHTSHADE», du Merlan à La Villette : déshabillons-nous!

villette.JPGC’était au mois de janvier 2007. « NIGHTSHADE » était joué au Théâtre du Merlan de Marseille. En voici un compte-rendu effeuillé…alors que la pièce est à l’affiche du Parc de la Villette jusqu’à la mi-octobre.

Ce soir, malgré le froid piquant, tout paraît léger. J'arrive au Gymnase à Marseille, escale du Théâtre du Merlan, qui poursuit ses « vagabondages » pendant sa rénovation. Un bar à huîtres est installé sur le trottoir et la foule se presse pour un événement européen.  Avec « Belladonne », sept chorégraphes (Alain Platel, Win Vandekeybus, Caterina Sagna, Vera Mantero, Claudia Triozzi, Eric de Volder, Johanne Saunier) revisitent le strip?tease. Dans l'insouscience quasi ? générale, personne ne se doute que le public finira nu à la fin de la représentation?

Six femmes et un homme se succèdent au cours de sept tableaux, accompagnés par un petit orchestre de?chambre. On se croirait dans une exposition d'art contemporain entre performance, théâtre et sculpture ! À mesure qu'ils défilent, je passe de la sidération, au rire, à l'extase, puis gêné, intimidé, séduit et finalement retourné ! Je suis entré dans ce théâtre, bardé de clichés sur le strip?tease. J'en sors dépossédé, questionné sur mon rapport au corps, au sexe, à l'évolution des m?urs d'une société aux apparences libérées, mais toujours aussi pudibonde.
Pour en arriver là, ils ont tout osé pour transformer le strip?tease en chorégraphie. Tout au long des sept tableaux, l'interaction avec le public est toujours créée pour ne pas nous, et les laisser seuls.

A cet effet, l'orchestre joue la partition de nos désirs refoulés : tantôt douce, parfois bruyante, souvent chaotique.

Un animal étrange et laid filmé en vidéo est projeté entre les tableaux : il est petit au début et fini par devenir énorme à la fin du spectacle. Entre chien et chat, il nous espionne, voyeur de notre animalité et attendrit de nous voir si observateurs ! Comment ne pas évoquer ce décor, drapé dans ces rideaux, métaphore de nos vêtements, de ce que nous cachons, dévoilons au gré des contextes. Ils s'abaissent à l'horizontale, bougent à la verticale pour dimensionner la scène, cadrer notre regard, tel le zoom d'un appareil de photo : nous voilà voyeurs, pudiques, exhibitionnistes. Il est le rideau de misère d'une société puritaine qui cache les seins aux enfants, mais qui exhibe Cauet sur TF1 !
Pour le reste, dois-je tout vous dévoiler ? Puisque vous insistez?.
On commence ?

Un écran de fumée?ce n'est pas ce que vous croyez?Le corps crucifié.Là ??

C'est le strip?tease révolutionnaire. A poil S…….? Vous exagérez !
Ici ??
Un tableau de la renaissance après avoir trop fumé.

Ici, aussi ?
« Je t'aime, moi non plus » revisité. Bandant.
Là, et puis..là ?


Elle flanche. Émouvant et débandant.
Même ça ?
Le strip?tease déconstruit. Osé.

Et ça ?


Bien fait pour lui. Pour nous.

Je vous l'avais promis. Je suis tout nu.


???
??? “Belladonne” a été joué au Théâtre du Merlan de Marseille le 27 janvier 2007 et au programme du Parc de La Villette du 18 septembre au 13 octobre 2007.


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EN COURS DE REFORMATAGE

Saison 2007 / 2008: Toulouse résiste.

