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Geniève Sorin et son manège désenchanté.

20070520-212740-1Web.jpgLe Théâtre des Bernardines convie le public marseillais pour cinq représentations. « Cinq », la nouvelle chorégraphie de Geneviève Sorin est en haut de l'affiche. Quatre soli et un quartet final sont accompagnés par cinq morceaux d'accordéons joués par la chorégraphe en personne. Ce chiffre décliné à l'infini est un repère pour s'accrocher et ne pas sombrer. Je compte les plans-séquences, je cherche le moment de poésie qui va me propulser au-delà de ces solos sautillants, qui finissent par tourner sur eux-mêmes, comme des vieux manèges où les enfants décident de descendre, car le « pompon n'est jamais pour eux ». Tout n'est qu'anodin et cela use ma corde sensible : il n'y a dans ce quotidien routinier rien que la danse puisse apporter. Même quand les mots viennent à son secours, les corps brassent et lassent. Il est loin le temps où je m'ennuyais au théâtre. Ce n'est pas une sensation désagréable (on pense à tout et pour rien), on flotte sans vraiment couler, on scrute un détail (les touches de l'accordéon) puis on se laisse distraire par le portable lumineux de la voisine.
Ils passent ici et là et lassent. Où sont donc ces danseurs pour être à ce point absents ? Sont-ils happés par l'accordéon qui les essouffle à mesure qu'ils s'écartent et se replient. Ils sont cinq dans leur bulle ; il pourrait y neiger et nous chercherions à la secouer pour que cela soit joli. On y verrait bien débouler quelques danseurs et chorégraphes émergents de la scène marseillaise qui transformeraient la neige en pluie pour nous éclabousser comme nous le faisions enfant, juste pour faire sale et emmerder le monde.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Cinq» de Geneviève Sorin a été joué le 12 janvier 2008 au Théâtre des Bernardines à Marseille.
Crédit photo: Eric Boudet


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Lire la critique sur “3/4 face” de Geneviève Sorin.


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Bilan 2007 (5/5) : Onze institutions éclaireuses.

undefinedAvec plus de 125 spectacles vus en 2007, j'ai approché les institutions culturelles en France et quelques unes en Europe. Proposer un palmarès est un hommage à ces professionnels engagés qui, avec talent et détermination, accompagnent le spectateur dans des « entre-deux » salutaires et souvent périlleux.
Je salue « Le Sculpture Projetct » de Munster en Allemangne. Tous les dix ans, de nombreux artistes sont invités à y exposer leurs ?uvres (en extérieur) dans toute la ville. Accueil excellent, médiation passionnante, projet global qui relie l'art et la ville, professionnels accessibles. Inoubliable manifestation. Rendez-vous en 2017.

« Visa pour l'image » à Perpignan a frappé fort cette année. Même si l'accueil du public n'a pas toujours été à la hauteur, je salue la cohérence des expositions et l'engagement de cette manifestation à nous faire ressentir le monde tel qu'il est. Exceptionnel.
J'ai pour le « KunstenFestivalDesArts » de Bruxelles, une affection toute particulière. C'est l'un des rares festivals à afficher un projet artistique autour des valeurs du paradigme systémique. L'édition 2007 a quelque peu déçu ; il n'en reste pas moins un rendez-vous incontournable en Europe pour repérer les nouveaux courants de la création. Rendez-vous pris du 9 au 31 mai 2008.
Toujours en Europe, le festival pluridisciplinaire « Trama » à Porto en novembre dernier fut une belle expérience. J'ai vécu trois journées passionnantes dans une ville ouverte aux performances. « Trama » a un avenir européen. C'est inéluctable.

