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Pendant “TRAMA”, Porto, ville assiégée.

Comment s’imprégner d’une ville? Suffit-il d’en visiter les principaux monuments au risque de n’y rencontrer que ses semblables ? Et si un festival était le voyage permettant l’immersion dans le réel tout en élargissant les frontières ? À Porto, le festival TRAMA (des « Arts Performants ») autorise ce tourisme de l’imaginaire, d’autant plus qu’il investit des lieux improbables. Catherine Baÿ, chorégraphe française, a créé l’événement au cours des trois journées de festivités.
Imaginez seize Blanche – Neige, recrutées à Porto, mitraillettes à la main, qui arpentent les sites symboliques de la ville à pas cadencés, où le bruit des robes jaunes en plastique amplifie l’écho des bottes, de sinistre mémoire. En prenant d’assaut, un samedi matin, le « Mercado de Bolha?o » (magnifique marché traditionnel menacé de destruction pour y implanter un centre commercial), elles quadrillent cet ensemble fragile pour mieux le protéger. Les personnes âgées sont sidérées, apeurées, alors que les plus jeunes mitraillent ces insoumises de leur appareil numérique, arme médiatique par excellence. Tout est danse dans les mouvements de ces femmes, nourris de leur ressenti du contexte et de leur écoute mutuelle pour créer des formes apaisantes et poétiques. Alors qu’elles se dirigent vers la gare, elles s’emparent d’une esplanade désertée. A Porto, elles sont toutes des places de pouvoir, dans une ville où policiers et agents de sécurité envahissent les rues et le métro. Elles font donc la guerre au sentiment sécuritaire en réinvestissant l’imaginaire. C’est presque gagné alors que les habitants commencent à sourire, à jouer avec elles, à se moquer de leurs postures guerrières. On se ressent protégé, enseveli par leur poésie. Mais Catherine Baÿ ne recule devant rien : en fin d’après-midi, elle fait ouvrir les coffres forts (vides !) d’une ancienne banque (transformée en centre culturel !) pour y cacher trois Blanche – Neige, une à terre (le mythe est-il mort ?) pendant que l’autre plie des (faux ?) papiers et qu’une troisième surveille. À l’heure où la crise financière vide les caisses, un nouveau totalitarisme diffuse la peur, empêchant toute rébellion, aidé par des figures mythiques recyclées en doctrine. Effrayant.

Le lendemain, les étudiants de la ville de Porto envahissent places et trottoirs pour leur fête annuelle. Les aînés sont habillés de noir avec une cape alors que les plus jeunes sont affublés de canettes de soda des pieds à la tête. Tandis que les premiers surveillent, les autres confectionnent leur déguisement (métaphore de l’esclavage moderne ?). La forme hiérarchisée du rassemblement, le contraste entre l’uniforme du chef et le ridicule du jeune étudiant de base, effraient. On aurait aimé voir surgir nos Blanche – Neige pour qu’elles transforment ces rituels en chaîne humaine autour du « Mercado de Bolha?o » afin de revendiquer son classement comme patrimoine mondial de l’humanité.

Pascal Bély – www.festivalier.net


?????? Project Blanche – Neige”  de Catherine Baÿ a été joué le 26 octobre 2008 à Porto dans le cadre du Festival “TRAMA”.
Un extrait vidéo lors du Festival Arborescence d’Aix en Provence en 2005..


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“Trama” sur Le Tadorne:
« Trama » entre recyclage et découverte.
A Porto, le festival « Trama » laisse des traces.

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La critique fait la couverture des Rencontres à l’Echelle.

Il y a des soirées qui font basculer, qui ouvrent l’espace là où tout semblait verrouillé. Il y a des acteurs culturels qui décident de se positionner autrement en temps de crise ,en proposant d’autres formes, non par facilité, mais pour éveiller notre créativité. Ce soir, à Marseille, dans le cadre des « Rencontres à l’échelle » organisée par les Bancs Publics, il s’est passé un événement à la marge, mais qui pourrait bousculer bien des équilibres précaires.

