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LES EXPOSITIONS

Exceptionnel ?Visa pour l’image? à Perpignan.

L'édition 2007 de ?Visa pour l'image?, Festival International du photojournalisme à Perpignan est exceptionnelle. Alors que la ?people-isation? envahit nos journaux, que nos médias se recentrent de plus en plus sur la Sarkosie, que la presse écrite gratuite uniformise l’information, Perpignan devient le temps de deux semaines, une destination indispensable pour ouvrir l'oeil sur un monde globalisé. Loin des grands conflits hyper médiatisés, ?Visa pour l'image? montre ce qui se développer de façon souterraine (exploitation des enfants, violation des droits de l'homme dans les prisons, l'humiliation des femmes par les pouvoirs religieux) au profit d'occidentaux avides de produits bon marché. Je quitte Perpignan troublé, submergé par la qualité des expositions proposées. Rapide panorama d'un visa qui autorise tant de traversées…

 

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Jane Evelyn Atwood
Dimitar Dilkof

 


Six photographes, artistes ? reporter au regard décalé, à la frontière de l'art et du reportage. font un génial ?pas de côté? pour ouvrir notre conscience envers des pays classés dans nos mémoires.
Jane Evelyn Atwood
avec ?Haïti? est au sommet de son art. On reste médusé face à tant de virtuosité où les corps et les décors d'Haïti se confondent pour dessiner une fresque aux mille couleurs dans ce pays si pauvre. Atwood se saisit de l'infiniment petit pour le rendre grandiose à l'image d'un peuple dont la créativité semble être la seule ressource pour survivre.
Avec autant de génie, le photographe palestinien Raed Bawahah parvient à clouer sur place de nombreux visiteurs avec ?Vivre en Palestine. Hors de la guerre
israélo-palestinienne (ou dedans), il nous propose des visages, des postures d'hommes et de femmes internés dans un hôpital psychiatrique ou rencontrés sur les lieux de son enfance. On les croirait tous issus des pièces du metteur en scène Pipo Delbono, ou danseurs chez Pina Bauch. Les fous et les enfants abattent les murs, dégagent les gravas pour nous montrer une Palestine courageuse où la folie des hommes va finir par les rendre tous fous. Émouvantes jusqu'aux larmes, ses photos dessinent un peuple, une terre, une nation loin des discours guerriers.
Le Bulgare Dimitar Dilkoff avec ses ?Chroniques de l'Est? photographie les peuples avec gourmandise, empathie et retenue. On sourit parfois, pour s'inquiéter souvent de la collusion entre le politique et le religieux. Le corps est au centre des photos (métaphore de nos soumissions et dépendances?): des femmes se glissent sous les robes des prêtres pour prier, un homme s'immole par le feu pour protester, puis un groupe se jette dans l'eau glacée pour attraper une croix lancée par un religieux. Dilkoff est un très grand photographe pour susciter avec tant de force des résonances qui dépassent les frontières de l'Est.

 

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Raed Bawahah Agnès Dherbeys


La Française Agnès Dherbeys, avec ?Timor oriental: les rêves brisés de l'indépendance? ne passent pas inaperçue malgré sa très mauvaise exposition dans un des passages du Couvent des Minimes. Elle fait émerger la soif de démocratie d'un pays ravagé par la guerre avant que l'indépendance ne soit proclamée en mai 2002. Les cris traversent la photo, les contrastes de couleurs, de formes épousent les ambiguïtés d'un peuple partagé entre dépendance à l'égard des forces armées internationales et le désir d'autonomie. C'est époustouflant d'authenticité à l’image d’une humaniste lumineuse!

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Sergey Maximishin Véronique de Viguerie

Le Russe Sergey Maximishin avec ?Le dernier empire, 20 ans après?, pose un regard sans concession sur son pays. Les situations (souvent surréalistes) sont à l'image d'une nation tenue par une main de fer par Poutine, attiré par le capitalisme triomphant et soucieux de ses traditions. On est sidéré par ces clichés presque tous au bord de l'implosion, de la cassure ou de l'effondrement. Seuls, deux hommes échangeant dans un sauna nous apaisent tandis que la Russie plonge dans le regard obscur de Poutine capté dans son bureau (glaçant).
La Française Véronique de Viguerie avec ?Afghanistan, Inch'Allah??, émeut à plus d'un titre lorsqu'elle photographie les femmes de ce pays: avec son objectif, elle leur hôte symboliquement la burka et finit par leur redonner un visage qu'elle n'aurait jamais du perdre. On est troublé à l’égard de ses clichés où la femme est souvent une icône (religieuse?) face à des hommes assoiffés de pouvoir.

Cette sélection ne saurait masquer l'immense talent d'autres photographes qui semblent avoir été inspirés par une théorie de Mandela où celui-ci déclarait: ?je reconnais une démocratie au sort qu'elle fait à ses compatriotes les plus exclus, les plus marginaux?. C'est ainsi que les enfants esclaves, les mineurs prisonniers, les femmes exploitées envahissent plusieurs salles: Carolyn Cole du Los Angeles Time, Samuel Bollendorff (?À marche forcée?), Ian Berry, (?les enfants jetables du Ghana?) et Lizzie Sadin, (?Mineurs en peines?) interpellent, dénoncent, expliquent. À quatre, ils proposent le plus effroyable des reportages, celui que l'on ne verra jamais dans nos médias.
file-245867-58748.jpgIl ne faudra pas en tout cas compter sur Eric Hadj, qui avec ?A 20 kilomètres de la tour Eiffel? pose un regard scandaleux sur la banlieue où il a voulu ?photographier le vide? (comment est-ce possible avec des humains?). Il est notamment l'auteur d'une des photos où une enseignante lit dans le RER alors qu'elle est entourée de jeunes des quartiers. Elle fut publiée dans Paris ? Match en mars 2007 avec une légende pour le moins surprenante Sur les portables, la musique ­ du rap ­ joue à fond. La passagère, pas rassurée, se plonge dans sa lecture et n’en sort pas.»). Paris-Match a osé s'exposer à ?Visa pour l'image? comme si de rien n'était. Il est vrai qu'à trop vouloir transformer la réalité, il devient le journal spécialiste des clichés.


Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? ?Visa pour l’image? à Perpignan jusqu’au 16 septembre 2007.