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Thierry Thieu Niang au Théâtre des Salins de Martigues: l’école est finie.

300dpi-0442.JPGDrôle d'impression tout de même ! À l'issue d'une heure trente, enfermé dans la petite salle du Théâtre des Salins de Martigues, je ressens un étrange malaise après « Exposition(s). Portrait » par Thierry Thieû Niang. Avec une telle invitation, comment pouvais-je passer à côté d'une  première rencontre avec un chorégraphe local, entouré d'artistes de son réseau qui pourrait devenir le notre ? En prime, « Import Export » des Ballets C. de la B. vu la veille au Théâtre d'Arles continu de faire son travail. Je me sens donc prêt à accepter cette proposition pour le moins originale.
Thierry Thieû Niang a donc décidé de se faire le portrait par d'autres, dans une ambiance de franche camaraderie, à l'image d'une fête de fin d'année d'une école de quartier. Les élèves présentent leurs jolis numéros, devant un public inivité à se mouvoir avec une chaise pliante. Tout cela paraît vain et pour tout dire ridicule quand le maître d'école arrive en dernier, habillé d'un maillot siglé OM (sponsor de la soirée?je me pince !) singeant un joueur de foot. Auparavant, je dois ingurgiter de nombreuses gesticulations tel ce groupe pailleté de jeunes danseurs mais qui brille par son absence de propos. Où encore la chorégraphe Geneviève Sorin, à l'accordéon, avec une lourdeur musicale et corporelle contagieuse. Au coeur de cet « aréopage », deux noms émergent : le guitariste Benjamin Dupé qui propose un son dissonant dans cette soirée molle et consensuelle et le philosophe Mathias Youchenko qui, avec humilité et fraîcheur, nous présente ses photos de famille, prétexte à une divagation philosophique sur le portrait.
Au final, cette « exposition » n'est qu'une addition, sans fil conducteur et dont on cherche le sens, la perspective. Je m'étonne qu'un artiste puisse puiser chez d'autres les ressources, non au service d'une ?uvre, mais pour soi, avec pour témoin un public passif et résigné à passer d'une scène à l'autre comme dans un zapping télévisuel.
En quittant Martigues, je repense au collectif des Ballets C. de la B. Quel contraste entre ces flamands et cette addition de tableaux égocentrés animée par Thierry Thieû Niang !
Depuis la rentrée, je m'inquiète de la propension des théâtres à provoquer de l'événementiel (“26000 couverts” au Théâtre de Cavaillon, “Numéro 10” joué au Stade Vélodromme de Marseille par le Théâtre du Merlan, …) alors qu'ils devraient créer les conditions d'une réflexion collective sur la marche du monde.

Pascal Bély 
www.festivalier.net

?????? « Exposition(s). Portrait » par Thierry Thieû Niang a été présenté le 21 novembre 2007 au Théâtre des Salins de Martigues.


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Au Théâtre d’Arles, les déportés d’Import ? Export.

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“Import Export” de Koen Augustijnen.
” VSPRS” d’Alain Platel.

« Ça va ? » dit-elle en reculant alors que la lumière s'éteint. Non. J'ai mal. La claque. Qu'ont-ils donc fait ces Flamands au « sang vif » pour nous tordre dans tous les sens avec violence et virtuosité ? « Import Export »  par Les Ballets C de la B emmenés par Koen Augustijnen, est une oeuvre dans la continuité de « VSPRS » d'Alain Platel. La filiation entre les deux chorégraphes est visible : la colline de chiffons avec Platel est remplacée ici par l'empilement de conteneurs de marchandises ; la folie individuelle sanctifiée dans « VSPRS » s'élargit à tout un système dans « Import Export » où les hommes s'écrasent contre les murs, se mutilent collectivement et s'entraident dans un espace qui n'est pas sans nous rappeler les camps de concentration. Et toujours cet orchestre perché où les musiciens n'hésitent pas à se mêler à la danse. Le jazz de Platel se fond ici dans les musiques de Charpentier, Clérambault, Couperin et Lambert.
En quittant le théâtre d'Arles, je n'ai plus beaucoup d'énergie tant cette danse de « performeurs » me perfore, tant cette vision apocalyptique et sans espoir de la mondialisation me déchire. En plaçant le corps au c?ur du processus de marchandisation globale, Koen Augustijnen réussit la prouesse de toucher le notre. Nous voilà donc inclut dans cette puissante mécanique qui, si elle nous rassure lors du premier tableau (magnifique danse groupale où chacun se balance au rythme d'une horloge), inquiète et bouleverse quand le chaos rompt le mouvement, tord, soulève, déséquilibre, propage pour ne laisser au final qu'une femme seule, à reculons, apeuré. Le corps est alors cette marchandise où le pied frappe la tête, où la danse réduit, écartèle, à mesure que le monde se fait plus global. Je ne cesse d'avoir peur pendant ces quatre-vingt-dix minutes de fureur malgré quelques baisers furtifs et escalades comiques qui masquent la profonde déliquescence des rapports humains mis sur le même plan qu'une machine. Ce que je ressens aujourd'hui de notre société (la vulgarité institutionnalisée, la fragmentation du lien social, la vision coloniale du clivage nord ? sud) trouve ici une résonance effroyable, parce qu'élargit à un monde globalisé qui n'enchante plus.
Malgré tout, il y a l'alto masculin (étonnant Steve Dugardin) qui, du haut de sa tribune, couvre le vacarme du camp pour y diffuser la beauté du lien humain. Mais il finit par se fondre dans la masse, où les mélodies de Charpentier se coulent dans une musique industrielle. Dans le monde vu par Koen Augustijnen, rien ne semble pouvoir arrêter ce processus qui positionne le lien marchand comme unique manière de lire les rapports sociaux. Le système capitaliste engendre ses propres barbaries qui, en s'auto-organisant, produiront de nouveaux besoins (à l'image de cette émeute où les danseurs se battent pour quelques gouttes d'eau).
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Mais que me reste-t-il ? Eux, Les Ballets C de la B. Ils m'envahissent. Ils sont Le Monde où tout se croise, s'enchevêtre parce que multiculturel. C'est dans cette force collective que Koen Augustijnen a puisé la créativité pour décrire la mondialisation illisible. On pourrait lui reprocher un discours radical qui laisse peu d'ouvertures et d'espoir, mais le propos est peut-être ailleurs : si le monde change, alors changeons le monde. Cette énergie qu'il propage par le corps vers le corps social est une magnifique perspective pour qu'ensemble nous puissions créer les nouveaux espaces qu'aucun marchand ne pourrait animer. C'est en puisant dans la force du lien que nous imaginerons les élargissements capables de nous rendre autonomes.
J'ai mal, mais j'avance.