En entrant, le danseur et chorégraphe Haïm Adri est déjà sur scène. Habillé de blanc, il porte un masque d’une mélancolie contagieuse, entre figure mythologique et celle de nos angoisses contemporaines. Il danse sur sa couverture alors que résonnent derrière lui les sons et les images d’un monde en ébullition où l’on passe sans le voir, où l’on s’arrête pour évoquer questionnements et souffrances. Autant de paroles résonantes. Sa danse est son territoire ; sa couverture, le prolongement du corps, d’un au-delà. Entre lui et moi, il y a la distance : lui à terre, moi sur le banc. Le « je » est un « autre » : peut-il se jouer ? Puis-je rester de là où je suis ? Alors qu’il se lève pour faire danser sa couverture, je m’approche, je m’accroche. Voilà les marionnettes de l’enfance puis la danse des désirs d’un imaginaire possible. Les mouvements évoquent notre lien entre lui et nous, entre attraction et peur. Haïm Adri n’est plus très loin, car nous communiquons, loin d’une communion judéo-chrétienne (après tout, la référence au sans domicile fixe m’a effleuré dans un contexte anxiogène de crise). Il faut toute la force de la poésie pour entrer en résonance avec cette homme qui, dépossédé de ses habits blancs, endosse les nôtres, veste et pantalon trempés. Pendant que les gouttes tombent, je lâche. Essoré.
C’est alors qu’elle arrive, maladroite, timide, provocante. Haïm Adri enlève le masque pour l’introduire. Marie Mai Corbel, auteur et journaliste de la revue Mouvement, nous propose une « performance critique ». Elle parle tout bas, presque sur le registre de la confidence. Je ressens la tension monter dans la salle. Quelle est donc cette intrusion alors que nous n’avons pas eu le temps de nous extraire de l’?uvre ? Elle évoque notre positionnement de spectateur (que venons-nous chercher ici ?). En utilisant la métaphore, elle réduit la distance entre la profession critique (si décriée par ces temps où il s’agit de ne pas se « prendre la tête ») et nous. Elle met des mots sur le processus qui vient de se jouer précédemment avec Haïm Adri. Elle expose son regard, sort de sa revue, ose affronter un public, sur scène, sur le territoire de l’artiste. Elle réussit à s’immiscer dans cet interstice entre le danseur et nous, où elle relie le contexte géopolitique, l’artiste et la possible résonance du spectateur. La démonstration est magnifique, percutante, sidérante, suffisamment interpellante pour nous donner de la compétence. Cela ne dure que quinze minutes. Un temps volé au zapping. On aurait juste aimé réagir, loin d’un débat, pour poser un ressenti, quelque part. J’ai le blog, mais les autres ? Je les imagine écrire ici, sur Le Tadorne, et faire leur performance de blogueurs!

Artistes, critique et spectateurs ont trouvé ce soir l’espace qui nous manque tant. Celui où le territoire de l’imaginaire, la recherche d’un sens global, la résonance peuvent s’articuler, loin des cases où chacun finit par s’enfermer pour tirer la couverture à soi.
Le masque d’Haïm Adri n’a pas fini de nous hanter.

Pascal Bély

www.festivalier.net

Ps : à lire le regard de Guy Degeorges sur la création d’Haïm Adri.

?????? ” Quelle est l’utilité d’une couverture” d’Haïm Adri, incluant la perfomance critique de Marie Mai Corbel. 

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Rencontrer Oriza Hirata.