Retour en France avec « Montpellier Danse ». Ce fut de loin le meilleur festival cette année : cohérence de la programmation, qualité des propositions, prises de risque, excellence de l'accueil téléphonique, partenariat naissant avec la blogosphère. Heureux Montpellièrains quand on sait ce qu'il est advenu à « Danse à Aix » et ce que nous propose, ici
à Aix en Provence, les Ballets Preljocaj au «Pavillon Noir ».
Le Festival d'Avignon reste incontournable, même avec Frédéric Fisbach comme artiste associé. Mes différents palmarès le prouvent : Avignon rayonne sans toujours éclairer. Je regrette la détérioration du lien avec le public par un système de billetterie bureaucratique et inefficace. Je rêve que le « In » et le « Off » créent des passerelles tant ce mur devient incompréhensible.
A suivre…
Mention toute particulière au Festival de danse « Faits d'Hiver » à Paris pour son ouverture vers la blogosphère et la qualité de sa programmation. Elle offre une focale assez large en privilégiant les auteurs ? chorégraphes.


Côté théâtres dans les Bouches du Rhône et le Vaucluse, le bilan est beaucoup plus contrasté. Entre spectacles événementiels annoncés sur de jolies brochures où l’on parle d’art avec le langage des publicitaires, structures qui refusent de se concerter et proposent le même soir au même public de la danse, stratégies de repli de certains festivals vers des publics d'entreprise ou des thématiques réductrices et dépassées, enfermement de certains spectacles entre quatre murs où se donnent rendez-vous les professionnels de la profession, gestion de théâtres confiés aux mandarins locaux, le spectacle vivant a souffert en PACA. Je reste surpris par une vision souvent « régionaliste », conservatrice (où les clichés sur Marseille sont toujours vendeurs) et peu ouverte sur l'Europe ou le Monde. Les programmateurs voyagent-ils 
?

Dans ce contexte, saluons trois institutions dont le
Théâtre d'Arles qui nous a proposé une programmation lisible, ouverte, en privilégiant des ?uvres qui invitent à réfléchir sur le monde et ses soubresauts. Si la saison 2006-2007 du Théâtre des Salins à Martigues fut exceptionnelle, il en est tout autrement pour celle en cours. Un virage à 180° incompréhensible si ce n'est pour répondre “aux attentes du public” au détriment d'une cohérence et de vraies prises de risque dans une région qui en aurait besoin. 

Le Théâtre de Cavaillon a eu une programmation en
phase avec son territoire : entre ses virées « nomades », ses liens étroits avec le Festival d'Avignon et les Hivernales, il nous a offert une saison ouverte aux quatre vents ! C'est souvent percutant, parfois déjà vu (notamment quand il reprend ce qui s'est joué en Avignon) et quelquefois tourbillonnant tant on y perd le sens ! N'empêche, Cavaillon est une scène incontournable en PACA. Comme une espèce d'oiseau qu'il faut protéger
.Côté volatile, je m'y connais?
Mention toute particulière au Festival Actoral à Marseille qui, sous la direction d’Hubert Colas, nous a offert un théâtre en phase avec l’époque par son approche pluridisciplinaire.


Pascal Bély
www.festivalier.net

Photo: oeuvre de Sophie Dubosc (rideau en plâtre présenté au “Printemps de Septembre” à Toulouse).

Bilan 2007 (5/5): onze institutions éclaireuses.


1- Le Sculpture Project de Munster. Allemagne.
2- « Visa pour l'image ». Perpignan. France.
3- Le KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.
4- Festival Trama. Porto. Portugal.
5 – Théâtre d'Arles. France.
6- Festival Montpellier Danse. France.
7- Festival d'Avignon. France.
8- Festival « Faits d'Hiver ». Paris. France.
9- Festival Actoral. Marseille.France.
10- Théâtre des Salins. Martigues. France.
11- Théâtre de Cavaillon. France.

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Bilan 2007 (3/5): dix ?uvres d’une drôle d’époque.