 

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Import Export » de Koen Augustijnen a été joué au Théâtre d’Arles le 20 novembre 2007.


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Pour en savoir plus sur Les Ballets C de La B:
Leur site.
La critique de “VSPRS” d’Alain Platel.
Zero Degrees” de Sidi Larbi Cherkaoui.


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A Porto, le festival « Trama » laisse des traces.

C'est un pur hasard. Lors d'un week-end prolongé à Porto, un festival, « Trama »,  offrait pendant trois jours danse, musique et performances. J'aime cette coïncidence qui m'invite à délaisser le Guide du Routard pour découvrir la ville à partir de vagabondages culturels. C'est une façon de se laisser surprendre, d'entendre la cité pour démasquer des territoires en émergence, fragiles, à l'instar de ce festival crée seulement l'an dernier. Il a de l'avenir dans le paysage européen à côté du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles car on ressent la modestie de ses promoteurs à vouloir croiser les disciplines pour ouvrir le regard.
519-laing-ghost.jpgIl est minuit et le public massé dans cet espace commercial vide a bien du mal à quitter le lieu. Ils sont deux (Gary Winters et Gregg Whelan), de la compagnie anglaise Lone Twin (que nous avions repéré à Bruxelles en 2006) habillés en cow-boy pour « Ghost Dance ». De midi à minuit, yeux bandés, ils effectuent un pas de danse où chaque mouvement renvoie au mythe du cow-boy. Seul le bruit de leur pas guide leur trajectoire et je me surprends à rester là pour observer cette chorégraphie minimaliste et  répétitive. La performance les fragilise à l'image des morceaux de scotch collés sur leurs fesses ! À tout moment, ils peuvent s'effondrer, mais ils entretiennent le mythe du héros pour que notre dépendance fonctionne. Tout à la fois proches et inaccessibles, ils interrogent notre place d'observateur à partir de nos représentations figées par le cinéma. Qu'attendons-nous ? Que nous renvoient-ils ? Comment expliquer la puissance de ce lien entre eux et nous ? Et si le mythe était à lui seul une performance pour qu'il s'inscrive si durablement dans notre imaginaire ?  Busch et Sarkozy seraient-ils à ce point fragiles?

