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Retour aux sources avec Odile Duboc.

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La chorégraphe Odile Duboc n'est plus. Une de ses ?uvres, ?Rien ne laisse présager de l'état de l'eau” m’avait bouleversé en 2008. Je me souviens des lumières de Françoise Michel et de l'état « liquide » dans lequel je me trouvais alors?Inoubliable?Cette danse sensible et éclaireuse va me  manquer?

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=1y-MoupGe44&w=402&h=323]

Rarement la rédaction d'un article ne m'a autant impressionné. Intimidé, j'écris à partir de ma confusion, sans trop savoir où j'évolue. ?Rien ne laisse présager de l'état de l'eau?, d'Odile Duboc, chorégraphie créée en 2005, est un spectacle pétri d'incertitudes car il interroge nos certitudes. Où va-t-on avec elle, avec eux? Ce titre est une musique qui trotte dans la tête, un air fragile et engagé qui, après une journée de travail épuisante, donne la force de dépasser sa fatigue pour se rendre au Pavillon Noir d'Aix en Provence.
J'y entre, je m'assois et je ne bouge plus. Je reste figé pendant une heure. À leur arrivée, ces dix danseurs sont loin ; je perçois à peine leur visage, mais leur corps s'impose. La scène rouge, légèrement pentue, est l'espace d'une course individuelle où les habits tombent puis changent telle une combinaison de couleurs d'un dessin animé. Ils stoppent. Le groupe, éclaté, fait fusionner les corps avec le sol comme une matière organique qui se mélange à la terre. Mon regard se fond avec eux. Je résiste pour comprendre la mécanique de ce fluide qui se répand. Je contrôle pour figer, pour découper. Il faut lâcher l'intellect sinon rien n'entrera.

C'est alors qu'ils s'avancent, deux par deux. L'un soutient l’autre qui finit par se liquéfier pour tomber à terre. Le mouvement se répète. Je glisse. Mon regard fuit, fixe, balaye, malaxe comme cette matière qu'Odile Duboc réinvente, telle une plasticienne. Une légèreté m'envahit. C'est magnifique comme un tableau de la renaissance; sublime quand ils cheminent hésitants, habités d'une force collective, échappés d'une scène de ?May B? de Maguy Marin. Progressivement, avec peu de mouvements, Odile Duboc transforme le corps en ?uvre d'art, aidée par les jeux de lumière emprunts de religiosité de Françoise Michel. Elle multiplie les petits espaces où les couples sont statues, où le groupe se sculpte pour se mettre en dynamique. L'immobilité devient alors un fluide corporel qui se propage au collectif. Magnifique. C'est ainsi que je change de territoire, où la scène est le liquide amniotique de mon imaginaire, où les hommes dansent comme des centaures, où l'animalité et l'humanité fusionnent et finissent par fluidifier mon regard alors que je voulais conceptualiser. Avec cette ?uvre, les affects sont à distance et me permet d'interroger mon rapport au corps.
Le talent d'Odile Duboc est de nous plonger dans les valeurs collectives du groupe comme espace du corps signifiant. Il n'y a rien de révolutionnaire dans le propos, mais cette interpellation est une cure de jouvence. Au cas où nous aurions oublié que le corps n'est pas une marchandise.
Même si cela coule de source.

 

Pascal Bély
www.festivalier.net

“Rien ne laisse présager de l’état de l’eau” d’Odile Duboc a été joué le 28 février 2008 au Pavillon Noir d’Aix en Provence.

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Avec Mathurin Bolze, j’aurais bien pris la tangente?