Ils se sont donc emparés de notre époque pour nous en offrir une lecture décalée, parfois drôle, souvent émouvante.
undefinedAriane Mouchnkine a fait l'événement l'été dernier au Festival d'Avignon, avec « Les éphémères ». Plus de six heures trente d'un voyage au c?ur d'un lien social, de plus en plus invisible médiatiquement, mais mis en lumière par le Théâtre du Soleil avec poésie. Sans aucun doute, le spectacle le plus authentique, car le plus résonant. Inoubliable (voir photo).
D'autres créateurs ont décrit notre époque avec des angles inattendus, telle Éléonore Weber qui s'est penché avec tact sur les sombres humeurs des trentenaires avec « Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine » ou Galin Stoev avec « Genèse nº 2 » posant la question du religieux avec une belle insolence. Quant au chorégraphe Alain Buffard, « Not a love song » résonne particulièrement en ces temps de peopolisation de la vie publique. Bien vu ! Quant à Aurélien Bory et Pierre Rigal, ils nous ont offert un regard décalé et intelligent sur le football, sport omniprésent médiatiquement, mais subitement vulnérable avec « Arrêts de jeu ». Bien joué
 !
Notre époque invente peu dès qu'il s'agit des jeux de pouvoir. François Rancillac l'a subtilement restitué avec la pièce de Jean-Luc Lagarce, « Retour à la citadelle ». Moments inoubliables où fonctionnaires et politiques jouent les mêmes jeux, mais dans une « cour » différente ! Le pouvoir fut d'ailleurs au c?ur de « l'acte inconnu » de Valère Novarina joué dans le Cour d'Honneur au Festival d'Avignon. Scènes d'anthologie où les mots déconstruits célèbrent le pouvoir du théâtre sur l'éphémère rationalité de la culture médiatique. Jubilatoire !
Les mots peuvent tuer surtout s'ils sont mis en mouvement par les chorégraphes et performeuses Brigitte Seth et Roser Montllo !  En s'inspirant des textes de Max Aub sur le crime dans « Epilogos, confessions sans importance » , elles ont traduit le climat quelque peu délétère d'une époque ou tuer serait peut-être l'une des activités les plus répandues?Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier avec « Hedda Galbler », roman  du norvégien Henrik Isben écrit en 1870, a subtilement adapté cette tragédie où la concurrence entre les acteurs trouve une résonance particulière dans nos sociétés où le culte du chacun-pour-soi envahit la sphère politique, économique et sociale.
Mais la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin est revenue en France pour nous rappeler la fragilité de nos sociétés tant que le sida continuera à décimer l'Afrique. Lors de Montpellier Danse, elle engagea avec le public, un marathon chorégraphique pour réveiller notre attention sur l'épidémie. Sid'amour à mort
.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Bilan 2007 (3/5): 10 ?uvres d'une drôle d'époque.


En cliquant sur le titre en bleu, vous avez accés à l’article.

1- Théâtre du Soleil.  Les Ephémères“. Festival d’Avignon. France / Théâtre.
2-
Alain Buffard. «Not a love song ».  Montpellier Danse. France / Théâtre ? Danse.

3- François Rancillac. « Retour à la citadelle ». Théâtre de Cavaillon. France / Théâtre.

4- Thomas Ostermeier. « Hedda Gabler ». Théâtre de la Criée de Marseille. Allemagne / Théâtre.

5- Valère Novarina. « L'acte inconnu ». Festival d’Avignon. France/ Théâtre.

6- Brigitte Seth et Roser Montllo. « Epilogos, confessions sans importance ». Festival Faits d'Hiver.
France / Théâtre ? Danse.

7-
Robyn Orlin. « We must eat our suckers with the wrappers on? ». Montpellier Danse. Afrique du Sud / Théâtre ? Danse.

8- Pierre Rigal et Aurélien Bory. « Arrêts de jeu ». Festival de Marseille. France / Danse.

9- Galin Stoev. « Genèse n°2 ». Festival d'Avignon.  Belgique / Théâtre.

10- Eléonore Weber. « Rendre une vie vivable n'a rien d'une question vaine ». Festival d'Avignon. France / Théâtre.
 

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Bilan 2007 (2/5) : Les dix ?uvres d’un patrimoine chorégraphique.