DSC01151.jpgDaniel Menche est un musicien américain. Dans un espace culturel, au 4e étage d'un parking, il donne pendant cinquante minutes un concert « extrême » de musique électronique. À nos deux cow-boys, il répond en écho par une autre performance, tout aussi fragile, qui interpelle notre lien à la musique. Jusqu'où sommes-nous prêts à le suivre pour laisser le son envahir notre corps sans se protéger les tympans, par principe de précaution? Sa musique est un fluide sanguin, euphorisant et anesthésiant, transmis à partir d'une barre de métal équipée d'un micro qu'il frotte contre son corps. Daniel Menche pousse les frontières de la musique électronique vers une performance?partagée. Rare et exceptionnel.
octane-2.jpgLe musicien belge Mathieu Delvaux  ne manque pas non plus d'ambition. Installé dans un parking, proche de l'océan, il a convié les fans de voitures « tuning » et les amateurs de musique électronique pour « The destiny's cars play 8ways 32wheels ». Les passionnés contemplent, scrutent les bolides d'où sortent le son tandis que les auditeurs s'assoient au centre sur un sol moquetté. Dans un premier temps, chacun est à sa place et j'observe amusé ces fans qui circulent dans le sens des aiguilles d'une montre. La musique manque de relief, mais le dispositif ingénieux  transforme ces voitures en ?uvre d'art et permet de « mailler » ces deux publics. On peut juste regretter que Mathieu Delvaux ne se soit pas appuyé sur un tel cadre pour développer sa créativité et la nôtre.
Mantero-Monot-286.jpgLa chorégraphe portugaise Véra Mantero veut aller plus loin et pousser les mots au-delà du conditionnement linguistique. Avec
« Jusqu’à ce que Dieu soit détruit par l’extrême exercice de la Beauté », elle nous propulse dans un nouvel espace où le groupe serait le contenant pour rendre aux mots (en anglais) leur liberté. Les six protagonistes, assis en rang d'oignon, intriguent par leurs costumes qui prolongent leur peau, comme les mots qu'ils étirent jusqu'à l'absurde pour franchir les frontières du rationnel et les reconstruire autrement. Soit. Et alors ? C'est amusant, interpellant, et finalement ennuyeux. Si tout se dit, que reste-t-il au groupe ? A changer les places ! Très limité tout de même ! Si les mots occupent l'espace, que reste-t-il à la scène ? De vagues sons électroniques et une sculpture énigmatique. Vera Mantero s'isole dans un schéma qui, au lieu de prolonger, enferme le sens dans un groupe stéréotypé où le public a bien du mal à s'extraire du rôle que l'on veut lui faire jouer (à l'instar d'un jeu télévisé).
Ce sont
Amarante Abramovici
et Ana Deus installées à Porto qui ont peut-être réussi le pari un peu fou de donner aux mots (maux) leur prolongement le plus inattendu avec « muda ». Le public, convié dans un deux pièces, assiste médusé à un jeu entre une comédienne et une chanteuse où l'une finit scotchée à un canapé (décidément, le ruban adhésif inspire Trama !) pendant que l'autre, métamorphosée, chante une chanson de Petula Clark ! Loufoque, déjanté, ces quinze minutes théâtrales métaphorisent une société portugaise coincée entre tradition et modernité.
On a du mal à repérer la voix médiane. « Trama »  y contribuera lors des prochaines éditions et offrira aux Français un territoire d'exil!

Pascal Bély www.festivalier.net

Ces cinq oeuvres ont été jouées au Festival “Trama” de Porto les 2 et 3 novembre 2007.

??????  « Ghost Dance » de la Compagnie Lone Twin.
????? Le concert de Daniel Menche.
??????  « The destiny's cars play 8ways 32wheels » de Mathieu Delvaux.
??????  « Muda » d’Amarante Abramovici et Ana Deus
?????? « Jusqu’à ce que Dieu soit détruit par l’extrême exercice de la Beauté » de Véra Mantero.


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Merveilleuse Alice au Théâtre de Nîmes.

IMAGEAffiche.jpgPour deux soirées, le Théâtre de Nîmes présentait “Alice ou le monde des merveilles“, une proposition artistique du Théâtre des Lucioles et du Théâtre de l’Entresort. “Proposition” soutenue par des hommes et femmes handicapés, tous acteurs professionnels. Quiconque ne les a jamais croisés, ignore le travail fabuleux qu’ils accomplissent.
Je pense, même je crois, ou bien j’en suis sûr, d’avoir touché l’irréel hier soir. À quoi ressemble-t-il ? À un moment suspendu.
Plongés dans le noir, nous, public, rentrons dans une sphère, quittons notre monde pour aller dans un autre. Celui de Lewis Carroll. Les fauteuils devraient être munis de ceinture tellement le décollage pour ce monde inconnu nous colle à nos dossiers !
Des sons (et quels magnifiques sons angoissants), des bribes de dialogues du film “Alice au pays des merveilles“, nous viennent aux oreilles pour suspendre le temps.
Apparaissent des lapins, Alice, la Duchesse, la Reine… Tous les personnages de Lewis Carroll prennent vie sous nos yeux. Je reste bouche bée, un instant, tant la performance de ces êtres “fragiles” me bouleverse. “Fragiles” tout comme le monde d’Alice, d’ailleurs.
Alice se questionne (“suis-je folle?“), cherche son chemin, boit du thé ou plutôt en voudrait bien (formidable scène) et assiste à son jugement sans le comprendre (“qu’on lui coupe la tête!“). Tout est scrupuleusement respecté, parfaitement mis en scène.
Alice se demande, si pour être “normale“, il ne faudrait pas mieux remonter à la surface. Mais de quoi ? Rebasculer vers. Mais vers quoi ?
Elle me renvoie, alors, aux angoisses que j’ai toujours eues à son encontre. Alice, prise au piège, tente de reconstruire le cheminement, à savoir pourquoi elle est ici, essaie de sortir de ce monde si angoissant, un monde de non-sens, même si les personnages rencontrés lui veulent à priori du bien.
Et si le “ici” fantasmé se révélait être notre monde. Si tout était incompréhension, et qu’il existait réellement un “monde des merveilles”?
Je veux bien le découvrir et m’y rendre avec mon Alice.