Dans le cadre du festival des Hivernales d'Avignon, le 30e du nom, la Scène Nationale de Cavaillon accueille « Tangentes » de Mathurin Bolze pour deux soirées. Circassien reconnu, le public a pu le découvrir avec sa fabuleuse pièce « Fenêtres » présentée dans ce même lieu en 2005.
Ayant croisé le chemin de François Verret avec l'oubliable « Sans Retour », Mathurin Bolze propose avec « Tangentes » un endroit (?), juste au point de fuite entre la stabilité et ce qui file vers un infini, à la rencontre du frontal et du circulaire, à la jonction de l'acrobatie circassienne et de la théâtralité ».
tangentes1.jpgDans une cage en verre, l'un des protagonistes nous dit et redit une phrase en préambule au spectacle. Le public continue à entrer, tandis qu'il continue à parler. Le dispositif, un bidonville, sert d'espace de jeu.
Après les recommandations d'usage (portable éteint, nourriture interdite), énoncées par cet interprète, la lumière finit enfin par s'éteindre et j'oublie cette phrase de Blanchot, avec « OT ».
Dés les premières notes de musique d'Akosh S., le sérieux de « Tangentes » fait voler en éclat la poésie que je souhaitais. Je suis le spectateur d'une succession de tableaux, d'histoires de gens, qui se croisent, s'entrecroisent, s'entraident, se détestent. J'essaie de me raconter leur passé, leur envie, leur désir. L'utilisation de bribes de texte ne sert pas, mais ne dessert pas non plus ce qui se joue entre les quatre circassiens.
Mais, il y a quelque chose, un « je ne sais quoi » qui m'empêche de partir avec eux. Certes, c'est esthétiquement beau. Mais c'est tout. J'essaie de prendre du recul, histoire d'analyser ce qui se trame. Réflexion faite : il ne se passe rien.
Le discours de « Tangentes » se perd dans des effets de style acrobatique. Ce qui aurait pu être une ode à la furieuse envie de vivre se transforme en un spectacle d'acrobatie.
J'aurais dû prendre la tangente.

Laurent Bourbousson.
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?????? « Tangentes» de Mathurin Bolze a été joué les 21 et 22 février 2008 à la Scène Nationale de Cavailon dans le cadre du Festival “Les Hivernales” d’Avignon.

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Le bel art migrant d’Eva Doumbia.

Pour cause de travaux, le Théâtre des Bernardines vagabonde, émigre pour finalement trouver refuge au Merlan. Il n'y a pas foule et le brassage entre les spectateurs du centre ville et ceux des quartiers nord de Marseille ne se fait pas. Et pourtant, « Exils4 » mise en scène par Eva Doubia pourrait relier les publics de ces deux institutions marseillaises. Où sont les frontières qui bloquent  ces migrations?
fr_1192028995_0421.jpg« Exils4 » est un beau travail, honnête, sensible, accueillant. Pour évoquer la profondeur du migrant et sa complexité sans tomber dans les clichés, Eva Doumbia a tissé sur scène une jolie toile faite d'enchevêtrements de langages artistiques. L’identité de l’émigré ne peut se réduire à une étiquette, car c’est un processus « avec une temporalité, des allers-retours, des moments où on est plus ceci, des moments où on est plus cela, tantôt plus près d'un monde, tantôt plus près de l'autre? » comme le souligne,
lors d'une vidéo projetée au cours du spectacle, Marie-Rose Moro, psychiatre de l'enfant et de l'adolescent.
fr_1192029229_3232.jpgElles sont donc trois sur scène pour traduire ce processus et incarner cette femme française, fille d'immigré, à la recherche de son identité. Trois comme un tryptique qui se déploie, se referme puis s'ouvre dans un mouvement qui trouve son énergie dans la danse enragée de Sabine Samba, sa profondeur dans les témoignages vidéos et sa beauté picturale dans les gestes de cette tante retrouvée, restée là-bas. « Exils4 » tangue entre poésie (magnifique texte d'Aristide Tarnagda), tendresse, rires et colères pour donner une âme à trois objets « flottants » (une chaise et ses barreaux, la valise et ses roulettes, la bassine et sa mousse débordante) qui font lien entre elles et nous. Trois objets mouvants pour bouger notre regard sur l'émigré et faire vaciller nos certitudes. Car tout est mouvement, pas de côté, décalage dans la mise en scène d'Eva Doumbia, proche d'un acte thérapeutique qui soignerait les névroses d'une France gangrénée par vingt années de propos racistes et de politiques disqualifiantes envers l'émigré. Elle nous guide avec délicatesse pour changer de regard afin de nouer avec les migrants d'autres liens pour qu'ensemble nous coconstruisions cette société métissée qui n'a plus rien à voir avec celle des années 60.
Il faut considérer ?Exils4? comme un ?théâtre documentaire? qui avec tact, réussit à métamorphoser le drapeau français en mer de ballons ?bleu-blanc-rouge?. De les voir ainsi submerger le plateau, on rêve de jouer avec, d'ouvrir les portes du théâtre pour qu'ils s'échappent.
Le Merlan et Les Bernardines n'ont plus qu'à migrer ensemble pour retrouver le public métissé de Marseille.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? « Exils4» d’après Aristide Tarnaga et mise en scène par Eva Doumbia a été joué le 19 février 2008 au Théâtre des Bernardines en migration au Théâtre du Merlan.