Maguy-Marin-1.jpgCes dix ?uvres furent essentielles en 2007. Elles tissent la toile fragile d'un patrimoine chorégraphique d'où se dégage un humanisme qui donne sens à notre quête d'absolu dès que nous entrons dans un théâtre.
« May B » de Maguy Marin (cf. photo) a repris la route en 2007 après avoir été créée en 1981. Avec cette pièce intemporelle, la danse nous invite au c?ur de l'humanité pour continuer à défendre la « terre patrie » si chère à Edgar Morin.  Je ne peux m'empêcher d'y voir une filiation avec la compagnie « Kubilaï Khan Investigations » qui nous a offert avec « Gyrations of barbarous tribes », l'une des ?uvres les plus puissantes pour redessiner les contours d'un monde dépassant les clivages nord-sud. C'est ainsi que la danse puise dans l'humanité une force pour créer les ponts entre l'orient et l'occident qu'Héla Fattoumi et Eric Lamoureux ont traduit avec talent dans « La danse de Pieze », puis Joseph Nadj et Dominique Mercy dans « Petit psaume du matin ».
De son côté, le Festival Montpellier Danse a opéré pour les générations futures, une transmission essentielle en programmant un hommage à Dominique Bagouet puis en diffusant « Meinwärts » de Raimund Hoghe. Le sida s'est donc invité en 2007, sans tapage, mais avec la ferme intention de rappeler sa place dans l’histoire de la création chorégraphique.

2007 a permis à quatre chorégraphes de dépasser la frontière entre le beau et le sublime comme une invitation pour le spectateur à se surpasser. Tandis qu'Anne Teresa de Keersmaeker avec « Steve Reich Evening » nous propulsait au c?ur de la musique chaotique de Steve Reich,  Paco Décina avec « Indigo » nous proposait une itinérance pour explorer le corps dansé. Fulgurant ! Magnifique pari d'avoir su faire confiance au lâcher-prise du public pour le laisser se “trans-porter” !
Dans la même veine, Gilles Jobin avec « Double-Deux » nous immergé dans le couple, sans jamais nous y enfermer, mais pour nous y inclure. Majestueux
.

Christian Rizzo
avec « B.c, janvier 1545, Fontainebleau » n'est pas seulement un chorégraphe. C'est le plasticien de l'inconscient. La danseuse Julie Guibert nous a tous « trans-percés » avec ses talents aiguilles. SUBLIME.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Les 10 ?uvres d’un patrimoine chorégraphique.

 
En cliquant sur le titre en bleu, vous avez accés à l’article.

1- Maguy Marin. « May B ». Festival « Danse en Mai ». Aubagne. France.
2- Anne Teresa de Keersmaeker. « Steve Reich Evening ». Théâtre de Cavaillon. Belgique.
7- Raimund Hoghe. « Meinwärts ». Montpellier Danse. Allemagne.
9- Gilles Jobin. « Double deux ». Montpellier Danse / Marseille Objectif Danse. Suisse.
10- Kubilaï Khan Investigations. « Gyrations of barbarous tribes ». Théâtre des Salins. France.

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Bilan 2007 (1/5): les chocs salutaires de dix chefs d’?uvre.

fivedaysinmarch.jpg120 spectacles, dix festivals, des milliers de kilomètres en France et en Europe pour faire vivre ce blog et rendre visible sur la toile internet la richesse de la scène française et européenne. 2007 fut une année difficile: festivals en panne de projet, institutions culturelles dépendantes de l'audimat, création française égocentrée. Il en aura fallu de l'énergie pour repérer un souffle, un nouvel espace, une interpellation !

Commencons ce bilan par dix chocs, ceux qui vous assomment à la sortie du théâtre et qui vous changent de l'intérieur en opérant ce « ce pas de côté » vital en ces temps de matraquage de la pensée formatée par nos chères grandes écoles.
Dix chocs pour riposter au dépeçage de nos valeurs commandé par Nicolas Sarkozy et sa bande de malfaisants.

Dix chocs?
?Pour célébrer le CHEF D'?UVRE de l'année : le chorégraphe japonais Toshiki Okada avec « Five Days in March » (voir photo). Avec un propos intelligible sur la guerre en Irak vue par la jeunesse et une écriture chorégraphique époustouflante, j'ai repéré un joyau d'humanité au c?ur du KunstenFestival de Bruxelles. Programmateurs Français, dépêchez-vous d'inviter cet artiste hors du commun !
?Pour ne pas oublier qu'un coup d'État (fasciste) est toujours possible (magnifique
Guy Cassiers avec « Méfisto for ever ») ; que nos démocraties vendent encore des armes pour équiper les enfants soldat (inoubliable Benjamin Verdonck dans « Nine Finger »)

?Pour se ressaisir et réinventer la gauche du « temps des communistes » par la mise en scène jubilatoire de
Jean-Pierre Vincent.