Laurent Bourbousson.

?????? « Alice ou le monde des merveilles » a été joué le 18 et 19 octobre 2007 au Théâtre de Nîmes.


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Darina Al Joundi, un public, un moment bouleversant.

arton1232-350x233.jpgDarina Al Joundi est seule face à nous, face à elle-même. Elle entreprend de nous raconter sa vie dans un Liban verrouillé, cadenassé, coincé, entre les guerres et son intégrisme.
Darina a eu la chance d’avoir un papa qui croyait en un Liban libre. Il lui a inculqué cette force, cette soif de liberté, qui lui valut d’être emprisonné, car journaliste de son état.
Mais aujourd’hui, Darina pleure cet homme, ce Dieu à ses yeux , en lequel elle a cru.
Elle le pleure, car il est mort.
Elle pleure aussi sur elle-même, car que faire de cette liberté en tant que femme libanaise ?
Elle nous égraine sa vie, son passage de l’enfance à l’âge adulte. Sans détour, sans fard.
Le jour des obsèques de son père, elle refuse les cris et les pleurs de ces femmes habillées de noir, interrompt le Coran, pour s’enfermer avec son père et lui diffuser du Nina Simone, selon ses dernières volontés.
Elle se bat contre son Liban qu’elle aime, contre sa famille qui l’enverra en asile psychiatrique, contre son beau-frère qui fera respecter “l’ordre”, la religion.
Mais Darina nous offre son regard de sa jeunesse qui vit à l’excès : excès de drogues, excès d’alcool, excès de vie, excès de mort. Car à quoi bon vivre dans un pays dévasté sans risquer sa vie et défier la mort lors de jeu de roulettes russe, lorsque l’on croise la peur dans le regard de l’autre quand la gâchette clique, ou bien lorsque la cervelle gicle de la boîte crânienne du meilleur ami que l’on croyait invincible.
Nina chante et Darina hurle sa douleur, sa peur, son envie de vivre. Et quelle belle envie de vivre !


Laurent Bourbousson.


?????? “Le jour où Nina Simone a cessé de chanter” a été joué au Théâtre des Halles en Avignon.

Le texte paraîtra aux Editions ACTES SUD en janvier.


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Christophe Garcia qualifié pour la finale.

Christophe Garcia est un chorégraphe prometteur. J'aimerais pourtant le qualifier autrement. Je l'avais remarqué en décembre 2005 avec ?les songe-creux? où il avait merveilleusement réussi à articuler théâtre et danse. Ses quelques maladresses de l'époque donnaient à l'ensemble une dynamique joyeuse. Deux années plus tard, entouré de ses jolis parrains (La compagnie Kélémenis, le Ballet National de Marseille et celui de Biarritz), il nous présente ?Erritu”, ensemble comprenant “l'Heure du bain” et “Le Sacre du Printemps?. Le tout est imprégné de différents rituels (d'un côté le recueillement, la purification; de l'autre le sacrifice) que Christophe Garcia perçoit comme complémentaires. Notre artiste franco-québécois aurait pu en rester là, mais il va plus loin en nous proposant dès le début de la soirée un rituel de notre temps: en votant par SMS, il s’agit de choisir parmi les trois danseuses celle qui sera sacrifiée dans le sacre!
20-1306070330-730.jpgCe mélange de rituels finit par produire une confusion qui ne sert aucune des deux ?uvres. Peut-on tout mettre au même niveau? Un ?rituel païen? avec ?Le sacre? qui nous plonge dans ?les sources primitives de l'humanité?, une pratique culturelle (le bain) et enfin une technique inventée par les publicitaires pour créer la démocratie du marketing. Cet enchevêtrement distrait le regard du spectateur, l'oblige à niveller vers le plus petit dénominateur commun (exclure une danseuse) mais surtout fait entrer le marketing dans un théâtre, seul lieu où nous pourrions en être protégé. Pour réussir à m'extraire de ce dispositif, deux visions me sont venues comme un calque posé sur la scène. À voir ce trio de femmes se chercher, s'isoler, se relier à l'heure du bain, je ne peux m'empêcher de repenser aux ?Aphorismes géométriques? de Michel Kélémenis. À observer ce ?sacre? maladroit et lourd, je m'imagine celui dansé par les Ballets Preljocaj. C'est ainsi que ma culture, mon histoire de spectateur, a pris le pas sur le rituel du marketing.
Dès lors, comment prendre au sérieux ces deux propositions? Comment donner à Christophe Garcia le statut qu'il mériterait, plutôt que de le réduire à un chorégraphe plein d'avenir?
Je veux bien encore attendre son émancipation. Son printemps sera le nôtre.