C’est un choc. Une pièce que vous gardez là. Quelques jours après, je la vois encore ; j’en ressens le mouvement. Seule la rencontre peut chambouler à ce point. La musicalité des mots japonais résonne toujours et mon imaginaire continue de divaguer dans cette mise en espace exceptionnelle. « Tokyo Notes » d’Oriza Hirata restera l’un des événements du Festival d’Automne de Paris.
C’est un dimanche doux et gris. J’aurais pu aller au musée, mais c’est au Théâtre2Gennevilliers qu’a lieu la rencontre. Il faut monter au premier étage. « Tokyo Notes » prend ses quartiers dans une salle de lecture aménagée pour la circonstance. La jauge est petite face à une distribution exceptionnelle : pas moins de vingt comédiens qui vont défiler de gauche à droite, de haut en bas, avec l’ascenseur sur le coté, balcon et escaliers latéraux au premier étage. Le décor plus réel que nature renforce la dynamique qui sied aux rencontres d’un jour, à celle des retrouvailles, à ce moment si particulier où toute une vie bascule. Seuls quatre bancs font office de mobilier avec une poubelle en acier où l’on jette son gobelet de café, comme un rituel, pour signifier au spectateur que l’on change de tableau !
Nous sommes dans le hall d’un musée de Tokyo qui organise une rétrospective Vermeer. Une famille s’y donne rendez-vous à l’initiative de la s?ur aînée. Un couple s’y sépare, le temps d’une visite. Deux amies étudiantes déambulent pour y retrouver leur ancien professeur. Une jeune héritière rencontre le personnel du musée avec son avocat pour préparer une donation. Les personnages défilent, se croisent, s’entrecroisent, s’entrechoquent. Leurs liens, déjà fragiles, entrent en résonance avec le rapport que chacun entretient avec l’art, rendant poreuse la frontière entre les tableaux de Vermeer et le jeu des acteurs. L’art autorise toutes les reliances au moment où chacun cherche un lien pour faire face à l’absence, à ses difficultés de communication.
Ensemble, ils forment la toile de l’artiste, la toile du cinéaste, la dramaturgie de la rencontre, celle où les arts se croisent pour créer une maïeutique envoûtante. Le théâtre se fait toile et Hirata est le peintre de nos angoisses familiales, de nos remords passés, de nos désirs enfouis. Comme un miroir dans le miroir, la mise en espace de «Tokyo Notes» m’engloutit dans un intervalle où je tisse les interrelations entre les personnages et les lieux (où le musée japonais se fond dans le théâtre dirigé par le metteur en scène Pascal Rambert, métaphore d’une ouverture du théâtre français vers le monde, à partir d’un lien transversal, dans un contexte de restriction budgétaire).
L’exceptionnel dernier tableau où les deux s?urs, yeux dans les yeux, tombent le masque, finit par me projeter dans le hall des théâtres où je pourrais créer ma toile, du blog vers vous.

Pascal Bély – www.festivalier.net

?????? “Tokyo Notes” de Oriza Hirata  est joué du 10 au 19 octobre 2008  au Théâtre2Genevilliers dans le cadre du Festival d’Automne de Paris.

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Le Festival d’Automne sur le Tadorne:
Au Festival d’Automne, Jennifer Lacey et ses assistantes familiales.

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Au Festival d’Automne, les assistantes familiales de Jennifer Lacey.

En période chaotique, un festival  permet de se rapprocher pour échanger sur le sens, la forme, le propos d’une ?uvre et échapper au « réductionnisme » ambiant, à la peur de l’autre (ne parle-t-on pas de crise de confiance des marchés ?). Réunis à Paris, nous sommes cinq à faire le choix de nous rendre au Centre Georges Pompidou dans le cadre du Festival d’Automne de Paris pour « Les assistantes » de la chorégraphe Jennifer Lacey et de la scénographe et plasticienne Nadia Lauro. Dans la salle, nous nous séparons. Parents d’un côté, frère et s?ur trois rangs plus haut. Forme classique verticale…
Neuf femmes dansent, chantent, écrivent, coupent et découpent du papier, avec un bonnet sur la tête, habillées de robes à carreaux avec petit tablier sur le côté, devant ou derrière. C’est selon la nature de la tache. La scène est en aluminium, éclairée de projecteurs grossissants échappés d’un blog opératoire. À moins que l’on ne soit au sauna, lieu communautaire, interdit aux hommes, mais ouvert à tous les corps. Il est fort possible qu’elles émergent des entrailles, des tuyaux du Centre Georges Pompidou. Quatre-vingt-dix minutes où j’ai tout lâché d’une semaine de crise globale, où un modèle semble s’effondrer sous le poids de la spéculation et du mensonge. Ici, « Les assistantes » inventent la société postmoderne, vue du côté de la danse. C’est réjouissant, car jamais enfermant. Elles préviennent dès le départ : « vous pouvez partir mais ce n’est pas mieux ailleurs ». Bien joué !
A les voir déambuler ainsi sur la scène, on devine facilement leur improductivité. Lorsqu’elles s’inscrivent dans la société industrialisée, c’est sur le côté, pour découper du papier. On les croirait au musée du « travailler plus pour gagner plus ». Elles n’ont pas d’objectifs si ce n’est de créer le mouvement circulaire du lien et puiser dans leur unique ressource : leur créativité. Elles deviennent alors ces exploratrices dont nous aurions tant besoin aujourd’hui : elles expérimentent, se plantent, se rattrapent, s’isolent, jouent le collectif. Elles dansent et se mettent en mouvement dans un dedans dehors impressionnant. Là où nos sociétés rigidifient pour maîtriser, elles lâchent prise pour fluidifier. Avec elles, savoir n’est pas primordial. Elles s’essayent à des disciplines : nous sommes bien loin de la toute-puissance des experts. Leurs instruments de musique sont si petits qu’elles ne peuvent pas créer une symphonie, juste une mélodie cool pour calmer nos angoisses face à l’imprédictibilité de ce Nouveau Monde. La danse individuelle et collective permet la transition entre les séquences : elle est passerelle. Cela en est donc fini de l’appellation « danse contemporaine » !
Avec « Les assistantes », construire du lien social est une performance, qui nous englobe dans un rapport donnant – donnant, où le pouvoir s’inscrit dans le jeu. C’est l’utopie d’une société différente. Je me sens prêt à m’y inclure, avec elles comme éclaireuses.
A la sortie, notre groupe se forme pour se réformer. Des liens se créent, d’autres se renforcent. Nous goûtons, le temps d’une soirée, à notre famille recomposée.
Le délicieux goût des autres.