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David Wampach et ses quatorze ans.

Il y a foule au Centre de développement chorégraphique de Toulouse pour le dernier spectacle du festival « C'est de la danse contemporaine », « Quatorze » de David Wampach. Son curciulum vitae est impressionnant et il bénéficie d'une excellente réputation s'il l'on en croit ses financeurs et son public composé de professionnels de la profession.
wampach01.jpg Curieux, nourri du quatuor de Sylvain Prunenec vu la veille, je me sens prêt pour entrer, divaguer et me laisser porter. Ils sont quatre, parés d'une seconde peau si transparente et opaque qu'ils paraissent tout à la fois statufiés et altérables. Deux garçons, deux filles se métamorphosent dans une partie de cache- cache où la scène est à la fois coulisse, terrain de jeu, abri maternel et cachette pour des ébats amoureux. Les rires, les pleurs et les cris envahissent l'espace sonore: on ne voit plus qu'eux, mais je n'entends rien, pas la moindre musique du sens. J'observe de dehors ce manège puéril, ce jeu subtil de lumières, ces émotions brutes et je finis par m'interroger. Ce chorégraphe ne devrait-il pas travailler autrement ses peurs et ses fantasmes d'adolescent pour que « Quatorze » m'intéresse ?
Qu'aurais-je dû lâcher pour ressentir ce quatuor ? Après dix années de travail d'analyse, je ne vois toujours pas. C'est inquiétant mais je ne compte pas aller jusqu'à quatorze ans.

Pascal Bély
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?????? “Quatorze” de David Wampach” a été joué le 16 février 2008 dans le cadre du festival “C’est de la danse contemporaine”.

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Sur le  festival “C’est de la danse contemporaine” de Toulouse, c’est ici.

 

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“About You” de Sylvain Prunenec: une révélation.

C'est le plus vieil édifice religieux du sud-ouest, construit sur une nécropole gallo-romaine du IVe siècle. L'église « Saint-Pierre des Cuisines » à Toulouse est un lieu magnifique, doté d'un auditorium et d'une belle scène où se projettent au sol à travers les vitraux, les lumières de la ville. À peine entré, je flotte déjà entre passé et modernité, art et spiritualité. Le sens se cacherait-il ici ?  
parisart-15-Pompi-AboutYou-03G-21159.jpgÀ peine commencé, « About you » de Sylvain Prunenec me plonge au c?ur de l'émergence d'un nouveau langage chorégraphique où je serais le linguiste de mon imaginaire. J'apprends mouvement par mouvement des syllabes qui ne peuvent jamais aller jusqu'au bout, je mémorise un geste puis deux qui s'enchevêtrent pour se faire oublier. Deux hommes, deux femmes, dansent, me prennent par la main pour m'expliquer et  finissent toujours pas me lâcher. Je me cogne avec eux contre les murs de l'église et je me perds dans les détails d'un tapis rouge, territoire rationnel surplombé d'une structure métallique et encerclée d'un ruban lumineux, frontière entre l'ici et l'ailleurs. C'est ainsi que je suis attiré par ce champ magnétique, par ces corps qui entrent en collision d'où se dégage l'énergie du lien, du don, d'une forme d'intelligence collective. Je ne les quitte plus des yeux, suspendu moi aussi à cette poésie si « particulaire » qui fait du renoncement de soi, l'avancement du nous. À l'issue de ce voyage, alors qu'ils ont tous disparu, il ne reste plus qu'elle, fragile, presque timide. Elle nous regarde apeurée, avec ses pas hésitants et ses mouvements inachevés. Seule, elle ne peut plus rien faire. Spectateurs maladroits, nous la laissons rejoindre ses congénères au fond de l'église.
On espère les revoir un jour pour continuer notre apprentissage de cette langue sans laquelle nous n'avons pas fini de nous cogner la tête contre les murs de nos barricades.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? “About you” de Sylvain Prunenec a été joué le 15 février 2008 dans le cadre du festival “C’est de la danse contemporaine”.