?Pour interroger notre mémoire contemporaine au temps du sida (inoubliable « Angels in América » de
Warlikowski) et à travers la généalogie fabuleuse d'Eszter Salamon (« And Then »).

?Pour ressentir la mondialisation intelligente avec
Jérôme Bel et Pichet Klunchun puis pour s'en inquiéter avec Koen Augustijnen dans « Import Export ».

?Pour voir Marseille autrement avec
Yves-Noël Genod  et ne plus en être fier.

?Pour ne jamais oublier la danseuse
Julie Guibert
.

Les palmes 2007 du Tadorne.


En cliquant sur le titre en bleu, vous avez accés à l’article.


1- Toshiki Okada. « Five days in March ».KunstenFestivalDesArts de Bruxelles. Japon. Théâtre ? Danse.

2- Jérôme Bel. « Pichet Klunchun and myself ». Théâtre des Salins de Martigues. France / Thaïlande. Théâtre ? Danse/
4- Jean-Pierre Vincent.  Le silence des communistes“. Festival d’Avignon. France. Théâtre.
5- Guy Cassiers. « Mefisto for ever ». Festival d’Avignon. Belgique.Théâtre.
7- Ballets C de la B. Koen Augustijnen. « Import ? Export ». Théâtre d'Arles. Belgique. Danse.
8- Benjamin Verdonck, Alain Platel, Fumiyo Ikeda . Nine Finger“. Festival d’Avignon. Belgique.Danse.
9- Yves-Noël Genod. ?Monsieur Villovitch?. . Festival Actoral. Marseille. France. Danse.
10- Stijn Celis et Julie Guibert. « Devant l'arrière pays ». Festival d'Avignon. Belgique. Danse.


Pascal Bély
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Le « Solo » attractif de Philippe Découflé.

J'aurais pu m'extasier pour le « Solo » de Philippe Découflé présenté à la Maison de la Culture de Grenoble. Bien que le texte donné à l'entrée récapitule les nombreuses louanges de la presse écrite (du Figaro à Libération !),  je ne partage pas l'unanimité pour ce spectacle, excellent produit d'exportation si l'on en juge par la tournée internationale de 2007.
12-solo.jpgCette vision du corps ne fait pas partie de ma culture. L'outil vidéo, omniprésent, décompose, décuple à l'infini le geste, et me plonge dans le vide. La caméra structure le ressenti du spectateur, réduit la focale de son regard, cadre la forme là où l'on aurait envie d'interroger le sens. Découflé est talentueux pour projeter la pauvreté de son écriture chorégraphique vers des espaces inattendus.
À plusieurs reprises, l'enfermement gagne puis l'ennui à force d'imaginer une porte qui s'ouvre difficilement. Il faut attendre ce moment où, assis à sa table, il mime avec ses doigts une chanson de Bourvil et provoque la jubilation du public habitué jusqu'à présent à se laisser porter.
Ce « Solo » est en phase avec notre société du spectacle : mélange de nostalgie, de visions égocentrées, où la danse se noie dans un enchevêtrement de technologies. Ne finit-elle pas promouvoir l'imaginaire formaté des parcs d'attractions?

Pascal Bély
www.festivalier.net

 ?????? « Solo» de Philippe Decouflé a été joué au MC2 de Grenoble le 21 décembre 2007.


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A Marseille Objectif Danse, Gilles Jobin découple.