Pascal Bély
www.festivalier.net

Ps : à lire le magnifique article, si apaisant de « l’assistant » Guy Degeorges.

Photo par Laurent Philippe, avec l’aimable autorisation du festival d’automne à Paris

Voir aussi Vincent Jeannot-Photodanse

?????? ” Les assistantes” de Jennifer Lacey et  Nadia Lauro a été joué le 10 octobre 2008 dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.

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A ACTORAL, “Le Grand Nain” se guignolise.

On a frôlé l’explosion. La révolte. L’envahissement du plateau. Au Théâtre du Merlan, il se passe toujours quelque chose. On a hâte d’être en 2013 quand Marseille sera capitale européenne de la culture ! Pensez donc. Alors que « Le Grand Nain » de Philippe Eustachon et Jambenoix Mollet, programmé dans le cadre du Festival ACTORAL, est terminé depuis dix minutes, les enfants emmenés par leurs instituteurs et professeurs continuent de manifester bruyamment. Certains adultes se plaignent : «mais enfin, on ne peut pas les faire taire pendant le spectacle ?». Cette ?uvre, largement soutenue par la critique (Télérama, Mouvement), est bousculée ce soir par des enfants et des handicapés mentaux qui à coups de cris et de remarques intempestives ont métamorphosé cette pièce, rencontre de Robinson Crusoé et de Vendredi par temps de catastrophe, en théâtre de guignols (happenings et jeux de cache-cache compris). Les gosses se marrent, certains adultes beaucoup moins. Là où les enfants m’invitent, j’ai préféré rester à côté malgré les vingt premières minutes prometteuses.
À l’heure où la crise actuelle nous engloutit un peu plus chaque jour de son cortège de chiffres et de prophéties apocalyptiques, cette maison de bric et de broc, traversée d’un torrent de boue, habitée par un « grand nain » divaguant comme s’il était monté sur ressort, est la jolie métaphore de notre contexte. Alors qu’il range obsessionnellement ses objets dans ce chaos (image de notre société rationnelle apeurée), ce personnage séduit, attendri. Les enfants y voient une marionnette, là où j’aime y déceler un mouvement de cirque dansé dans l’espace de nos folies contemporaines, où le chaos ambiant éclaire ce que nous sommes en train d’ensevelir.
Je m’accroche, mais les enfants crient de plus en plus fort. L’arrivée de l’étranger (Vendredi) ne change rien, bien au contraire. Il amplifie la peur. La scène est alors la caisse de résonnance d’un public qui joue avec les acteurs  d’un jeu vidéo dans un combat entre la musique du dedans et la furie du dehors. Le plateau déborde vers la salle comme si la frontière entre les comédiens et les spectateurs devenait poreuse, à l’image d’une mise en scène et en espace bien trop fragile, plus assez contenante pour ce type de public.
En miroir avec la scène, nous devenons tous des “grands nains spectateurs“. Je finis par démissionner, par goûter ce raffut, cette ébullition.
Quelles étaient les intentions du Merlan en invitant tant d’enfants ? Comment faire de la mixité du public un ressort créatif pour chacun plutôt que ce chaos qui décourage.
Qu’en pensent ces deux acteurs, grands nains aux pieds d’argile ?

Pascal Bély – www.festivalier.net

?????? “Le Grand Nain” de Philippe Eustachon et Jambenoix Mollet  a été joué le 9 octobre 2008 dans le cadre du Festival ACTORAL.