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Sur le  festival “C’est de la danse contemporaine” de Toulouse, c’est ici.

 

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A Toulouse, « C’est de la danse contemporaine » : le printemps de février?

Ca y est ; j'y suis. Toulouse est pour quelques jours mon port d'attache. La danse y est amarrée et je flotte en eaux troubles. « C'est de la danse contemporaine » est le festival qui a le vent en poupe. Effet de mode ou manifestation durablement inscrite dans un processus de recherche? Toujours est-il que je n'ai vu nulle part ailleurs ces trois ovnis chorégraphiques?
258_photospectacle.jpgLe premier est une création de Benoît Bourreau et d'Hélène Iratchet. Au croisement de l'art contemporain et de la performance, « Baladidoo doddle di » est un voyage au c?ur de la représentation où les mots se déglinguent, où les rites comportementalisés se croisent avec des effets visuels du théâtre et du cinéma. C'est un joyeux désordre où le plateau est finalement envahi par des silhouettes photographiées (tels une équipe sportive ou un public soudainement statufié). Les corps semblent submergés par ces effets de scène où le mouvement s'efface pour des formes immobiles « ritualisées » censées être signifiantes. Je ressens ce trop plein visuel comme une vision pessimiste sur le rôle de la danse dans nos sociétés pixélisées et finit par me laisser moi aussi de marbre.
Quinze minutes d'entracte suffisent à passer d'un plateau plein à l'espace vidé de tout décor pour « Jack in the box » d'Hélène Iratchet. Ils sont deux, un homme, une femme. Ils sont superbes à se mouvoir avec la tête, puis les jambes et les bras. Ils ne sont pas sans me rappeler la danse saccadée du chorégraphe Toshiki Okada sauf qu'ici, tout semble décontextualisé. Nous sommes projetés dans un environnement dépouillé où chaque membre du corps de l’un porte une histoire, en résonance avec celui de l’autre. La poésie s'immisce dans l'espace qui les sépare, où le plus petit geste grandit à force de se répéter pour finalement se perdre dans notre imaginaire de spectateur. La lumière s'éteint subitement après vingt minutes. Réveil. Souffle coupé.
« Au commencement était la chair » de Manuela Agnesini clôture cette soirée. Je lutte contre l'ennui pendant quarante minutes. Je devrais me lever, non pour partir, mais pour déambuler dans cet espace. J'ai envie de circuler, de m'approcher d'elle,  vautrée sur son pouf pendant que tournent autour trois mammouths en peluche posés sur des rails, tel le petit train de notre enfance. Les mots de l'écrivain et prostituée militante Grisélidis Réal résonne, s'immiscent dans nos têtes et dans son corps, pendant que sur des écrans télé défilent un concert de Madona et des séances d'aérobic avec Jane Fonda. Tout s'embrouille, s'emmêle à mesure que viennent se greffer d'autres textes, d'autres images (de vulve gluante?). Les expressions « doigts dans le cul » décrivant les pratiques sexuelles de la prostituée avec ses clients, s'entrechoquent avec des bribes de pensées philosophiques. J'ai envie de lui tourner autour comme je le ferais dans une exposition d'art contemporain ou dans une partie de chasse (!). Alors que l'on pourrait bondir sur elle, là-voilà qui se lève sous les applaudissements d'un concert pour pousser la chansonnette avant de nous dire adieu, assise sur une machine à laver d’où s'échappe une brebis en peluche.
Dans cette caverne d'Ali Baba, cet underground de nos désirs cachés, « au commencement était la chair » est une grotte où l'on ne bouge pas. Pièce manifestement destinée aux hommes, nous voilà réduits à bander mou, à n'être que des dinosaures avides de chair et de sang. On en oublierait presque que nous sommes “sensibles de l'anus
“.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? “Jack in the box” d’Hélène Iratchet a été joué le 14 février au CDC de Toulouse dans le cadre du Festival “C’est de la danse contemporaine”