Tel un magma, ils sont douze à surgir et rugir sur la scène de la Cartonnerie, à la Friche Belle de Mai de Marseille. Ce tableau final me laisse sans voix, quasiment frigorifié alors que le maigre public marseillais quitte les gradins. Le couple, vu par le chorégraphe Suisse Gilles Jobin avec « Double deux », est en dé(re)composition. Il nous abandonne seul avec cette « matière » difforme. Et pourtant, tout avait si bien commencé.
16-3.jpg
Les danseurs se croisent sur la musique fabuleuse de Cristian Vogel et leurs mouvements sont d'une apparence douceur. Ils se jettent souvent au sol, mais sans bruit, léger comme un désir de rencontre, lourd comme l'espace confiné de leurs exigences. Le tout donne une énergie enveloppante, sécurisante, car profondément humaine. Tout est suspendu à la rencontre, où se fait et se défait le lien si fragile de la séduction. Tels des aimants – amants, ils s'emboîtent pour mieux se séparer et finissent par laisser des traces qui forment la toile de leurs relations, où l'un n'existe que dans le désir de l'autre. Je me ressens en apesanteur et mes nerfs lâchent, pris dans leur réseau virtuel. Je flotte malgré les baffes qu'ils se donnent tant elles claquent comme un acte sensuel, à la limite du sado-masochisme présent dans tant de couples !
A l'image d'un « rubicube », mon regard s'amuse à faire toutes les combinaisons possibles (le blond avec la brune, ou plutôt celui-ci avec celle-là). Je désire chacun d'eux dans leur relation et je finis par plonger dans cet univers transversal. Il faut attendre la pose pour que je me recale sur mon siège : nos six couples s'immobilisent comme dans une salle d'exposition d'art contemporain. Leurs postures ne permettent aucune équivoque sur leurs intentions. Je ne bouge plus. C'est d'une extrême beauté. Gilles Jobin nous laisse le temps pour s'immiscer dans cet espace: il ne brusque rien comme s'il fallait apprivoiser cette quasi- immobilité, métaphore de nos peurs, de nos mécanismes huilés et pourtant rouillés.
10.jpg
C'est alors que ces « double deux » éclatent.  La colère et le cri (silencieux) accompagnent le ralenti des mouvements. Le groupe se forme peu à peu et
le frisson du désespoir, se propage sur ma peau.
Pendant que les lumières s'éteignent une à une, j'ai peur pour l'humanité.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Double deux» de Gilles Jobin a été joué le 8 décembre 2007 dans le cadre de “Marseille Objectif Danse”


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.
La critique de “Double deux” par Elsa Gomis sur “Le Tadorne”


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Au Théâtre de Cavaillon, le cocktail Molotov de Lagarce résonne.

retour-a-la-citadelle.jpgLe metteur en scène François Rancillac prend le public du Théâtre de Cavaillon par surprise. A l'issue de « Retour à la citadelle » de Jean-Luc Lagarce, les applaudissements peinent à venir, comme si les spectateurs avaient du mal à saluer le miroir qui leur est tendu. Cette pièce nous renvoie à nos jeux de pouvoir dans une période où sa forte personnalisation au plus haut niveau de l'État nous ferait presque oublier les manipulations et les révérences qui ponctuent nos quotidiens au sein de nos institutions. Rancillac nous donne les clefs pour comprendre ce que nous réduisons habituellement à des jeux où nous n'aurions aucun rôle.

Rarement une pièce ne m'a autant suspendu par le sens, là où tant d'?uvres guident le spectateur vers des effets scéniques qui n'autorisent aucun questionnement. Ici, le théâtre bouscule les formes pour servir le sens. Tourbillonant. Quitte à paraître provocant, ce « retour »  là vaut bien des « Hamlet » prétentieux et ratés.