Pascal Bély

www.festivalier.net

?????? ?Erritu, l'Heure du bainLe Sacre du Printemps? de Christophe Garcia a été joué le 25 octobre 2007 au Théâtre de l’Odéon de Marseille.


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A Marseille, inégales et indispensables ?Informelles?.

Quatre heures de représentation, six propositions (théâtre, danse, performance), un plateau unique: le Théâtre des Bernardines (délocalisé pour travaux à l'Espace Julien) de Marseille a un beau projet avec son festival ?Les Informelles? pour lier public et artistes le temps d'une soirée, voir plus (certaines pièces trouveront une continuité en mai 2008 pour la deuxième partie de cette manifestation). J'ai la douce impression d'avoir vécu un moment privilégié, presque collectif, où le spectateur est à la fois témoin et acteur d'un processus de création, interpellé et invité à se mettre à distance. Chacun peut relier à sa guise pour repérer comment les ?uvres se répondent même si l'exercice n'est guère facile vu l'extrême hétérogénéité des propositions. Que retenir de ce kaléidoscope ?
C'est d'abord un regard ouvert vers l'Europe et le monde pour (enfin) sortir du nombrilisme marseillais. On a quand même du supporter le documentaire proposé par la Compagnie Random Scream filmé lors de la demi-finale de rugby dans les rues de Marseille!
C'est aussi un doux mélange de langues anglaise, espagnole et grecque où la traduction française a parfois redonné du sens ou mis à distance la parole comme dans ?la petite au chaperon rouge moi et mon loup? ou lors de la performance ?Saving lies?.
photo1-copie-1.jpgCette ouverture vers le monde est à son apogée avec ?Igishanga?, conçu et joué par Isabelle Lafon. Un monologue éblouissant pour tenter de panser la plaie ouverte du génocide rwandais où les Français ont brillé par leur lâcheté. C'est un moment suspendu où le public écoute quasi religieusement cette comédienne éclairée par un faisceau de lumière oblique. Positionnée de biais, elle parle à notre conscience de blanc pour la réveiller. Elle incarne deux personnages (une assistante sociale et une femme, toutes deux ayant vécu les atrocités) avec les mots du témoignage dans un désir de reconstruire un pays, d'aller vers la réconciliation malgré ses mains qui dansent sur le visage pour éponger la sueur d'un corps qui souffre encore. Magnifique.
Alors bien sûr, à côté, ?Saving lies? , la performance de la Compagnie Random Scream fait pâle figure, comme un goût de déjà vu. Cinq jeunes gens sont sur scène dans une ambiance bon enfant pour une dénonciation en règle de deux mille années de judéo-chrétienté et où les musulmans reprennent le flambeau avec détermination! Rien de bien innovant dans la forme (proche du plasticien et chorégraphe flamand Jan Lauwers), ni dans le fond (une dose du provocateur Rodrigo Garcia). Pourtant, il se dégage de ce collectif un désir sincère de créer un lien plus transversal avec le public, où leur scène serait l'espace de liens invisibles, mais essentiels. À suivre donc en mai 2008.
700x0-aiguilles-epingles.jpg?La petite au chaperon rouge, moi et mon loup? de la Compagnie Vasistas est sans aucun doute la proposition la plus rafraîchissante de la soirée. Joué à Athènes en mai 2007, trois femmes sur le plateau s'appuient sur le conte du ?petit chaperon rouge? pour le transformer en écriture scénique, orale (en grec, anglais et français!) et quasiment chorégraphique. Elles ont quelques morceaux de sols pour délimiter leur contexte (du sol de cuisine au revêtement d'une boîte de nuit) et tracer le chemin chaotique qui mène à l'émancipation féminine. Une quatrième femme se tient à l'écart, telle une médiatrice ou une thérapeute, pour traduire en français. Ces femmes déclinent leurs choix de vie souvent dictés par la culture et l'éducation: la scène est alors une multiplication de territoires, d'itinéraires à la fois personnels, familiaux, mais aussi sociétaux. Ce grand loup que l'on ne voit jamais, laisse une place prépondérante à l'imaginaire du spectateur pour le positionner. Loin d'être une succession de cases, la pièce est une belle fresque sur la liberté. L'Europe n'est pas encore totalement le sol des femmes libres si l'on en croit la proposition suivante…
?Gravité? est un faible qualificatif pour nommer la danse de Fabien Prioville et Nida Dipla. On ne comprend pas très bien comment cette proposition chorégraphique (coproduite avec le CDN d'Orléans de Joseph Nadj) a pu s'immiscer dans cette soirée. Une jeune fille, collée sur un tabouret tournant, fusionne avec un homme (jusqu'à rentrer dans ses habits) pour finir, tel un oiseau perché, sur une chaise en l'air (seule trouvaille du compagnon de fortune pour la faire taire). Entre temps, des gesticulations amusent quelques secondes, mais on est vite rattrapé par la vacuité du propos et la pauvreté des mouvements. J'assiste médusé à un spectacle machiste dont la seule finalité est d'illustrer la musique percutante du compositeur Hans Hansem, occupé à jouer avec ses instruments électroniques sans beaucoup se soucier de ce qui se passe sur scène. Mais comment peut-on encore aujourd'hui réduire une femme à jouer l'idiote collée à un danseur plus proche du gymnaste que d'un artiste? On se pince en lisant l'intention de cette pièce qui ?joue sur un corps en apesanteur d'une femme à la recherche d'un autre socle? . Les informelles? auraient tout intérêt à positionner la danse pour ce qu'elle est: un art fragile loin de la musculature et du son fracassant. Informalisons-là! Rendez-vous pris en mai 2008.
Deux autres propositions m'ont laissé complètement à côté. La première, qui ouvrait la soirée, nous a plongé dans le processus de création de ?Lady Macbeth's factory? de la metteuse en scène Monica Espina. C'est ?un carnet de notes sur un personnage énigmatique, mais aussi sur les marges sinueuses de la fabrication d'un spectacle?. J'ai ressenti le carnet (bof), pas l'énigme, mais enfermé là où il y aurait pu avoir un peu de marge.
La dernière proposition a vu l'ensemble des comédiens de la soirée se mettre en scène sous la houlette d'Yves Fravega pour ?parole de petit bricoleur?. Le bricolage comme écriture artistique, pourquoi pas. Encore faudrait-il ne pas faire n'importe quoi sous peine d'un effondrement de la scène! ?Les informelles? méritait un final moins bricolé, mais surtout plus en lien avec le public.
Rendez-vous pris en mai 2008.