En parcourant les programmations des deux principaux théâtres toulousains (Le TNT et le Théâtre Garonne), une impression s'en dégage: c'est un festival de belles, de très belles propositions. Quelques unes ont retenu mon attention (les liens renvoient vers les articles du blog) parce qu'elles ont durablement balisé mon parcours de spectateur ? bloggeur et ouvrent sur d'autres, encore inconnues, mais que les lecteurs toulousains de ce blog ne manqueront pas d'apprécier.
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C'est l'Argentin Ricardo Bartis qui inaugure la saison du Garonne. Avec ?De mal en peor?, nous sommes propulsés dans la crise économique et sociale argentine, mais surtout dans un chaos familial à faire trembler les murs de tous les théâtres. Programmé au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles en 2006, ?de mal en peor? est une oeuvre puissante servie par une troupe de comédiens exceptionnels dans une scénographie qui pourrait en surprendre quelques-uns…
Un autre tremblement se profile avec le metteur en scène marseillais, Hubert Colas.  ?Face au Mur? de Martin Grimp (cf. photo) évoque ce rationalisme qui nous ronge et cette société toujours plus comportementaliste. La mise en scène place le spectateur dans un dedans ? dehors troublant.
Le Théâtre Garonne poursuit son “festival” avec ?Young people, old Voices? du chorégraphe allemand Raimund Hoghe. C'est une création bouleversante, un chef d'oeuvre. Présenté à Montpellier Danse en 2004, le public fit un triomphe à cette troupe comme si les lents mouvements de ce quatuor étaient aussi les nôtres quand nous lâchons prise…
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Sur un tout autre registre, le chorégraphe Alain Buffard avec ?Not a love song? signe là une oeuvre irrésistible, drôle, intelligente, servie par des comédiennes ? danseuses exceptionnelles (Vera Mantero et Claudia Triozzi sont renversantes!). À ne manquer sous aucun prétexte.
Comment faire l'impasse sur le collectif Belge tg STAN qui avec deux pièces ?Sauve qui peut? et ?Nusch? investit la France après leur succès ?My dinner with André ? en 2006 ? 2007. C'est un théâtre engageant qui place le spectateur dans un rôle actif. À l'image du travail de la chorégraphe Catherina Sagna qui revient avec ?Basso Ostinato?, sa dernière création. Provocantes, ses ?uvres laissent des traces?
À suivre, le nouvel ovni de Joseph Nadj, ?Entracte?. Comment ce chorégraphe exceptionnel va-t-il nous surprendre après son chef d'oeuvre présentée au Festival d'Avignon en 2006, dont il était l'artiste associé (?Paso Doble? avec le peintre Miguel Barcelo)? 
Dans cette programmation magnifique, on fera l'impasse sur ?Big 3rd episode? du collectif Superamas. Le bide du dernier Festival d'Avignon?
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Cap sur le Théâtre National de Toulouse (TNT). Ici aussi, on ressent l'exigence d'un projet qui positionne le spectateur autrement qu'en consommateur passif. Quelques propositions ont retenues mon attention. Le chorégraphe du pays, Pierre Rigal et le metteur en scène et scénographe Aurélien Bory présentent leurs créations dont ?Érection?, envoûtante danse qui nous remet debout (à voir également ?plus ou moins l'infini? et ?plan B? ).
Sébastien Bournac
s'empare de ?Music Hall? de Jean-Luc Lagarce pendant que Pippo Delbono avec ses magnifiques ?Récits de juin? proposera par la suite sa dernière création (?Cette féroce obscurité?).
On accueille avec curiosité la nouvelle proposition de Merce Cunningham (?Eyespace 2 autres pièces?), tandis que l'on fuit l'Eldorado glacial d'Angelin Preljocaj. Enfin, ?Le Roi Lear? de Jean-François Sivadier présenté au Festival d'Avignon 2007 n'a pas convaincu de nombreux critiques et spectateurs, mais en a ravi d'autres. Alors?…
On ne manquera pas de faire un saut au Théâtre Sorano pour voir ?L'épilogue? de ?l'homme qui danse?. C'est homme là, est le plus beau comédien en France. C'est
Philippe Caubère.

Pour terminer ce panorama succinct, ? Le printemps de septembre? devrait enthousiasmer les amateurs d'art contemporain à la recherche de sens, dans la ?France de propriétaires? que l'on nous promet.
Toujours est-il que Toulouse et ses théâtres résistent à faire du public une assemblée d'actionnaires?


Pascal Bély

www.festivalier.net