retouralacitadelle-remi-boissau-1.jpgDans « Retour à la citadelle », le pouvoir d'un homme (qui revient mystérieusement dans la province, mais en habit de futur gouverneur) est le fruit d'un système qui échappe aux rationalités (est-ce pour cela que nous ne connaissons jamais les raisons par lesquelles il accède à cette fonction ?). Cet homme est attendu, lors d'un cocktail, puis d'un dîner où ses parents, sa s?ur, l'ancien gouverneur et sa femme, un fonctionnaire zélé et un ami d'enfance (ignoré tel un rejeton) prennent chacun la parole pour nous donner les ressorts de cette mystérieuse ascension. François Rancillac nous montre par un jeu d'acteur habile (quand l'un parle, les autres illustrent non verbalement la stratégie implicite) comment le pouvoir est la conséquence d'un enchevêtrement de rancoeurs familiales, d'un fonctionnariat servile et d'une « démocratie » autocratique. Cette pièce est une caisse de résonances où je souris à mesure que je transpose à mon milieu professionnel. C'est euphorisant à l'image de cette scène qui tourne sur elle-même. Je me surprends à diriger les acteurs, tel un chef orchestrant la symphonie des mots de Lagarce !
C’est ainsi que le triptyque auteur, metteur en scène, spectateur s'anime, où le pouvoir de l'un est interdépendant du regard de l'autre. « Retour à la citadelle » traduit l'écoute presque clinique de Lagarce sur les névroses de ses contemporains, mises en mouvement par François Rancillac qui les renvoie au public. À nous trois, nous partageons un espace de réflexion, de mise à distance sur ce que nous jouons. Ce n'est pas un hasard si « Retour à la citadelle » provoque autant de sidérations.
Ce soir, le sens est coconstruit.
Ce soir, le Théâtre vient de fourbir ses armes face au pouvoir des petits hommes.

 

 

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? ?Retour à la citadelle? par François Rancillac a été joué le 30 novembre 2007 au Théâtre de Cavaillon.


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Voir aussi la critique sur “La cantatrice chauve” mise en scène par Jean-Luc Lagarce.


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Rita Cioffi, chorégraphe charnelle.

« Pomme 33 », le nouvel opus de la compagnie Aurélia, éveille nos sens, nos désirs et nos fantasmes. Car, disons-le tout de suite, la danse de Rita Cioffi est charnelle. C’est une invitation au corps de l’autre, à l’envie. Mettant au centre de son propos l’influence d’internet sur nos relations humaines, elle explore les multiples facettes de l’homme.
Tout d’abord, l’ado qui s’amusait, il n’y a pas si longtemps devant le miroir de sa chambre à singer des vedettes, se retrouve placé devant son ordinateur portable à “re”danser le “The Man I love” de Pina Bausch. Et puis, il y a l’homme qui égraine les annonces de rencontres ou toutes autres : “Jeune femme de 40 ans recherche adjoint à la culture pour être plus intelligente“, “Jésus recherche sa croix“. Tant de confidences qu’illustre le danseur par son corps. Le public en rit, s’en amuse. Et s’il en rit, c’est que le fond est vrai. Puis on glisse gentiment vers les fantasmes, avec l’envie de nouvelles expériences, par l’intermédiaire de la webcam. Et l’illustration qui en est faite par le biais de la vidéo à toute sa place.
Comme si on ouvrait des dossiers, Claude Bardouil apparaît alors, le corps nu, la tête cachée. Il est lui, il est elle, il est nous. Il est l’avatar que chaque personne détient, le personnage virtuel d’internet. Il se décline, il est un et plusieurs. Son “Rester vivant” de Michel Houellebecq résonne à son personnage. Nos sommes alors dans la nébuleuse internet, où tout un chacun peut être autre, où moi je suis un. Et si je suis un, qui suis-je ?
Rita Cioffi va nous répondre. Nous sommes tous une autre personne. Nous nous plaisons à changer d’identité, à nous travestir. Chaque être qui nous forme correspond à une attente, à l’attente de l’autre. “
Je prends le pseudo de Super Salope, et pleins de contacts se manifestent“, c’est Rita qui le dit, ou bien quelqu’un d’autre. Une sorte d’addiction s’est installée avec mes contacts qui ont pris vie sous mes yeux.
Mais, la lumière se rallume, le public, composé en grande partie de jeunes gens, applaudit. Je suis totalement dévasté, éreinté et cette invitation au corps est présente. Pari réussi pour « Pomme 33 ». Et je reste abasourdi lorsque, à côté de moi, une jeune fille active son portable pour vite se connecter avec l’extérieur…


Laurent Bourbousson.

 ?????? « Pomme 33 » a été joué au Théâtre du Périscope de Nîmes les 16 et 17 novembre 2007.

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Pour en savoir plus:
La critique de “Pas de deux” de Rita Cioffi.

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Guy Alloucherie mine La France avec son passé. Fatigue.