Pascal Bély
www.festivalier.net.

A lire sur l’édition 2008: Le bouillon « Royco minute soup» du Festival “Les Informelles”.

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Les nouveaux espaces des ?Rencontres à l’échelle? de Marseille.

Pour sa deuxième édition, le lieu d'expérimentations culturelles ?Les bancs publics? à Marseille nous propose ?Les Rencontres à l'échelle?. L'article publié sur leur site internet est un bijou d'intelligence et démontre une fois de plus la place prépondérante des artistes à nous montrer le chemin d'un nouveau paradigme. C'est donc bien un changement d'échelle que nous devons tous opérer. Les cadres de la Fonction Publique Territoriale présents à la formation ?Conduire un projet social complexe? que j'anime à l'ENACT de Montpellier ont trouvé dans les intentions de ce festival de quoi les conforter dans leur désir d'élargir leur horizon et de créer les articulations porteuses de sens et de communication entre leur institution, les groupes projet et les réseaux. Alain Touraine ne disait rien d'autre l'autre soir chez l'excellente émission de Fréderic Taddei sur France 3 (?Ce soir ou jamais?): ?il nous faut changer notre façon de penser le monde et nous donner collectivement un projet au lieu de se replier dans la peur de l'étranger?.  Le changement d'échelle est partout: non pour se perdre, mais pour retrouver notre goût de l'autre, de l'inconnu et de l'incertitude comme leviers de l'innovation. Ce festival est une opportunité pour nous ouvrir même si la petitesse de l'endroit et un public qui dépasse rarement une cinquantaine de personnes nous éloignent des grandes institutions culturelles, si rassurantes pour nous conforter dans nos schémas!
 

C'est donc Sofia Fitas, chorégraphe portugaise, qui déploie la passerelle vers de nouveaux territoires avec ?Expérimento 1?. De la scène surgit un corps penché en arrière, drapé de noir jusqu'au buste, telle une statue vacillante. Nous ne percevons pas son visage et son identité sexuelle est floue. Son corps est une surface de divagation où mon regard se perd entre le désir de lui donner forme et rêveries de le voir se transformer. Dans sa puissante verticalité, il cherche sa métamorphose. Le processus est sublime: aux extrémités, les doigts se prolongent comme des rhizomes de bambou et ses omoplates créent des espaces de connexion où je vois émerger de nouvelles formes corporelles. La statue de pierre devient plus liquide à mesure que la musique de Rui Miguel Leitao se fait chaos.  Le corps se libère alors de son enveloppe noire pour se mouvoir dans un espace horizontal. Désarticulé du vertical, il perd de sa puissance et ses mouvements cherchent un contenant que Sofia Sitas n'a pas encore trouvé. C'est une expérience prometteuse, car son territoire est en émergence. Les rendez-vous sont donc pris.


