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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Festival Faits d’Hiver, l’autre histoire de Geisha Fontaine et Pierre Cottreau.

« Mains d'?uvres » est un lieu culturel ouvert, accueillant, niché à Saint Ouen. Il nous propose, à l’occasion du Festival « Faits d'hiver », un feuilleton en douze épisodes ( « Je ne suis pas un artiste ») concocté par Geisha Fontaine et Pierre Cotreau. Cela commence à 19 heures pour ne finir qu'à 7 heures du matin. Entre temps, dans le cadre du projet avec le festival, j'ai l'opportunité de mener quelques entretiens avec les spectateurs. Eric Boudet, le photographe de danse, peut projeter ses instantanés de la performance dans un espace intelligemment pensé par la direction de Mains d'?uvres.  
Le temps médiatique nous envahit peu à peu. Tout doit s'apprendre, se jouer dans une pression verticale inquiétante. Dans ce contexte, un collectif d'artistes composé de danseurs professionnels et d'amateurs, d'un groupe rock, d'ingénieurs géniaux du son, de chercheurs, ont décidé de décortiquer la notion du « beau », en prenant leur temps et donc le nôtre ! Trois danseuses font le lien pendant douze heures avec une centaine d'artistes disposant de deux espaces d'expression : au fond de la scène, telle une agora, et sur le plateau où le corps peut décliner la beauté sous toutes ses formes. Le dispositif est toujours le même : résumé de l'épisode précèdent par la chanteuse Alexandra Fleissher, une chanson, une danse par le trio, une vidéo, une danse avec les invités et, pour faciliter le passage à l'épisode suivant, la phrase culte : « Mais ça, c'est une autre histoire ».  
Alors, d'épisode en épisode, stylo à la main, j'ai glané ici et là les paroles du public. Une prouesse aussi pour le bloggeur quand il faut mener une interview à cinq heures du matin. Une performance pour le lecteur de ce blog qui va devoir s'immerger dans un processus auquel il n'a pas participé. En huit tableaux, je vous propose les mots de ce public performant. A nous d’en faire une fresque. Mais ça, c’est une autre histoire…


S'ouvrir à la coconstruction.

Après le deuxième épisode, Fabienne ne veut pas « forcer sur sa résistance ; j'ai besoin de douceurs actuellement. Il est 21 heures et je tiendrais le temps qu'il faut, mais qu'importe la durée. Ma réflexion sur la beauté va se construire avec eux. Je me sens chercher avec ces artistes ; c'est ouvert, c'est accessible. Je ne me sens pas rabaissé ». Fabienne ne sera plus là à sept heures du matin. Qu'importe, son ouverture me donne son regard. C'est beau.

La nouvelle vague.
Déjà trois épisodes. Agnès a « besoin de ce temps que la performance nous offre. C'est précieux, douze heures pour nous aider à réfléchir sur le beau. On nous présente toujours des formats courts, pariant que le public peut toujours tout comprendre en une heure. Ce soir, j'ai envie d'une proximité avec les artistes même s'ils sont encore dans la représentation. Il faut attendre encore un peu pour qu'ils me relient à eux. Pour l'instant, je les ressens encore trop dans leur communauté ». Agnès définit peut-être les nouveaux enjeux de la création contemporaine. La danse pourrait s'en emparer. Elle va le faire. Beau programme.

La déconstruction bouillonnante.
Déjà quatre épisodes. C'est la pause dîner. Elle va partir et je n'ai même pas le temps de lui demander son prénom. Elle est occupée, trop occupée. Pourtant, avec mon stylo, je note, j'interroge? « A l'issue des quatre épisodes, le questionnement sur la beauté prend forme et puis ce garçon (François Chaignaud en photo ci-dessus et dessous!)  qui se travestit est extraordinaire». Je n'en saurais pas plus. Elle est partie. Ce danseur quitte aussi «Mains d'?uvres » avec son sac et sa bouilloire (il a osé danser avec elle). Il laisse sa place à d'autres invités. Et pourtant?Ce danseur a porté les quatre premiers épisodes en déconstruisant nos images figées sur la beauté. Avec sa bouilloire électrique, il a donné aux gestes les plus banaux de la vie quotidienne une dimension  pour le moins troublante.


