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EN COURS DE REFORMATAGE

La « belle » seconde surprise de l’amour d’Alexandra Tobelaim.

La Compagnie Tandaim m’avait délecté avec ses « Pièces de cuisine » (ensemble de 12 textes courts écrits pour l’occasion par des auteurs contemporains d’après une recette) puis avec « Ça me laisse sans voix », merveilleuse métaphore sur l’être humain. Raison de plus, pour faire le long chemin qui me sépare d’Avignon jusqu’au « Théâtre Durance » de Château Arnoux pour assister à « La seconde surprise de l’amour » de Marivaux où la metteuse en scène Alexandra Tobelaim décrit cette pièce comme «un jeu ouvert. Marivaux s’efforçait de rendre la nature même du langage, le ton de la conversation en général. L’amour est aussi une histoire de corps. J’aimerais que le public puisse voir ce spectacle sans le son, sans la parole, et le comprenne, uniquement en regardant les acteurs se déplacer sur le plateau, simplement être ensemble. »

En ouvrant sa mise en scène sur des extraits de « Douleur exquise » de Sophie Calle, mis en son par Christophe Perruchi, Alexandra Tobelaim donne un souffle nouveau à Marivaux. Elle le veut contemporain. Elle l’arrache à nos représentations imaginaires et le transpose dans notre siècle où l’amour semble avoir fuit. Le sentiment amoureux et le sens du dialogue ne sont effectivement plus au centre de nos préoccupations. Comme pour entrer en résonance avec cette désertion, le plateau se présente comme un parterre de terre, représentation de ce que le corps est : un champ de bataille.

Les corps s’animent aux paroles de « Douleur exquise ». Enfermés dans un ensemble de boîtes représentant leur « moi », les protagonistes de cette joute verbale offrent les prémices de leur jeu au public. Il y sera évidemment question de corps : corps en souffrance, corps en joie, corps amoureux, corps esseulé…

La scénographie d’Olivier Thomas souligne l’enfermement physique que la parole peut avoir sur l’être. Bien plus forte que l’oralité, l’affliction est palpable sur le corps, elle est le résultat de cette ouverture : la perte de l’être aimé. N’en oublions pas pour autant l’intrigue divertissante de « La seconde surprise de l’amour » : la Marquise, veuve inconsolable, se lie d’amitié avec le Chavalier, malheureux comme elle. Au c?ur de ces deux douleurs, renaît le désir, inattendu, insoupçonné même par les intéressés.

Des dommages collatéraux vont être engendrés par cette situation, autrement visibles que dans le dialogue, puisque l’après-dialogue est représenté. Les corps en souffrance trouvent leur place dans ces magnifiques boîtes, sorte de compartiments humains, pour renvoyer le corps à ce que nous sommes destinés : la mort. Les corps heureux, eux, finissent par fouler cette terre où l’affrontement verbal et physique a eu lieu, et offrent une irrépressible démonstration de la nécessité de vivre.

La scénographie maîtrisée permet une conduite des comédiens frisant la perfection. Même s’il s’agissait de la première, le ton juste a été trouvé et la relation entre les six personnages ?uvre dans le bon sens. Le noyau même de la compagnie Tandaim (Alexandra Tobelaim, Olivier Thomas et Christophe Perruchi), sorte de trio gagnant, offre un Marivaux résolument contemporain.

Encore aujourd’hui,  les images défilent devant mes yeux, sans le son, sans la parole.

Laurent Bourbousson
www.festivalier.net

?????? « La seconde surprise de l’amour» de Marivaux par la Compagnie Tandaim a été joué au Théâtre Durance de Chateau-Arnoux (04) le 15 novembre 2008.


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