Il en va tout autrement avec ?Party time? d'Astrid Lefèvre. Elle recherche également un nouveau territoire entre chorégraphie et performance nommé ?danse ? réalité? en ?phase avec les marasmes de la société contemporaine?. Outre que l'on peut contester l'angle choisi (vouloir nous ouvrir et nous déprimer en même temps!), Astrid Lefèvre se perd dans ses déambulations où elle se transforme tour à tour en ?femme à paillettes?, ?femme à caniche?, ?femme fatale et opprimée? et ?femme libérée?. Les lignes blanches fluorescentes collées au sol, tel un labyrinthe, enferment le processus malgré l'excellente musique de 9th Cloud. C'est au prix de nombreuses contorsions avec ses vêtements qu'elle se métamorphose, mais elle est prisonnière de son dispositif. Au final, le propos artistique est en phase avec les intentions de créer un ?territoire d'expérimentations pour le corps de la performeuse qui éprouve alors le plan, la ligne, l'intersection?. Certes, mais pour le public? En est-il encore à éprouver de tels espaces rationalisés ? Depuis le temps que la danse tente de complexifier notre regard, à quoi cela sert-il de se remettre dans des cases aussi enfermantes? Est-ce cela le projet?

orpheline.gif L'installation ?Sans aplats? de la compagnie ?l'Orpheline est une épine dans le pied? proposée dans une des salles des ?bancs publics? laisse également perplexe. À partir des sacs quadrillés transportés par les immigrés entre le port de Marseille et les pays du Magrheb (dont Alger,destination choisie par les auteurs Julie Kretzchmar et Guillaume Quiquerez), nous sommes projetés dans un entre-deux, comme si nous faisions partie du voyage. Les spectateurs déambulent entre espaces visuels (images vidéo des salles d'attente des ports, interviews de voyageurs, ..) et ambiance sonore (une comédienne lit un texte tandis qu'une autre chante). Les sacs tapissent les murs, servent de parois entre les propositions, mais je cherche le fil conducteur. Je me sens très à distance avec ces sacs qui quittent peu leur fonction d'objet d'où leur difficulté, dans cet espace, à créer du lien entre les deux rives de la méditerranée. Pourtant, trois oeuvres remplissent cette fonction: une sculpture touchante à partir de sacs, un iMac qui retranscrit des SMS plutôt drôles entre l'Algérie et la France et une vidéo du rivage qui se projette du haut vers le bas par un jeu de miroir.
En changeant d'échelle, les auteurs aurait pu abattre les cloisons, ouvrir les espaces pour accueillir les immigrés du quartier et leurs familles (le public est si blanc ce soir?).
Nous aurions pu communiquer par sac interposé et créer l'?uvre de notre désir de vivre ensemble.
Pascal Bély
www.festivalier.net

 

?????? Sofia Fitas, ?Expérimento 1?.
?????? ?Sans aplats? de la compagnie ?l'Orpheline est une épine dans le pied? .
?????? ?Party time? d'Astrid Lefèvre.

ont été joués les 18 et 19 octobre 2007 aux “bancs publics” dans le cadre des “Rencontres à l’échelle”.
Le site des  “bancs publics“.

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Le pétard mouillé de la Scène Nationale de Cavaillon.

DSC00081.JPGIl est 20h00. 16° dehors, température de 10° ressentie au vent. Je quitte prématurément le théâtre de Cavaillon: dépité, frigorifié, anesthésié par ce jeu de rôles qui semble avoir été inventé un soir de fumette entre amis. Imaginez la trouvaille: convoqué à 19h, le public poireaute pendant plus d'une heure en lui faisant croire (alarme à l'appui) que le spectacle n'aura peut-être pas lieu (le matériel est inondé). On nous abreuve d'informations rocambolesques pour finalement voir les comédiens en habit de scène, jouer leur mésentente sur des tréteaux. Des acteurs cachés dans le public alimentent le processus: la réac (?C'est encore un coup des intermittents!?), l'intello (?cela me rappelle un extrait d'une thèse?), le poivrot (un clochard qui répète ses idioties), l'administrative du théâtre (tiens, une femme) complètement dépassé par les événements. Pas besoin d'avoir fait une thèse pour deviner l'intention de la Direction du Théâtre et de la Compagnie des 26000 couverts: en créant la perturbation, les spectateurs désireux d'assister ?passivement? à du Shakeaspeare, vont se voir jouer, dans un miroir déformant. Le jeu permet de visualiser le lien artiste ? public  mais offre finalement ce que nous ne serions jamais venu voir un soir d'octobre: un spectacle de rue!
Quelle trouvaille! En d'autres termes, cette compagnie a dû s'inspirer du bouquin de Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, ?la soumission librement consentie?. On y apprend comment par certaines techniques (le pied dans la porte, l'amorçage)  on peut amener les citoyens à faire des choses qu'ils n'auraient jamais faites spontanément. Le théâtre n'est donc plus à l'abri des manipulateurs, ce que nous savions depuis longtemps, sauf qu'ici, la manipulation est quasiment institutionnalisée! Pourquoi pas! Mais encore faudrait-il que le metteur en scène Philippe Péhenn soit en mesure de nous faire réfléchir sur notre lien au théâtre dans une société de consommation.
Or, que fait-il? Il utilise les grosses ficelles du marketing si bien que les spectateurs ont passivement accepté de s'asseoir dans l'herbe pour voir un Shakeaspeare revisité. Où est donc le changement? C'est toujours plus de la même chose! Sauf que la Compagnie, en promettant d'intégrer une salle dans la revue ?Chut? du Théâtre de Cavaillon, joue finalement dehors. Rien ne change pour elle aussi. Or, quand l'art ne bouge pas les lignes, à quoi sert-il si ce n'est de produire du divertissement dont nous sommes quotidiennement abreuvés dans les médias. Tout ce barnum pour ça? Débat impossible puisque la Compagnie devance le public avec un sous-titre qui coupe court la discussion (?Beaucoup de bruit pour rien?).
Je me suis souvenu d'une soirée en mars 2005. Le chorégraphe Jérôme Bel présentait ?The show must go on? au Théâtre des Salins de Martigues. En interpellant directement le spectateur sur sa place, Bel provoqua un joli chahut et des protestations véhémentes. Nous débattions dans le théâtre, dans la rue. Jamais je n'avais vu cela: nous étions inclus dans le processus artistique.
Suite à cette soirée, j'ouvrais deux mois plus tard ce blog. ?Beaucoup de bruit pour rien? répondront certains!


Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? «Shakeaspeare. Beaucoup de bruit pour rien” par la Compagnie 26000 couverts a été joué le 12 octobre 2007 à la Scène Nationale de Cavaillon..
 

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Au Festival Actoral, Martine Pisani liquéfie les mots.

Le Festival Actoral donne rendez-vous pour ?Hors sujet ou le bel ici?, chorégraphie de Martine Pisani. Nous sommes à la friche Belle de Mai, à deux pas de l'association ?Marseille objectif danse?, partenaire de la soirée (et non coproducteur semble-t-il). Une cinquantaine de personnes attendent avant d'entrer dans la salle. Tout le monde se connaît. Le groupe prend forme sous mes yeux et c'est une valse de tapes sur l'épaule, de baisers furtifs ou appuyés, de sourires, et de propos politiques. Pour tout dire, je me sens décalé même si mon positionnement de blogueur (modeste passerelle entre artistes et public) me permet d’être dans un dedans-dehors. Il ne suffit donc pas d'un partenariat pour ouvrir et démultiplier le public. L'enjeu est ailleurs: comment la danse peut-elle se mailler avec d'autres lieux et disciplines pour s'élargir en attirant ces spectateurs qui ne franchiront jamais ces murs. La danse est un art fragile. Je ne suis pas sûr qu'elle puisse trouver la force de se régénérer quand elle a pour public ceux qui la financent, la diffusent et la produisent. D'autre part, la Friche peut-elle être un lieu de diffusion? Ville dans la ville, ses longs murs qui l'encerclent donnent l'étrange sensation d'un monde culturel peu à peu replié. Loin d'être au c?ur de l'underground, je me sens coupé de Marseille.
shoes1-Pisani.jpg

Toutes ces questions et observations m'habitent au cours de ce spectacle d'une heure. Le décalage ne s'estompe pas alors que des professionnels rient, là où je m'évade et inversement. Pas du tout sur la même longueur d’onde. Il faut dire que Martine Pisani brouille souvent les pistes avec son jeu de mots orchestré par trois danseurs (Christophe Yves, Théo Kooijman, Eduard Mont de Palol) au look désarticulé, aux accents du nord, du sud et du milieu. La scène semble être leur aire, mais à mesure de leurs tribulations, c'est ailleurs que tout se joue. Les textes se succèdent (de Paul Claudel à Shakespeare) et la danse se cherche entre mime, corps collés aux mots et sauts dans une eau imaginaire!

Trois bouts de cartons font office de décor et nous plongeons ensemble dans un espace flottant comme dans un liquide amniotique où les mouvements nous protègent des chocs entre les mots et les corps. Tout va très vite et nos trois danseurs démontrent tout leur talent pour passer d'un registre à un autre (du comique de situation, aux gestes désarticulés jusqu'au coup de sifflet final!) sans nous perdre en chemin. La force de ce spectacle est dans le processus de communication qui relie spectateurs et artistes pour explorer un champ artistique désordonné, mais porteur d'une vision quasi aérienne du lien entre corps et mots.
A l'enfermement du dehors, la danse répond souvent sur scène par de nouvelles ouvertures. Je ne peux que m'étonner que ce ?bel ici? soit ici. Hors sujet?

Pascal Bély www.festivalier.net

?Hors sujet ou le bel ici? de Martine Pisani été joué le 11 octovre 2007 à La Friche Belle de Mai dans le cadre du Festival ActOral.