??????  “Badadidoo dodle di” d’Hélène Iratchet et de Benoît Bourreau a été joué le 14 février au CDC de Toulouse dans le cadre du Festival “C’est de la danse contemporaine”

?????? “Au commencement était la chair…” de Manuela Agnesini a été joué le 14 février au CDC de Toulouse dans le cadre du Festival “C’est de la danse contemporaine”


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Se souvenir du “Printemps de septembre” de Toulouse.
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2001 ou la folle odyssée d’Anne Lopez.

lopez.jpgDans un décor froid, digne d’un film de science-fiction (sol et murs blancs, tubes en acier représentant la carcasse d’un vaisseau spatial), je suis hypnotisé par un cercle projeté sur le mur.
Anne Lopez signe ici sa neuvième création et sait y faire, puisqu’elle nous entraîne, et ce bien avant le début de cette odyssée, dans son univers.
Avec “Idiots mais rusés, titre certes énigmatique, les quatre “géonautes” (sorte d’astronautes de l’existence, le préfixe geo signifiant terre), embarqués à bord de ce laboratoire-vaisseau, vont, durant une heure, nous donner à voir nos comportements. Il est question de disséquer l’humain, ses stimuli, ses angoisses, ses joies, ses codes… Tout passe à la moulinette Lopez pour notre plus grand bonheur car il y a de la jubilation dans cette mise en espace. Bien qu’il s’agisse d’un spectacle classé dans la boîte danse, il serait assez réducteur de le catégoriser ainsi.
En trois tableaux, Anne Lopez fait émerger le rire et même, lâchons-nous, des fous rires grâce à l’interprétation de ses cobayes (au passage, mention très spéciale pour Ghyslaine Gau). En effet, ils devront répondre aux consignes édictées par une voix (celle d’un éminent Professeur de laboratoire, sans doute) sortie d’un petit haut parleur.
Tout commence avec l'apprentissage de l'apesanteur par le corps (les mouvements saccadés, l'énervement sont le témoignage de la naissance), puis la découverte de la douleur (la scarification à l'honneur, des références à des films de série Z). Une fois grandis, nous passons à ces fameuses consignes de tout ordre (faîtes une danse intelligente, vomissez vos cerveaux – y aurait-il du TF1 là-dessous ?- , soyez énergiques des coudes?). Mais trop de contraintes empêchent les « géonautes » d'accomplir leurs travaux. Ne reste plus qu' une seule solution : le massacre de cet ordonnateur d'ordres imagé par une blouse blanche.
On s'amuse et on rit, mais ce n'est pas le pays de Candy, juste une réalité brutale et abrupte qui souligne combien la violence peut amuser. C'en est effrayant.
Le dernier tableau, une pure merveille, croque avec bonheur notre société de communication. Reliés par des fils, issus des systèmes les plus sophistiqués (tout nous dépasse !), nos quatre rats de laboratoire illustrent le problème du manque de compréhension ainsi que la sérialisation des cerveaux (magnifique interprétation de séries américaines). Ils réussiront à s'extraire à temps de ce vaisseau avant son explosion (un futur big bang ?).
Ils sont certes idiots, mais on nous avait dit qu'ils étaient rusés ?


Laurent Bourbousson
www.festivalier.net

?????? “Idiots mais rusés” a été vu à L'Odéon (Nîmes) et sera repris au Chai Du Terral ? Saint Jean de Védas le Mardi 4 mars 2008 à 20h30.