Laurent Bourbousson, spectateur et contributeur du Tadorne a également vu « Le Grand Nain »

“Encéphalogramme plat”.

Tout commence par un bruit assourdissant et une explosion. Le chaos frappe à nos portes. Il s’agit d’une catastrophe, d’un tremblement de terre, d’un “tsunami”. Il arrive, lui, l’informe, le difforme, le nous. Au milieu de sa pièce dévastée, il nous regarde, range ses affaires en désordre, ouvre ses placards d’où proviennent des sons de rues, de radio. Tout n’est pas mort. Ouf, nous sommes sauvés. Lui, c’est le “Grand Nain”. Nous sommes chez lui, du moins ce qu’il en reste, ce qui reste de notre monde.
Invité à revisiter le mythe de Robinson avec la compagnie Anomalie, j’avoue patauger dans l’incompréhension avec cette entrée en matière. Je ne sais plus quelle direction prendre pour donner du contenu à ce début périlleux, ni quoi raconter de mon histoire pour m’intéresser à la scène. Tout me semble cinématographique dans cette proposition. « Le Grand Nain » m’évoque Pingouin dans “Batman“, sa voix métallique à celle de Wall-E, et l’atmosphère à un film de peur, genre “La colline à des yeux“, ou autres titres de films de série B.
L’apparition de l’autre, dont le corps est découvert sous un amas de terre, n’arrange rien. Je poursuis alors mes liens cinématographiques : je l’imagine Mowgli dans “Le Livre de la jungle” ou dans “L’enfant sauvage” de François Truffaut.
Je reste sur le côté à écouter les dires du public scolaire qui forme le plus gros des spectateurs.
Définitivement à côté.

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Manon et Jean de Florette au Merlan: petits moments entre amis.

Quel plaisir de retrouver le Théâtre du Merlan en vagabondage et des amis rencontrés deux ans auparavant sur le Vieux Port de Marseille avec la Compagnie Marius, célèbre troupe belge, experte dans le théâtre de rue!
Nous avouons notre nostalgie de la période où Le Merlan nous baladait dans Marseille, et l’on se souvient des itinéraires préparés par Mappy avec cette impression de partir à l’aventure pour mériter « le » spectacle au bout du chemin.
Filer en direction d’Allauch, plus précisément au Domaine de Pichauris, en ce dernier dimanche de septembre, a été notre « madeleine de Proust ». Une excitation étrange nous a alors envahi au fur et à mesure des kilomètres avalés (nous n’habitons pas le département) où l’apparition des fléchages avec le logo des portes roses du Merlan dans le domaine départemental provoque la joie des retrouvailles.
Les acteurs de la compagnie Marius sont nos amis de théâtre. Avec “Marius“, “Fanny“et “César“, joués en 2006, ils nous avaient emballé. Avec “Manon” et “Jean de Florette“, nous sommes conquis.
Avec deux fois rien (casseroles chinées et portes de bois récupérées), c’est un théâtre de brique et de broc qui prend forme sous nos yeux. Tout est inventif dans cette forme périlleuse où il faut jouer avec l’extérieur, avec le public, inventer, créer sans cesse et improviser (« Je crains dégun » du Papet, phrase déjà culte !). Le deux fois rien se transforme en un immense chantier théâtral remarquable.
L’énergie débordante et communicante des comédiens instaure une relation de confiance avec le public. Nous redécouvrons tout naturellement les aventures pagnolesques de Manon, Hugolin, le Papet et Jean de Florette à travers nos yeux d’adultes, mais avec nos souvenirs d’enfants. Cela fonctionne, car l’humanisme de la mise en scène soutient des acteurs respectueux de l’?uvre.
En s’appuyant sur notre mémoire collective (le patrimoine cinématographique de Pagnol dont les tirades culte de Daniel Auteuil), la compagnie Marius décortique l’?uvre, dépasse son cadre culturel et finit par illustrer le concept de l’appropriation où nous redécouvrons notre richesse littéraire.
A méditer…

Laurent Bourbousson – Diane Fonsegrive / www.festivalier.net

 

??????Manon” et “Jean de Florette” ont été joué du 17 septembre au 5 octobre au Domaine de Pichauris dans le cadre de la programmation du Théâtre du Merlan – Scène Nationale

 

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A ACTORAL , même loin de Demorand, les mots cognent.

