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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Festival Faits d’Hiver, Brigitte Seth et Roser Montllo commettent le crime parfait.

Le studio « Le regard du Cygne » à Paris accueille le Festival « Faits d’Hiver ». J’anime avec Alexandra la médiation culturelle pour mettre en lien le public, le bloggeur et Eric Boudet, photographe de danse. Le lieu est apaisant, niché au fond d’une cour dans le 20ème, rendez-vous presque secret des amateurs de danse. Ils sont là, un dimanche, à 15h, seuls ou en couples (tel ce duo de colocataires, Laurent et Julie, venus en voisins !). Nous sommes loin de nous douter que ce studio héberge deux criminelles. À écouter et noter les ressentis d’un groupe de spectateurs à la sortie de « Epilogos, confessions sans importance » de Brigitte Seth et Roser Montllo, je prends conscience de l’énergie que peut donner un festival qui ose surprendre en ouvrant les cases !
Nous avons aimé cette œuvre inspirée de Max Aub, écrivain d’origine allemande, espagnol et mexicain suivant les époques. L’acte criminel nous tient en haleine pendant cinquante minutes. Tout commence par une scène qui déplace les frontières. Face à nous, en blouse blanche, elles évoquent avec humour Max Aub, comme deux professeurs qui expérimenteraient une nouvelle pédagogie. La pièce débute dans un entre-deux, un contexte qui positionne étrangement le spectateur. Entre théâtre et réalité, « Epilogos, confessions sans importance » est une « fiction hyper – réaliste » selon Mélody, , «Une histoire racontée par le corps mais ce n’est pas une danse » pour François. Cet « entre-deux » permet d’incarner le crime dans toute sa complexité (comme un « défouloir…qui n’a jamais eu envie de tuer quelqu’un ? » précise Julie), à partir d’un « genre artistique » où la danse, la littérature, le mime et  le théâtre forment un tout dynamisant.
La force de ce duo est incontestablement leur capacité à transcender les textes de Max Aub pour nous en offrir une lecture à la fois drôle et profonde. Les mots pénètrent leurs corps, de la tête jusqu’aux pieds ; quand l’une extériorise la violence du crime, l’autre l’intériorise pour nous la restituer sous une forme inattendue (« où comment tuer avec grâce ! »). Ainsi, les photographies d’ Eric Boudet, loin de capter le mouvement, cherchent  le corps qui danse par les mots,
exercice d’autant plus difficile que les lumières accompagnent peu le travail architectural du texte. Pour Marie et François,  c’est un spectacle « musical »: la bande-son relie les deux femmes, leurs coups de poing sur la table rythme la déstructuration du texte, comme si elles assassinaient la littérature ! Nous sommes souvent interpellés dans cette mise en scène qui ne laisse aucun temps mort (sic). En effet, nos souvenirs d’enfant s’immiscent quand l’une étrangle l’autre (je nous revoie jouer avec ma sœur) ou, vers la fin du spectacle, elles tournent autour de la pièce, telles des prisonnières de Guantanamo ou des camps de concentration. Sublime.
Reste que « Epilogos, confessions sans importance » n’est pas qu’une mise en scène créative des textes de Max Aub. Pour François, les deux artistes nous parlent d’elles, de leurs confrontations,  tout en maintenant l’ambiguïté dans l’emploi du masculin et du féminin. Pour Alexandra, cette confusion créée l’interaction avec public, où l’on passe d’elle à il, d’elles à nous.
Brigitte Seth et Roser Montllo signent là une œuvre ouverte, transdisciplinaire, loin de toutes nos références. De quoi nous donner envie de lire Max Aub, de suivre les créations de ce duo atypique.
Finalement, ces criminelles ne tuent pas…quel joli paradoxe !


Les photos ont été choisies par le public, à l’issue de la représentation. Eric Boudet s’est simplement permis un recadrage et un ajustement très succinct de la luminosité.


Photos non libre de droit; pour de plus amples informations, contactez Eric Boudet.

« Epilogos, confessions sans importance » de Brigitte Seth et Roser Montllo a été joué du 18 au 21 janvier 2007 au "Regard du Cygne" dans le cadre du Festival "Faits d’Hiver".


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