Du dedans au dehors.
Au cours du cinquième épisode, « Je ne suis pas un artiste » secoue le milieu de la danse. Laurence Louppe entre dans la caricature avec David Monceau, jeune danseur acrobatique (photo ci-dessous). L'enseignement vertical devient horizontal. Lequel des deux est le plus souple ? Ce duo est sublime, assurément. Et pourtant?Véronique « n'y est pas. Entre le discours et ce qui se passe sur scène, il y a un élément qui m'échappe. Et puis la scène avec Laurence Louppe est terrible. C'est du mouvement sans rien. Je ne comprends pas. C'est trop tendu, trop fait. Il n'y a pas assez de second degré ». Elle dedans, moi dehors, je ne comprends plus. Au moment où David et Laurence se transmettent l'énergie du beau, Véronique est sous contrôle.


Du bouillonnant au brouillon.
Les 6e et 7e épisodes m'engloutissent. Sur scène, on s'amuse à chercher « la plus belle danse ».

Ce retour au « plus » et au « moins », à cette binarité, m'empêche quasiment d'aller vers le public. Le bloggeur est sous contrôle.


Les mots bleus.
Manuel répond à mes questions et puis un blanc. Alors, il me regarde et me dit : « A chaque épisode, il y a un mouvement où c'est beau. La performance est dans ce moment là ». Dans toute recherche, il y a la parole de l'autre qui vous redonne le sens au moment où vous l'aviez perdu. Manuel a de beaux mots.

Unicolore.
Il y a cette scène où les deux danseuses mâchent et s'amusent avec du chewing-gum. Il y a ces ballons gonflés a
vec le souffle des danseurs. Tout aurait pu avoir la même intensité que l'épisode de la bouilloire. Mais voilà?Lou, amère, constate que « tous ces gestes sont faits, mais ils ne sont pas vécus à l'image de ces ballons dont elles ne font rien ». Le trio  est pris entre les invités qui font le corps de la pièce et le groupe musical qui pose le contexte avec créativité. Il
essuie les critiques. Le rose des vêtements des trois danseuses n'y fait plus rien : on les voit trop ou pas assez. Beauté fatale.

Arc-en-ciel.
4h45. Véra est sous l'effet d'une drogue. Le rose fait ses effets : « Je ne suis pas capable de savoir dans quel épisode nous sommes. Sous l'effet de la fatigue, le contrôle mental ne marche plus. J'avais une attente au début de la performance. Elle ne se joue pas, comme dans la vie. On ne se sait jamais ce qui va se passer ». Elle est accroc, mais je n'ai pas eu la dose suffisante pour l’être.
Le 11e épisode a un effet hypnotique. On nous l'assure, « le beau est grec ». Mais surtout, le grec, joué par Alexandre Théry, est drôle. On ne sait plus dans quelle époque épique nous sommes, le beau traverse la mythologie pour venir se nicher au c?ur de nos cerveaux anémiés. Comme me l'avouera Françoise « Je n'ai pas envie de lâcher. Il n'y aura pas de fin. Cette linéarité en douze épisodes ouvre ».

Sept heures du matin. Paris s'éveille. « Je ne suis pas un artiste » fera ses effets. Je ne sais ni quand, ni comment. La danse a trouvé là ses ouvertures complexes, à l'articulation de nombreux chemins dont on ignore où ils peuvent nous mener. Geisha Fontaine et Pierre Cottreau sont à coup sûr des visionnaires. Reste maintenant à habiter le trio des danseuses (métaphore de la danse actuelle ?)  pour que le « beau » ne soit plus simplement une question, mais un courant artistique transdisciplinaire.
Mais ça, c'est une histoire à construire ensemble.


Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.


?????? “Je ne suis pas un artiste” de Geisha Fontaine et Pierre Cottreau a été joué à “Mains d’Oeuvres” les 13 janvier et 3 février 2007 de 19h à 7 h du matin dans le cadre du Festival “Faits d’Hiver”.