Je sature. Je n’arrive plus à écouter Nicolas Demorand sur France Inter le matin. Dès qu’il parle, c’est pour m’envoyer une baffe. Ali Baddou sur France Culture à la même heure ? C’est pire : ses invités, il les choisit pour réviser ses cours de fac. Au final, la crise financière est partout et nulle part : les mots pour la décrire perdent leur sens dans la peur, la technique et le sensationnalisme. Le capitalisme financier a donc gagné : tout en s’écroulant, il arrive à s’immiscer dans notre vision du monde pour imposer ses grilles de lecture et ses mots bien calibrés. Je suis “chaos”, mais debout. Comment s’élever ?
Après mon escapade à Manosque dimanche dernier pour les “Correspondances“, j’arpente la rue Breuteuil à Marseille, direction la petite maison de Montévidéo, où se déroule une partie du Festival International ACTORAL qui offre aux mots, une ouverture suffisamment large pour qu’ils se cognent, s’accélèrent, se redéfinissent. Tel un espace de parole, ACTORAL soigne les maux des mots et donne au spectateur la compétence de les entendre dans toute leur complexité. Démonstration.
Robert Cantarella et sa performance « Auras comprises » positionne le spectateur au c?ur d’un dispositif qui n’est pas sans évoquer un espace thérapeutique où l’on soignerait notre peur à l’égard des personnes âgées atteintes d’Alzheimer. Le dispositif scénique nous permet d’entendre ce flot de paroles comme un patrimoine historique, une ?uvre artistique où l’acteur nous le donne à entendre, en décalé, avec empathie et justesse. Cette parole déconstruite est ainsi réintroduite dans notre quotidien, pourtant submergé d’informations bien plus déstructurées. Pendant trente minutes, la réalité psychique de ces hommes et femmes est passionnante. Avec Cantarella, la réalité est multiple.
Autres mots d’amour. Elle nous vient de Montréal. Renée Gagnon est debout, derrière son pupitre, à nous lire son recueil de poèmes, “Projet McQueen“, tandis que défilent sur un écran de nombreux extraits de films avec…Steve McQueen. On passe ainsi une heure à écouter tous les hommes d’une femme, incarnés par cette icône quasi religieuse ! C’est souvent drôle. Cela percute comme une relation de couple où la fusion et la séparation sont des processus si imbriqués que l’on finit par perdre son latin québécois ! Renée Gagnon a non seulement une belle plume, mais aussi un art du montage qui n’est pas sans rappeler l’esprit des dessins animés de Tex Avery.

Fanny de Chaillé
se prépare au combat. Puisqu’il faut en passer par là. Elle s’offre un plateau en forme de ring, enfile la posture de la rockeuse. Tout est prêt pour sa «Gonzo Conférence». Pendant que sa partenaire lit sur un pupitre un texte recherché sur le rock et sa différence avec le théâtre, elle danse, mime, se jette dans le public. Tout est mis en perspective pour nous expliquer ce qu’est le rock et où il va. Nous voilà propulsés dans un espace à plusieurs dimensions où le savoir, le corps, la place des spectateurs (assis par terre ou debout comme dans un concert) forment un tableau théâtral réjouissant. Alors que le rock s’assagit, le Théâtre est toujours là, plus actuel que jamais. J’ai enfin compris pourquoi je n’aime que les concerts théâtralisés ! Fanny de Chaillé vient peut-être d’inventer un concept qui dépasse de loin le cadre du concert littéraire si cher aux Correspondances de Manosque. À quand le prochain « Gonzo » ?
Elie Hay est interprète chez Gisèle Vienne et ancien élève du CDC. Il a un look sympa.

Avec « I like him and he likes me », ils provoquent la sidération du public. Pensez donc. Vingt minutes à se castagner avec Lorenzo de Angelis et nous, public, à les entourer, comme au bon vieux temps des jeux du cirque. Je ne sais plus où me mettre. J’ai peur d’en prendre une. À côté, Nicolas Demorand est un ange et le capitalisme financier, un concept bisounours. C’est une danse, sans aucun doute. Sauf que l’on ne peut se l’imaginer sur scène. Ailleurs oui, dans la rue, au cinéma, au PS, mais pas ici. Et pourtant, je n’en ai pas dormi de la nuit. Cela m’a cogné. L’art débusque toujours où on ne l’attend pas. Qu’ais-je donc pris dans la tête ?
7h. le radio-réveil s’allume. Nicolas Demorand vient de m’en mettre une autre.


