Emma Dante nous vient de Sicile et le Théâtre Universitaire Antoine Vitez d’Aix en Provence est quasiment complet pour deux pièces d’une heure chacune, surtitrées en dialecte parlemitain, « Mishelle di Sant’Oliva » et « Vita Mia ». Cette soirée autorise tous les liens entre ces deux chefs d’?uvre, comme si Emma Dante réparait avec un fil et une aiguille les cicatrices (familiales) d’une région, la Sicile, mais peut-être aussi celles des spectateurs d’autant plus que différentes générations composent ce public chaleureux.
« Mishelle di Sant’Oliva » met en scène deux hommes (un père et un fils) qui, dès la première image, rembobinent une pelote, métaphore d’un film familial en accéléré, d’un fil qui se tend et se détent et finit par céder. Dans « Vita Mia », c’est un lit que l’on tire, étire et c’est toute une famille (une mère et ses trois enfants) qui tangue entre la vie et la mort. La tension est permanente dans ce théâtre-là, ou le lien entre le spectateur et les personnages est comme un élastique, prêt à vous gifler chaque minute. Ce soir, Emma Dante créée entre la scène et nous, un espace métaphorique où nous pouvons jeter notre pelote et nous cacher sous le lit. Comme au temps de notre enfance où plier maladroitement le linge avec notre mère, et se planquer était des actes de résistance, une manière de jouer à la mort, à la vie. C’est dans cet espace que nous tissons une histoire avec le père, Gaetano, pour nous lier ensuite avec cette mère : dans les deux pièces, Emma Dante force notre écoute pour entendre toute la complexité du lien de filiation, d’un amour à mort. Elle nous offre deux faces d’une même médaille (le père, la mère) que nous ne cessons « habituellement » de retourner pour rechercher celle qui nous éclaire le plus loin.
Deux histoires où la vie et la mort s’entrechoquent, avec les masques de l’une pour vivre avec le déguisement de l’autre. Deux contes où le spectateur fait partie de la famille : d’un côté, français, nous reconnaissons Mishelle, ex-danseuse à l’Olympia de Paris, mariée à Gaetano, mais qui n’est jamais revenue un soir où elle partait « travailler ». Elle laisse en héritage les trottoirs de Palerme à Salvatore, fils unique dans son genre et travesti la nuit. De l’autre, nous sommes pris à témoin par une mère qui se plaint des comportements déviants de ces trois enfants. Elle finit, épuisée, par devoir choisir celui qui va mourir pour se coucher sur le lit de mort. Ce sera le plus jeune, Gaspare, fou de vélo et qui nous fait tourner la tête à force d’arpenter la scène.
Dans ces deux pièces, l’histoire défile en accélérée où l’on joue à la mort pour vivre sa vie.
Où le collier de la disparue et le vélo du jeune dernier se plient et se déplient pour entremêler la mort dans la vie.
Où l’amour triomphe de tout pour éviter qu’un collier ne soit une corde pour se pendre, qu’un vélo ne soit un fauteuil d’handicapé de la vie pour ceux qui restent.
Avec ces objets « flottants », Emma Dante joue avec les rites religieux pour les transcender. Elle donne aux spectateurs toutes les ficelles pour délier les n?uds formés par notre culture judéo-chrétienne. C’est sublime parce qu’elle passe par le corps. Son théâtre est chorégraphique comme si les mots ne suffisaient plus pour voir la vie par la mort, pour comprendre qu’un homme travesti n’a plus rien à cacher, qu’un fils mort peut faire revivre une mère en la délestant de sa robe noire pour une tenue de soirée rouge.
Ce théâtre élargit tout ce que la religion réduit. Il redonne la vie aux morts pour s’en émanciper. Le dernier tableau, quasi mystique, provoque un silence religieux dans la salle : la mère est couchée, aux côtés de Gaspare sous un tissu blanc, pendant que les deux frères dorment sous le lit.
Emu, je vois ce lit comme le divan. J’ai la pelote entre les mains.
Dans ces deux pièces, l’histoire défile en accélérée où l’on joue à la mort pour vivre sa vie.
Où le collier de la disparue et le vélo du jeune dernier se plient et se déplient pour entremêler la mort dans la vie.
Où l’amour triomphe de tout pour éviter qu’un collier ne soit une corde pour se pendre, qu’un vélo ne soit un fauteuil d’handicapé de la vie pour ceux qui restent.
Avec ces objets « flottants », Emma Dante joue avec les rites religieux pour les transcender. Elle donne aux spectateurs toutes les ficelles pour délier les n?uds formés par notre culture judéo-chrétienne. C’est sublime parce qu’elle passe par le corps. Son théâtre est chorégraphique comme si les mots ne suffisaient plus pour voir la vie par la mort, pour comprendre qu’un homme travesti n’a plus rien à cacher, qu’un fils mort peut faire revivre une mère en la délestant de sa robe noire pour une tenue de soirée rouge.
Ce théâtre élargit tout ce que la religion réduit. Il redonne la vie aux morts pour s’en émanciper. Le dernier tableau, quasi mystique, provoque un silence religieux dans la salle : la mère est couchée, aux côtés de Gaspare sous un tissu blanc, pendant que les deux frères dorment sous le lit.
Emu, je vois ce lit comme le divan. J’ai la pelote entre les mains.
Pascal Bély
www.festivalier.net
?????? “Mishelle di Sant’Oliva“ et “Vita mia” d’Emma Dante ont été joués le 31 mars 2008 au Théâtre Antoine Vitez d’Aix en Provence.
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