Le Théâtre des Salins de Martigues est quasiment complet. Le public des écoles et des collèges est en nombre, autant dire que notre avenir se joue aussi là. J'aurais aimé les entendre à l'issue de « Base 11/19 » par la Compagnie Hendrick Van Der Zee, mise en scène par Guy Alloucherie. Que peuvent-ils bien penser d'un futur qu'on ne leur promet pas ?
Christophe-Raynaud-de-Lage05.JPGDepuis quelques jours, une phrase revient en boucle dans mon environnement professionnel. À chaque idée d'ouverture visant à créer de l'intelligence collective (croyez-moi, ce n'est pas un concept flou, mais un enjeu vital pour nous tous), toujours la même réponse : « non, ce n'est pas possible », « si cela ne vient pas du politique, je ne l'initierais pas », « sans moyen, rien n'est envisageable ». C'est ainsi que les murs s'érigent, pour se protéger, en dehors de tout espace relationnel où la créativité pourrait émerger par la communication. Le repli prend forme, les cases s'agrandissent, l'émiettage peut perdurer. Et la France continue de s'isoler en Europe. Inutile de compter sur Guy Alloucherie pour délivrer un message d'espoir. Inutile. Cet homme ne fait pas le deuil d'une certaine France (celle des mines du Nord) où le patriarcat patronal et le syndicalisme de masse figeaient les relations sociales dans le marbre. Où la vie, c'était la mine. Où le rapport de force, l'unique manière d'entrer en interaction. Il n'a pas fait le deuil de sa séparation avec le metteur en scène Éric Lacascade, avec qui il co-anima dans les années 80 la compagnie Ballatum Théâtre.
Christophe-Raynaud-de-Lage04.JPG« Base 11/19 » s'appuie sur un groupe de jeunes danseurs, trapézistes débordants d'énergie, mais qui sont plombés par une scénographie et un propos déjà entendu. La terre recouvre tout le plateau et les empêche de s'élever, de donner toute la mesure de leur puissance malgré une chorégraphie aussi pauvre qu'un tract. Elle les enterre, métaphore q'une France qui s'emmure dans une nostalgie, à la recherche de sa gloire perdue pour cloîtrer sa jeunesse dans une vision du progrès d'une autre époque. Les interventions de Guy Alloucherie ne cessent, tout au long du spectacle, de nous plomber : ses anecdotes et son sourire en coin nous replie toujours au temps triomphant de la mine comme pour s'excuser d'occuper un terrain minier où est installée sa compagnie. Des extraits de textes sociologiques et politiques sont lus avec un débit de mitraillette, à l'image des discours de l'extrême gauche où le ton empêche l'émergence du moindre espace de dialogue. Dans « Base 11/19 », on me parle comme si je ne pensais pas, comme si le corps des danseurs ne suffisait pas. On me bombarde, pour que cela entre. Cela doit entrer. C'est ainsi que tout se noie dans une orgie de messages illisibles positionnant le spectateur dans une incapacité à relier par lui-même !

« Base 11/19 » n'assume rien et le dernier tableau me fige radicalement. Subitement, ils sont trois à occuper la scène pour quelques exercices de sauts. C'est un joli numéro, au demeurant. L'avenir pour Guy Alloucherie est-il là ? Il promet à cette jeunesse déboussolée, une société du spectacle où le sens se perd à partir de la performance physique, valeur du capitalisme triomphant. C'est ainsi que les spectateurs (piégés ?) applaudissent cette pièce sans propos et sans perspectives.
Je repense aux Ballets C. de la B. qui, une semaine auparavant, avec « Import Export » donnait au public d'Arles les clefs pour comprendre le monde qui nous attend. Nous étions loin d'une vision passéiste, égocentrée.
Les jeunes de Martigues auraient mérité de rencontrer ce collectif flamand pour avoir le courage plus tard d'abattre les murs pour se promener sur les passerelles créées par les liens humains.

 
Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Base 11/19 » de Guy Alloucherie a été joué le 27 novembre 2007 au Théâtre des Salins de Martigues.

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Crédit photo: © Christophe Raynaud de Lage.