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L’os à ronger pour les chiens de Michel Schweizer.

6ab4a98f1929f700812b759f0e8db92c-a9fce.jpgJ’ose une métaphore : imaginez un théâtre, Le Merlan, dans les quartiers nord de Marseille. Tout d'un coup, cinq chiens et leurs maîtres, un psychanalyste (Jean-Pierre Lebrun) et un philosophe (Dany-Robert Dufour), tout habillés en noirs, envahissent la scène, tel un coup d'état, une attaque terroriste. Pendant plus d'une heure quinze, le public est prié de la fermer, de subir les délires trotskystes et paranoïaques (c'est lié) des deux compères qui se croient au Collège de l'Internationnale pour débiter leurs jeux de mots foireux et leurs raccourcis sur « Le marché », instance suprême qui a dégommé Dieu. Il faut les voir ces quinquas (ceux-là mêmes qui occupent la place et dépriment la jeunesse 1) nous décrire notre monde globalisé en déambulant de long en large sur la scène, territoire de leur petit pouvoir gagné le temps d'une soirée. J'imagine des danseurs et des comédiens, bâillonnés dans les coulisses pendant que nos deux imprécateurs, formés (peut-être!) aux États-Unis, dégueulent leur bile. Et puis, il y a ces chiens, métaphore de ce que nous serions devenus en lien avec le maître, « le marché ». On assiste à un « ballet canin » affligeant où les bêtes ne vont que de gauche à droite, aussi obéissants que les artistes précaires d'Eurodysney.
Lorsqu'apparaît Olivier Besancenot à la télévision, je suis pris de vertige. Il débite les mots d'une mécanique huilée. Je sens bien qu'il me fourgue son prêt-à-penser où le concept de «démocratie » n'a pas sa place. Il m'assomme pour éviter que je pense par moi-même, notamment quand il construit ses équations binaires. Il ne parle jamais d'amour, d'incertitudes, de complexité. Dans son monde à lui, cela n'existe pas. Il ne fait jamais référence aux artistes, acteurs trop aléatoires alors que les militants sont bien plus dociles. L'idée même de créer une articulation originale l'effraie ; de faciliter une  négociation le rebute.
Bleib Opus # 3” de Michel Schweizer s'inspire directement de la pensée de Besancenot, mais surtout de sa représentation de la démocratie à partir d’une mise en scène rigide, descendante, autoritaire. Un pas inquiétant est franchi ce soir au Merlan: pour la première fois, j'assiste à l'envahissement de la scène par la rhétorique politicienne. Nous aurions pu tout aussi voir des militants UMP, le processus aurait été identique. C'est donc une démission de l'artiste, un acte inqualifiable d'avoir mis le public dans cette posture de soumission. Schweizer utilise les mêmes armes que le marché, la rancune en plus et le désir refoulé de se venger sur la jeunesse, indifférente aux idéaux des libertaires, et qui pourrait bien le débouler lui et ses intellectuels à la pensée si binaire !
Oublions donc ce coup d'État et souvenons-nous. C'était à Avignon, l'été dernier. « Le silence des communistes » mis en scène par Jean-Pierre Vincent à partir d'un dialogue entre Vittorio Foa, Miriam Mafai et Alfredo Reichlin. Trois comédiens exceptionnels ont incarné un syndicaliste et deux anciens responsables communistes s'interrogeant sur l'avenir de la gauche italienne en période Berlusconnienne. Ce fut un triomphe, un moment inoubliable de théâtre qui a redonné aux citoyens de gauche un espoir dans la refondation. Cette pièce sera en tournée à partir de l'automne 2008. 

« Notre avenir est incertain, mais peut-être que l'incertitude, personnelle et collective, est la condition dans laquelle nous devons nous habituer à vivre » Myriam Mafai.