Pascal Bély
www.festivalier.net

Crédit 1ère photo: Marc Domage

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Actoral
2007 sur le Tadorne:
Au Festival ActOral, ?Mon képi blanc?, le beau monologue du pénis d’Hubert Colas.
Au Festival Actoral, l'acte anal d'Yves-Noël Genod.
Au Festival Actoral, Martine Pisani liquéfie les mots.

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A Aix en Provence, la danse défie les bouchons.

La résistance est là, au coin de la rue. La créativité aussi. Pendant que la Mairie UMP d’Aix en Provence organise « la fête des déplacements » pour nous faire croire qu’elle est à la pointe du développement durable, le cours Mirabeau est bloqué par un embouteillage monstre où paradent les 4×4 bling-bling. Alors que le haut du Cours fait la fête, le bas continue de circuler en bagnole comme si de rien n’était, à l’image d’une municipalité UMP qui ne voit pas plus loin que le bout de l’événementiel.
Soudain, l’imprévisible surgit. Le chorégraphe Bernard Menaut et sa troupe viennent perturber ce non-sens pour introduire du sens, de l’humain, de la poésie. Deux danseurs et trois musiciens endimanchés se déplacent dans une course folle avec des chaises de bureau et provoquent une bien jolie pagaille sur le Cours bouchonné. Des insultes fusent de la part de conducteurs pris à leur propre piège. À cinq, ils ridiculisent nos comportements individualistes. Les corps sont cassants, rigides, mécaniques. C’est totalement absurde, mais le miroir est saisissant : les deux voies de la rue sont à l’image des deux hémisphères de notre cerveau de conducteur!
Pendant que les musiciens (magnifiques) jouent avec leurs sons chaotiques, les deux danseurs paradent, se déplacent sur un bout de trottoir. Les corps sont tout à la fois pont-bascule, rue étroite, et boulevard. Dès que la voie est libre, l’absurde en profite pour s’y glisser. Ce n’est pas seulement drôle. C’est beau et notre imaginaire se régale d’autant plus que certains spectateurs sont mis à contribution. En les intégrant, le groupe fluidifie les liens, les mouvements se font plus harmonieux. À la mécanique des premiers gestes, surgissent la ronde, le train : l’énergie de nos déplacements se trouve dans ce lien solidaire et créatif. Bernard Menaut et sa troupe incarne alors les valeurs du développement durable.
La danse réussit là où l’événementiel échoue : nous faire voir autrement ce que nous réduisons pour ne pas changer.


Pascal Bély – www.festivalier.net

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Le bouillon du Festival “Les Informelles”.

