Le festival « Mens Alors ! » est une grande famille. Depuis sept ans, les liens ont eu le temps de se créer. Aujourd'hui, elle nous montre son plus beau bijou : le château de Montmeilleur, à trois kilomètres de Mens, généreusement mis à la disposition du festival par ses propriétaires. De 15h à 1h du matin, concerts, lectures, petites formes musicales se succèdent. On prend le temps de flâner et de contempler le magnifique paysage de montagnes qui entourent le site. Mais un château ne rassemble pas, il émiette les visiteurs. Tout en étant un temple de la séduction, il symbolise la relation hiérarchique (eux en haut, nous en bas). Autant dire que l'on n'erre pas, on s'y promène. Les bacs servent de piscine où les enfants font pipi dedans, les musiciens se planquent pour que l'on s'amuse à les débusquer.
Dans un château, il faut déambuler, car on ne se sent chez soi nulle part ; c'est toute la différence avec les espaces publics, telle la halle de Mens ouverte aux quatre vents. La Walt Disney Company l'a bien compris avec ses parcs où les châteaux rivalisent entre eux pour mieux enfermer tout regard critique et citoyen et séduire le consommateur.
Le spectateur-critique n'aime pas les châteaux comme lieu du spectacle vivant, car on n'y croise aucun « fou ». Sauf aujourd'hui. Bernard Combi avec sa voix d'ours mal léché, nous chante un poème en occitan dédié à son père. Il faut le voir pour le croire avec son accordéon si petit et lui si imposant. Combien de temps avons-nous laissé ce bel artiste au cachot ? Merci à « Mens Alors ! » de l'avoir libéré !
Mais après cette performance détonante, il faut errer à nouveau au son de la guitare électrique de Jean-François Pauvros. Planté au milieu du parc face à l'Obiou (2790 mètres), sa guitare part en live et sa musique se fond dans les montagnes abruptes environnantes.
À 19h30, la foule se presse pour « Histoire du soldat » d'Igor Stravinsky joué par Pierre Quenehen (directeur du festival), Juha Marsalo et Sara Orselli comme « danseurs récitants ». À l'articulation d'un défi entre amis et d'un travail artistique, l'?uvre nous éloigne par sa trop grande fragilité d'interprétation. La mise en scène hésite entre « son et lumière » et spectacle pour enfants. À ratisser trop large, on ne bouscule personne, tout juste séduit-on ses amis, sa famille et écarte-t-on le nouveau public venu ce soir. D'autant plus que la présence du manager du festival sur scène brouille les pistes et renforce le clan familial!
En début de soirée, « Les Alcolytes » proposent un bal tzigane. Mais le blogueur critique a ses limites ! On s'amuse sur leur musique, mais nous continuons à persécuter les Roms à l'entrée de nos villes. Plus envie de danser…
Il est 22h30. Je quitte le château et je pense à ce modeste blog : il me protège de la séduction, m'aide à créer des ponts au coeur de mes archipels. C’est déjà pas si mal.
Pascal Bély ? www.festivalier.net