« Je suis toujours plus convaincu qu'il y a quelque chose de plus important que la redéfinition de la gauche à travers son identité présumée : il faut chercher une identité nouvelle, ouverte sur des thèmes qui vont au-delà de notre monde « politicien . Pour réformer la res publica, nous devons avant tout nous réformer nous-mêmes. Commençons par le langage ? » Vittorio Foa

Commençons par inviter « Le silence des communistes », au Merlan. Puis débattons. Les chiens seront priés de rester à l'entrée du théâtre


Pascal Bély
www.festivalier.net

(1): Voir à ce sujet les commentaires sur le spectacle de Danièle Bré, “Insupportable mais tranquille”.

?????? Bleib Opus # 3 de Michel Schweizer a été joué le 26 janvier 2008 au Théâtre du Merlan à Marseille.

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Pour penser l’avenir, “Le silence des communistes” de Jean-Pierre Vincent.



http://www.festivalier.net/article-11379906.html

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Le crash test d’Hélène Cathala au Théâtre de Cavaillon.

Perché sur sa chaise à l'entrée de la salle comme au temps joyeux des barricades, le Directeur du Théâtre de Cavaillon nous prévient :
1- Nous pourrons circuler librement au cours de la représentation.
2- Nous pourrons nous inscrire pour le lendemain à l'atelier du regard animé par « l'excellent journaliste et critique de danse Gérard Mayen ». Il posera des mots sur nos ressentis. La parole est donc une affaire de spécialiste.
3- Nous devons éteindre nos portables, même en situation de crise financière, qualifiée de « bonne nouvelle ». Précision utile pour ceux qui ne peuvent décrypter par eux-mêmes l'actualité.
Le décor dans toute sa verticalité est posé. La suite confirmera mes premières impressions.
slogan-02.jpgA l'issue d'une heure quinze de déambulations et d'enfermement, je sors de la chorégraphie d'Hélène Cathala plus vide que je n'y étais entré. Les « imprécations vociférées » issues du livre de Maria Soudaïeva (« Slogans »), mise en espace à partir d'une régie centrale où officie Dj et vidéastes, où circulent tout autour public et six danseurs, ont anéantis l'articulation entre le texte et la danse. Je ne connais pas Maria Soudaïeva ; on m'avait promis « une fiction alarmante, férocement à l'écart des critères romanesques, un long chant rageur constitué d'incantations, de consignes scandées, de cris d'angoisse, de pseudo slogans anarchisants?et numérotés..Un poème en lambeaux de feu ». Avec de telles intentions, il fallait aider le spectateur à lâcher par une scénographie poétique, virtuelle et sensuelle où la chorégraphie se déploie pour transcender et servir le texte.
Au lieu de cela, le public tourne en rond, finit par s'asseoir sur les bancs circulaires de la régie, puis se relève à l'invitation des danseurs. Rien ne guide, tout est verrouillé. Le décor est si laid que l'on se croirait projeté dans une prison française tant il se dégage une verticalité oppressante. Certes. Mais pour quoi ?
Le livre de Maria Soudaïeva est si écrasant par sa force (autoritaire ?) qu'Hélène Cathala semble (heureusement ?) dépassée. Elle tourne en rond et les corps se désarticulent à partir d'une mécanique et jamais d'une émotion : maladroit, rigide. Elle court après le texte, mais ne le transcende pas. Elle tente quelques raccourcis fumeux (le groupe en banlieue qui fuit, capuches sur la tête, pour échapper aux policiers ?) et finit par rendre statique le spectateur qui de cases en cases se demande à la fin ce qu'il fait là. Les corps vident les mots, la régie centrale prend le pouvoir pour dicter le chaos et finit par produire une improvisation mal cadrée.
Est-ce opportun, dans la France d'aujourd'hui, de subir une telle oppression quand nous allons au théâtre? Sans clefs pour la vivre autrement, nous finissons une fois de plus plombé.
Je n'ai pas besoin de spécialiste de la danse pour le dire haut et fort : ça suffit.

Pascal Bély.
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?????? « Slogans» d’Hélène Cathala a été joué le 22 janvier 2008 au Théâtre de Cavaillon.