Malaise.
La culture de l’audimat gangrènerait-elle petit à petit le spectacle vivant, aidé par des tutelles qui financent tant que la plaquette est jolie?
Sollicité à plusieurs reprises par le Festival « Les informelles » pour assister à la soirée où sont proposés par moins de 25 créations (esquisses, expériences, …), j’invite quatre amis dans l’espoir de découvrir de nouveaux artistes et les soutenir dans un contexte politique particulièrement difficile.
En arrivant dans le magnifique bâtiment de « L’école de la deuxième chance » (cela ne s’invente pas !), on nous distribue un plan et le programme minuté. Nous sommes prévenus : « vous ne verrez pas tout », façon élégante de dire : « faîtes votre marché ». À peine entré, la confusion m’envahit. On nous abreuve d’informations, distillées par des hôtesses d’accueil. Me voilà donc au boulot. Je dois rationaliser, choisir, éliminer. La démission des professionnels de la culture est totale. Il faut les voir courir dans les allées de cette « galerie » (marchande ?) pour rameuter la clientèle vers telle proposition ou telle autre.
Alors que je suis prêt à rentrer chez moi, un poète et plasticien fait l’appel. Fernand Fernandez épelle “le registre de tous les noms“. Il est seul. Quasiment personne ne fait attention à lui. Plongé dans son livre géant, il métaphorise cette soirée : les mots sont une performance à défaut de distiller du sens. Qu’importe ce qu’il dit. Il est là. C’est le principal.
Je m’échappe. J’atterris dans l’entrée. Un tournage se prépare. Le cinéaste nous explique la règle. C’est si compliqué que je n’écoute plus. Deux femmes de ménages (dont la chorégraphe Olivia Grandville), une chanteuse lyrique (Donatienne Michel – Dansas) interprète une partition pour soprano, « Stripsody ». Une «BD sonore»paraît-il. Qu’attend-on de moi ? A quoi rime cette séance de ciné- réalité où l’on positionne le spectateur dans les coulisses ? Perdu dans la programmation des Informelles, je ne verrais même pas le résultat de ce tournage prévu vers 21h. Je suis donc un spectateur inutile, improductif, qui ne va pas jusqu’au bout.
Le réconfort s’approche. Dans une salle de cours, je m’assois pour vingt minutes de théâtre (enfin) politique. Alain Béhar nous propose « Loin des équilibres », une proposition qui a le mérite de mettre les pieds dans le plat et de se moquer des «Informelles». Alors qu’un acteur joue son texte, l’arrière-cour technique fait diversion à coup de nouvelles technologies et de slogans aussi creux qu’une plaquette publicitaire du Théâtre du Merlan ! Alain Béhar dénonce le mélange des genres, l’intrusion de l’internet, de la vidéo et plus généralement d’une conception scénique du théâtre empruntée à l’Art contemporain. C’est forcément drôle et subtilement subversif. C’est la seule bouffée d’oxygène de la soirée et l’unique propos solide à côté de tant d’autres propositions qui ne franchiront pas le cap de « l’extrait » après cette soirée.
Le festival « Les Informelles » a donc opté pour la culture zapping et jetable, positionnant le spectateur dans une double contrainte intenable : « si je suis ici, je ne suis pas là-bas ». À jouer sur la frustration, il prend le pouvoir sur le public, finit par l’infantiliser et briser le peu de lien social qui perdure dans ce pays. À voir les spectateurs déambuler comme dans la galerie marchande de Carrefour, je prends peur. Ce dispositif met les artistes en vitrine pour mieux les précariser. L’ensemble du processus de création devient une marchandise friable et l’on fait croire que « la partie » peut parler du « tout ».
« Les Informelles » ont précisément une forme. Celle d’un cadre descendant et profondément autoritaire.
En phase avec l’époque.

Pascal Bély – www.festivalier.net

 ????? “Loin des équilibres” d’Alain Béhar a été joué le 13 septembre 2008 dans le cadre du Festival “Les Informelles”.


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edition 2007


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EN COURS DE REFORMATAGE

« Visa pour l’image » :vers les théâtres ?


En septembre 2007, lors de l’édition « Visa pour l’image » de Perpignan, j’avais souligné l’excellent travail de
Véronique de Viguerie, auteure des photos controversées sur les Talibans publiées cette semaine par Paris-Match. En comparant ces clichés, je retrouve l’engagement de cette photographe à vouloir montrer ce que les médias refusent d’admettre : les Talibans ne détiennent pas seulement des armes. Ils utilisent aussi les outils de pression psychologique et médiatique sur les populations pour faire vaciller la démocratie. Il faut avoir une courte vue sur ces processus pour déclarer que ces photos sont de la propagande (dixit le Ministre de la Défense hier matin sur France Inter). Ces clichés sont à regarder à plusieurs niveaux : ils démontrent la puissance des Talibans à jouer dans la même cour que les Occidentaux (l’affectif par l’image) et l’information selon laquelle l’embuscade contre les soldats français diffère de la version données par l’Armée de notre pays.
Ces photos sont donc de l’information. Voir sur France 2, un reportage sur la tristesse des familles des soldats tués à la vision de ces clichés, n’est autre qu’une manipulation. À faire dans l’affectif, les journalistes de France 2 occultent la portée politique du travail de Véronique de Viguerie. Ce n’est pas tant les photos qui importent, que le regard que nous portons sur elle. Les médias sous Nicolas Sarkozy ont décidément choisi la voie de l’émotion au détriment de la pensée. Véronique de Viguerie fait de l’information quand d’autres servent la soupe à un Ministre et un Président belliqueux, fonctionnant à l’affect pour affaiblir le fonctionnement démocratique.
Demain, je mets le cap sur Perpignan. Pour m’informer sur la marche du monde. Voir ce que Sarkozy et les journalistes proches du pouvoir ne veulent même pas comprendre.
Pendant ce temps, nos médias s’intéressent à la grossesse de Rachida Dati. Les clichés de l’échographie sont sûrement prêts.
Ils seraient peut-être temps que la photographie de reportage couvre les murs de nos théâtres. Pour la protéger et la promouvoir. Il y a urgence.


Pascal Bély
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