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Au Théâtre Antoine Vitez, le “Loft Story” civilisé de Danielle Bré.

Ce mois de janvier réserve décidément quelques surprises. Après le prometteur Thomas Ferrand au Centre Chorégraphique National de Montpellier avec son théâtre si singulier, c'est au tour du Théâtre Antoine Vitez à Aix en Provence, niché au c?ur de l'Université, de surprendre avec « Insupportable mais tranquille » de et par Danielle Bré.
insupportable.jpgHuit personnes, réunies le temps d'un repas, se parlent doucement, s'engueulent, puis poussent la chansonnette dans un huit clos à la fois enfermant et libératoire pour « une évocation anthropologique des classes moyennes en France aujourd'hui ». Le pari est osé : comment ne pas tomber dans la caricature en invitant le gay de service, le retraité communiste marié avec une psychanalyste, la soixante-huitarde reconvertie dans les médecines douces de l'ego, le jeune couple aux statuts et aux idées précaires, deux cadres moyens quinquagénaires installés dans la pinède aixoise ? Comment ne pas produire un puzzle mal agencé avec ces fragments de textes de Curnier, Cadiot, Crimp, Garcia, Lagarce,? tel un Reader’s Digest de la pensée subversive? Comment ne pas brouiller le propos en faisant côtoyer Jean Baudrillard et Eros Ramazotti ? Comment ne pas s'y perdre d'autant plus que Danièle Bré complexifie en évoquant l'individu, le couple, l'intergénérationnel, le sociétal, le tout dans une époque mondialisée.
Dans ce trop-plein apparent, il faut du mou, du marécageux pour que le public s'identifie aux personnages et fasse lui-même son chemin dans le miroir qui lui est tendu. L'espace se doit d'être transversal à l'image de cet appartement ouvert aux quatre vents où les spectateurs au centre regardent jouer les acteurs en interaction avec une partie du public assis de chaque côté. Parfois vautrés sur leur canapé (à la fois divan du psychanalyste et objet d'affaissement devant la télévision de toute une génération), ces comédiens (tous exceptionnels dans leur engagement) sont solides dans leurs certitudes quand ils nous tournent le dos et fragiles quand ils se détournent pour chercher notre regard.
Nous voilà donc au centre de cette pièce et ce n'est pas une vue de l'esprit ! Danièle Bré nous tend le micro dès qu'ils chantent pour consoler nos douleurs égocentrées (de Philippe Katerine à Brigitte Fontaine en passant par Souchon) et nous fait entendre notre époque en perte d'utopie et de projets à partir de ces fragments de texte fabuleux qui forment la fresque de nos colères et de nos désirs collectifs de changement. Les personnages portent ce lourd enchevêtrement et ne sont pas tous égaux pour y faire face (la jeunesse semble particulièrement dépourvue). Ces inégalités rythment l’oeuvre (quel paradoxe!) et lui confère cette fragilité extrême.
« Insupportable mais tranquille » n'apaise pas, ne donne aucune clef. Il s'y dégage un pessimisme déconcertant alors que les acteurs quittent un par un la pièce, nous laissant seuls (à l'image du public fumant la cigarette à la sortie et qui semble ne pas vouloir partir). Il y a une sorte de désenchantement malgré toutes ces chansons, une atmosphère de fin d'époque en dépit de l'apparente modernité de la mise en scène. Que faire de tous ces « blancs », synonymes  d'une société émiettée, qui n'ont cessé de plomber la dynamique de ce groupe? Est-ce une faiblesse de la mise en scène, ou plus généralement une démission de l'artiste qui produit du texte, de la forme, des notes et des chants, mais n'arrive plus à relier les hommes avec une utopie ?
Je quitte l'Université bien seul, dépité, mais malgré tout heureux que le Théâtre soit présent, à l'heure de l'affaissement de toute une génération qui croule sous le poids de la médiacratie
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Pascal Bély
www.festivalier.net


?????? ?Insupportable mais tranquille? par Danielle Bré a été joué le 18 janvier au Théâtre Antoine Vitez d’Aix en Provence.


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